20 novembre 2013

Projet herbe à poux 2007-2010 Phase I

Article
Auteur(s)
Nolwenn Noisel
Direction de santé publique de la Montérégie
Johanne Groulx
Centre de recherche et développement en horticulture, Agriculture et agroalimentaire Canada
Pascale Krzywkowski
Direction de santé publique de la Montérégie
Elisabeth Masson
B. Sc. Responsable de la coordination professionnelle, Direction de santé publique de la Montérégie
Diane Lyse Benoit
Direction de santé publique de la Montérégie
Linda Pinsonneault
Direction de santé publique de l'Estrie
Jacques Lemaire
Université de Sherbrooke

Évaluation de l’efficacité d’un projet de mobilisation pour la lutte contre l’herbe à poux sur la qualité de vie des personnes allergiques

Contexte

La rhinite allergique est fréquemment présente dans la population québécoise, puisque cette pathologie a une prévalence de 17 %. Les pollens en sont les principaux agents étiologiques [1]. Parmi les végétaux relarguant des aéroallergènes (arbres, graminées et mauvaises herbes), l’herbe à poux produit le pollen ayant un des plus forts potentiels allergéniques [2], essentiellement dû à la protéine Amb a 1.

En 2008, à l’échelle provinciale, environ une personne sur dix (9 %) a reçu un diagnostic d’allergie au pollen de l’herbe à poux. Les effets sur la santé de l’herbe à poux se manifestent principalement par des éternuements et des picotements des yeux et du nez. L’allergie au pollen de l’herbe à poux peut également exacerber l’asthme chez les personnes prédisposées [3]. Les différents symptômes peuvent devenir incommodants et altérer, de façon parfois importante, la qualité de vie des personnes touchées (troubles du sommeil, perturbation des activités quotidiennes et difficultés à travailler, par exemple).

L’ensemble de ces effets engendre des coûts associés aux frais médicaux, à la perte de productivité et à d’autres frais divers, estimés - en 2005 - entre 156 et 234 millions de dollars pour le Québec [4]. Compte tenu des répercussions des changements climatiques, la distribution géographique de l’herbe à poux et la période de pollinisation tendent à s’accroître [5]. Si aucun contrôle de la plante n’est effectué, la durée et l’intensité des symptômes ainsi que la prévalence de l’allergie au pollen de l’herbe à poux augmenteront inévitablement, ce qui contribuera à diminuer de façon notable la qualité de vie des personnes affectées et entraînera des coûts additionnels pour la société.

L’implantation de stratégies de contrôle de l’herbe à poux pourrait réduire sa présence sur le territoire et ainsi avoir un effet positif sur la qualité de l’air, permettant la réduction des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie des personnes allergiques. La diversification des mesures de contrôle mises en œuvre grâce à la mobilisation des partenaires des communautés pourrait rendre ce contrôle encore plus efficace. Dans l’optique où les mesures de contrôle sont appliquées correctement, le nombre de plants d’herbe à poux retrouvés sur le territoire de la municipalité serait diminué [6, 7], ce qui, plausiblement, diminuerait la concentration pollinique dans l’air. En s’appuyant sur l’existence d’une corrélation entre les concentrations de pollen d’herbe à poux et l’apparition des symptômes de rhinite allergique [8], il est possible de penser que la diminution de la concentration de pollen dans l’air conduirait à une diminution de la sévérité des symptômes chez les personnes atteintes de rhinite allergique et, par le fait même, à une amélioration de leur qualité de vie.

Cette hypothèse (voir figure 1) constitue le point de départ de l’étude d’évaluation réalisée entre 2007 et 2010 par la Direction de santé publique (DSP) de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), et soutenue par la Table québécoise sur l’herbe à poux (TQHP) et la Ville de Salaberry-de-Valleyfield.

Figure 1. Cadre conceptuel du projet de mobilisation pour le contrôle de l’herbe à poux

Objectifs de l’étude

Le Projet d’évaluation de l’efficacité de la mobilisation pour la lutte contre l’herbe à poux sur la qualité de vie des personnes allergiques 2007-2010 avait pour objectif d’évaluer les effets environnementaux et sanitaires d’un projet de mobilisation d’une communauté (milieu expérimental) dans le contexte d’une gestion multisectorielle du contrôle de l’herbe à poux. Pour ce faire, l’étude visait à :

  • évaluer les stratégies d’action déployées quant au processus et à l’atteinte des résultats de la mobilisation pour le contrôle de l’herbe à poux (volet mobilisation) ;
  • déterminer si la mobilisation pour le contrôle de l’herbe à poux permet de réduire la présence de la plante sur le territoire étudié et les concentrations de pollen de source locale (volet environnement) ;
  • déterminer si les mesures de contrôle mises en œuvre grâce à la mobilisation permettent de réduire des symptômes et d’améliorer la qualité de vie des personnes allergiques (volet santé).

Méthodologie

L’étude a été réalisée en trois volets complémentaires, soit le volet mobilisation, le volet environnement et le volet santé, chacun concernant l’un des objectifs ci-dessus. À l’aide de devis spécifiques, l’étude visait, d’une part, à apprécier le processus de mobilisation dans le milieu expérimental (Salaberry-de-Valleyfield, intervention intensive et concertée pour le contrôle de l’herbe à poux). Elle visait, d’autre part, à évaluer l’efficacité du contrôle concerté de l’herbe à poux sur les plans environnemental et sanitaire. Les données de ces deux volets ont été comparées aux résultats obtenus dans un milieu témoin (intervention « minimale », soit un entretien standard des terrains ne ciblant pas spécifiquement l’herbe à poux).

Volet mobilisation

L’évaluation de la mobilisation a été réalisée dans le milieu expérimental uniquement. Elle a porté sur les deux stratégies d’action constituant le cadre logique de la mobilisation : 1) la formation d’un comité de mobilisation communautaire (CMC) constitué de partenaires du milieu ; 2) la mise en œuvre d’un plan triennal d’actions concertées pour le contrôle de l’herbe à poux dans sept secteurs d’activité ciblés (secteurs agricole, commercial, industriel, institutionnel, municipal, résidentiel et voies de transport). L’évaluation du processus, basée sur un cadre d’analyse associé aux conditions de réussite d’une concertation efficace [9], s’est faite dans une perspective diachronique (historique), en raison de la durée de l’étude et de la présence d’organisations issues de différents secteurs d’activité socioéconomique [10]. Quatre catégories d’indicateurs de résultats ont été définies :

  • Conditions influençant la participation à l’étude;
  • Planification de l’action;
  • Dynamique au sein du CMC;
  • Soutien technique et accompagnement de la mobilisation.

Une approche d’évaluation formative a permis d’ajuster annuellement le processus de mise en œuvre pour soutenir l’atteinte des objectifs du plan triennal.

Les populations à l’étude étaient les organisations publiques et privées locales des secteurs d’activité ciblés sollicitées pour contrôler l’herbe à poux, et les partenaires associés à l’étude. L’évaluation, réalisée annuellement de 2008 à 2010 (soit de T1 à T3), reposait sur un devis mixte (approches qualitative et quantitative). Quatre méthodes de collecte de données ont été utilisées auprès de la population échantillonnée :

  • des entrevues semi-dirigées (entrevues individuelles et de groupe) auprès des partenaires du CMC et des personnes associées à l’étude (mobilisation sur le terrain, soutien régional);
  • des enquêtes par questionnaire autoadministré auprès des deux groupes cibles suivants :
    • le CMC et ses partenaires : sujets portant sur la perception, les connaissances sur l’herbe à poux, les moyens, les raisons du contrôle de l’herbe à poux appliqué, ainsi que sur le processus de concertation (questionnaires des deux premières années de l’étude);
    • les organisations sollicitées : sujets portant sur la perception, les connaissances sur l’herbe à poux, les moyens et les raisons du contrôle de l’herbe à poux appliqué;
  • une collecte d’information documentaire (procès-verbaux, rapports d’activité) ;
  • le suivi des résultats du plan d’actions concertées, en particulier les résultats relatifs au contrôle de l’herbe à poux réalisé par les organisations sollicitées (méthodes, périodes, degré d’infestation).

Volet environnement

L’évaluation du volet environnement était fondée sur un devis quasi expérimental de type pré-test, post-test avec groupe de comparaison non équivalent. Une première collecte de données (densité de plants et concentration de pollen) a été réalisée pour évaluer les niveaux initiaux dans les deux milieux à l’étude (expérimental et témoin à T0 [2007, année de référence pré-intervention]). Par la suite, les concentrations de pollen ont été mesurées de 2007 à 2010 inclusivement (représentant T0, T1, T2 et T3) dans les deux milieux. Par contre, les densités de plants ont été mesurées chaque année dans le milieu expérimental, mais seulement à la fin de l’étude (T3) dans le milieu témoin. Les données collectées incluaient des inventaires urbains d’herbe à poux (nombre de plants/m2) dans les différents habitats (résidentiel, industriel, aménagé (parcs, espaces verts publics et privés) et perturbé (terrains vacants et en construction, bords de route, et dépôts à neige)) par observation à l’aide d’une grille stratifiée divisant les territoires étudiés en secteurs de 1,5 km2. De plus, les concentrations de pollen (nombre de grains de pollen/m3) ont été déterminées par comptage des grains en laboratoire à partir d’un échantillonnage journalier effectué pendant la dernière quinzaine d’août. Le pollen était collecté par des capteurs Rotorod répartis dans les différents habitats, pour un total de 30 capteurs. Quinze capteurs ont été installés dans chaque ville, dont deux capteurs à 15 m de hauteur (indicateur régional) et deux autres en zone agricole.

Volet santé

L’impact du projet de mobilisation sur la santé a été évalué à l’aide d’un devis quasi expérimental de type série chronologique avec groupe de comparaison non équivalent. La population à l’étude était constituée d’un groupe expérimental initial de 219 adultes allergiques au pollen de l’herbe à poux vivant dans le milieu avec intervention intensive. Ce groupe a été comparé à un groupe de 221 adultes souffrant de la même allergie vivant dans le milieu avec intervention minimale (groupe témoin).

Les participants étaient recrutés sur une base volontaire et devaient habiter dans les secteurs géographiques à l’étude délimités par l’étude. Les variables retenues concernaient les symptômes de rhinoconjonctivite allergique et la qualité de vie, tel que mesuré par le questionnaire Rhinoconjunctivitis Quality of Life Questionnaire (RQLQ) [11], ainsi que certaines variables de confusion potentielles (autres allergies, prise de médicaments, présence d’animaux au domicile, habitudes tabagiques, etc). Le RQLQ est un questionnaire validé en français et en anglais, qui permet de calculer un score de qualité de vie et différents scores de gravité de symptômes liés à la rhinoconjonctivite allergique, dont les symptômes nasaux et oculaires, à l’aide d’une échelle de Likert à sept points.

L’ensemble des données a été collecté à l’aide de questionnaires dans les deux langues (anglais et français). Les questionnaires étaient soit acheminés par courrier postal et autoadministrés, soit administrés par téléphone par un membre de l’équipe de recherche. La collecte de données a été réalisée chaque année (T0- T3) sur une durée d’une semaine. La collecte de données était réalisée dans la semaine précédant la fête du Travail, semaine pendant laquelle les concentrations de pollen d’herbe à poux sont généralement maximales.

Analyses statistiques

Les concentrations de pollen et les densités de plants ont été analysées par analyse factorielle de variance sur les données transformées (ln (√ (x+0,5) + 1). Des comparaisons multiples ont été effectuées selon le test de Hochberg’s GT2 au seuil de probabilité de α = 0,05. Les résultats présentés sont basés sur des valeurs retransformées.

Les analyses des variables sanitaires ont été effectuées sur des données non transformées, étant donné que les différences de scores de gravité des symptômes et de qualité de vie entre T0 et T3 remplissaient les conditions de distribution normale et d’homogénéité des variances. La différence entre les groupes au temps T0 ainsi que les évolutions des symptômes ont été analysées à l’aide de tests de t de Student et de Khi-carré de Pearson, au seuil de signification α = 0,05.

Résultats

L’étude a montré des résultats positifs pour les trois volets. Ces résultats sont d’ordre qualitatif pour le volet mobilisation, alors qu’ils sont quantitatifs et statistiquement significatifs pour les volets environnement et santé.

Volet mobilisation

La mobilisation, amorcée par trois partenaires (Ville de Salaberry-de-Valleyfield, Centre de santé et de services sociaux du Suroît ainsi que Crivert, un groupe écologique mandaté par la Ville pour réaliser la mobilisation), a reçu un appui collectif important. En effet, plus d’une douzaine de partenaires des secteurs d’activité ciblés ont constitué la structure de concertation, le CMC. Ce dernier a élaboré le plan triennal d’actions concertées pour le contrôle de l’herbe à poux à l’échelle du territoire géographique couvert par les deux autres volets. Le processus de concertation et de gestion était initialement prévu au sein du CMC, dans une perspective de concertation intersectorielle (basée sur une approche de collaboration) [12].

L’appui des partenaires du CMC à l’étude est demeuré présent pendant les trois années. Cependant, étant donné le manque de disponibilités de plusieurs partenaires, les trois partenaires initiaux ont assuré la gestion concertée de l’étude dès la 2e année, en collaboration avec la DSP de la Montérégie. De plus, des ressources du secteur d’activité agricole (Union des producteurs agricoles, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec) ont pris part au processus de concertation, agissant comme relayeurs d’informations auprès des producteurs agricoles.

Une équipe de mobilisation a géré la mise en œuvre du plan d’action triennal (révision des objectifs et priorités annuels, suivi rapproché, communication, collecte de données pour l’évaluation). Ce fonctionnement s’est avéré très efficient, mais les démarches annuelles pour renouveler le personnel de mobilisation (étudiants) et en financer les activités ont nui à la stabilité de l’équipe et alourdi le processus de gestion. La mise en œuvre du plan d’actions concertées, par une démarche d’influence et la diffusion d’informations appropriées auprès des organisations des sept secteurs d’activité, s’est traduite par une mobilisation significative à compter de T2.

À la fin de l’étude (T3), les objectifs de participation ou d’appui étaient atteints (Figure 2) pour les voies de transport et les secteurs commercial et municipal, et étaient pratiquement atteints pour les autres secteurs. Ainsi, une organisation locale sur trois participait au contrôle de l’herbe à poux ou appuyait publiquement l’intervention, pour un total de 416 organisations mobilisées. Pour le secteur résidentiel, aucun objectif de mobilisation n’avait été fixé étant donné la difficulté à en évaluer l’atteinte. La sollicitation des organisations à participer au contrôle de l’herbe à poux a exigé du temps et des déplacements sur le terrain par l’équipe de mobilisation. Bien qu’essentielle, cette démarche fut marquée par des difficultés à joindre les organisations et les responsables de l’entretien des terrains (mauvaises coordonnées, période des vacances estivales, fermetures d’entreprises).

Figure 2. Proportion des organisations visées par l’étude (objectif visé) ou mobilisées pour le contrôle de l'herbe à poux (participation réelle), par secteur d'activité, 2010.

Parmi les 416 organisations mobilisées, 165 ont contrôlé activement l’herbe à poux durant l’été, une bonne proportion l’a contrôlée chaque semaine ou toutes les deux semaines. Les organisations propriétaires de vastes terrains ayant une présence importante d’herbe à poux ont appliqué un contrôle de la plante entre la mi-juillet et le début du mois d’août, soit avant la libération de son pollen. Les organisations ont perçu, au fil du temps, que le contrôle de la plante était réalisable par des moyens efficaces et faciles à appliquer ; elles l’ont également trouvé peu exigeant; en matière de ressources (résultats non présentés). Bien que l’herbe à poux ne soit pas présente sur leurs terrains, 249 organisations, majoritairement des commerces, ont toutefois appuyé activement l’étude (Figure 3). Le taux de refus de participer à l’étude est par ailleurs jugé faible (< 5 %).

Figure 3. Répartition des organisations mobilisées par secteur, en fonction de la présence d'herbe à poux.

La majorité des partenaires du CMC souhaitent la poursuite du contrôle de l’herbe à poux à l’échelle municipale. Ils trouvent important de regrouper des partenaires ciblés pour orienter l’action et soutenir les organisations par une stratégie de communication et de déterminer une approche adaptée à chacun des secteurs d’activité ciblés et au degré d’infestation des terrains.

Volet environnement

Sur le plan environnemental, la densité moyenne de plants d’herbe à poux (nombre de plants d’herbe à poux/m²) et la concentration de pollen (nombre de grains de pollen/m3) ne sont pas significativement différentes d’une ville à l’autre à T0 (avant intervention). De plus, sur l’ensemble de l’étude, les populations d’herbe à poux recensées se distribuent de façon similaire dans les différents habitats analysés dans les deux villes. Il n’y a pas de différence significative des densités de plants d’herbe à poux entre T0 et T3 pour le milieu témoin. Par contre, le contrôle de l’herbe à poux dans le milieu expérimental a entraîné une diminution significative de la densité de plants dans les habitats résidentiels (3 vs 1 plants/m2), industriels (11 vs 4 plants/m2) et perturbés (20 vs 7 plants/m2) (Figure 4). Cependant, dans l’habitat perturbé, certains endroits se sont révélés plus problématiques (à cause de la banque de graines importante dans le sol ou de la salinité du sol, par exemple dans les dépôts à neige et les bords de routes). Les habitats résidentiels ont des populations d’herbe à poux statistiquement plus faibles que les autres habitats dans les milieux expérimental et témoin.

Figure 4. Évolution des densités de plants d'herbe à poux dans le milieu expérimental et le milieu témoin, de 2007 à 2010 (données retransformées).

En ce qui concerne les concentrations de pollen à T3, elles sont généralement statistiquement plus faibles dans le milieu expérimental que dans le milieu témoin (101 vs 235 ; 192 vs 312 ; 111 vs 174 ; 447 vs 823 grains/m3, respectivement pour les habitats résidentiels, industriels, aménagés et perturbés). Dans le milieu expérimental, les concentrations de pollen sont plus faibles à T3 qu’à T0 pour l’habitat résidentiel, ou similaires entre T3 et T0 pour les habitats aménagés et perturbés, à l’exception de l’habitat industriel pour lequel une forte augmentation de concentration de pollen est observée (Figure 5). Par contre, dans le milieu témoin, une tendance statistiquement significative à la hausse se dégage dans tous les habitats entre T0 et T3.

Figure 5. Évolution des concentrations de pollen d'herbe à poux dans le milieu expérimental et le milieu témoin, de 2007 à 2010 (données retransformées).

Volet santé

Sur les 440 participants, 388 ont répondu à T0, 357 à T1, 330 à T2 et 309 à T3, pour des taux de réponse de 88 %, 81 %, 75 % et 70 % respectivement. Ces valeurs atteignent l’objectif final de 70 % de taux de participation. Après application des critères d’exclusion, les données de 106 participants dans le groupe expérimental et de 121 participants dans le groupe témoin ont été prises en compte pour les analyses statistiques. La comparaison des groupes à T0 montre que ceux-ci présentent les mêmes caractéristiques (Tableau 1), à l’exception des problèmes de santé autres que l’allergie, qui est plus fréquemment rapportée dans le groupe expérimental (67 % vs 52 %, p = 0,023). Les deux groupes sont équivalents (non statistiquement différents) en ce qui concerne la gravité des symptômes nasaux et oculaires ainsi que l’altération de la qualité de vie à T0.

Tableau 1. Caractéristiques des participants au début de l’étude (T0)

Caractéristiques

Groupe expérimental
n = 106

Groupe témoin
n = 121

Scores moyens de symptômes (±SD)

   

Symptômes nasaux

3,46 (±1,31)

3,25 (±1,37)

Symptômes oculaires

3,05 (±1,52)

3,17 (±1,51)

Qualité de vie

3,18 (±1,11)

3,09 (±1,09)

Temps passé à l'extérieur de la municipalité
(% (±SD))

21 (±20)

19 (±20)

Prise de médicaments O/N (n (%))

82 (77 %)

90 (74 %)

Nombre de médicaments (±SD)

1,62 (±1,37)

1,56 (±1,33)

Allergies autres O/N (n (%))

85 (80 %)

86 (71 %)

Charge allergique (±SD)

1,51 (±1,26)

1,55 (±1,44)

Désensibilisation O/N (n (%))

6 (6 %)

5 (4 %)

Problèmes de santé autres O/N (n(%))

71 (67 %)*

63 (52 %)

Nombre de problèmes de santé autres (±SD)

1,20 (±1,23)

0,94 (±1,20)

Animaux domestiques O/N (n (%))

56 (53 %)

62 (51 %)

Tabagisme O/N (n (%))

20 (19 %)

13 (11 %)

Fumée secondaire O/N (n (%))

11 (10 %)

5 (4 %)

Âge (±SD)

43,1 (±13,0)

45,9 (±15,0)

Genre (n (%))

   

   Masculin

40 (38 %)

33 (27 %)

   Féminin

66 (62 %)

88 (73 %)

* p < 0,05 pour la comparaison entre le groupe expérimental et le groupe témoin.

Notes :
Les valeurs rapportées sont soit des moyennes arithmétiques avec leur écart type (±SD) soit des nombres (n) et la proportion (%) correspondante dans chaque groupe;
Les n de chacune des caractéristiques varient selon le nombre de participants ayant répondu à chaque question.

Dans le groupe expérimental, les analyses bivariées portant sur l’évolution des différents scores (une diminution du score reflète une gravité moindre des symptômes, donc une amélioration de l’état de santé) suggèrent une amélioration statistiquement significative entre le début et la fin de l’intervention pour les trois effets sur la santé étudiés (Tableau 2). A contrario, aucune amélioration significative n’a pu être mise en évidence dans le groupe témoin. Finalement, l’amélioration des symptômes nasaux et la qualité de vie estimée par les différences de scores ΔT3-T0 est statistiquement plus marquée dans le groupe expérimental par comparaison avec le groupe témoin (-0,49 vs -0,03 et -0,32 vs -0,01 respectivement).

Tableau 2. Scores moyens des symptômes nasaux, oculaires et qualité de vie dans les deux groupes à l’étude et évolution en fonction du temps1

Effets étudiés

Groupe expérimental

Groupe témoin

 

T0

T3

ΔT3-T0

T0

T3

ΔT3-T0

Symptômes nasaux

3,46 (±1,31)

2,97 (±1,56)*

-0,49 (±1,56)‡

3,25 (±1,37)

3,22 (±1,48)

-0,03 (±1,57)

Symptômes oculaires

3,05 (±1,52)

2,70 (±1,72)*

-0,35 (±1,68)

3,17 (±1,51)

3,02 (±1,67)

-0,15 (±1,43)

Qualité de vie

3,18 (±1,11)

2,86 (±1,39)*

-0,32 (±1,26)†

3,09 (±1,09)

3,08 (±1,26)

-0,01 (±1,17)

1 Les résultats ont été arrondis et peuvent différer de la soustraction des scores; moyenne arithmétique ± écart-type (± SD).
* p < 0,05 pour la comparaison de l’année T3 avec l’année de référence (T0) dans un même groupe
p < 0,05 pour la comparaison du groupe expérimental avec le groupe témoin
p < 0,10 pour la comparaison du groupe expérimental avec le groupe témoin

Environ un participant sur deux dans le groupe expérimental (46,2 %, 41,5 % et 43,4 % respectivement pour les symptômes nasaux, oculaires et la qualité de vie) a rapporté une amélioration des symptômes cliniquement observable (différence de score de plus de 0,5 point correspondant à la valeur de Minimal Important Difference [MID] [13]). Dans ce cas, l’amélioration est significative pour les symptômes oculaires et la qualité de vie par comparaison au groupe témoin et atteint 57,0 % et 45,7 %.

Discussion – Conclusion

L’étude a montré que la gestion concertée de l’intervention pour le contrôle de l’herbe à poux, a permis une implication soutenue et répétée des différents partenaires et des organisations sollicitées, malgré certaines difficultés dans le processus de mobilisation à l’échelle municipale. L’appui de la municipalité à l’étude, et par la suite, la présence d’un comité élargi formé de partenaires locaux influents, ont constitué des leviers importants au maintien de l’engagement d’organisations issues de secteurs d’activité socioéconomique différents, et ce, tout au long de l’étude. Cela traduit une perception positive au sujet de la responsabilité collective du contrôle de l’herbe à poux par tous les participants, incluant leur organisation ou entreprise. Il faut noter qu’il s’agissait d’un projet spécifique et circonscrit dans le temps. Toutefois, les partenaires du CMC ont signifié leur souhait de poursuivre l’action concertée, confortés par l’ensemble des résultats obtenus dans le cadre de l’étude.

En effet, cette mobilisation a entraîné le contrôle de l’herbe à poux sur le territoire à l’étude, permettant ainsi la diminution des densités de plants ainsi que des concentrations de pollen dans certains habitats, en particulier dans l’habitat résidentiel. Étant donné que les graines de l’herbe à poux ont une dormance de plusieurs années dans le sol, il est plausible que ce soit le contrôle annuel et efficace - grâce à la coordination des périodes de fauche entre les acteurs à des périodes optimales pour réduire la floraison de la plante - qui a réduit la présence d’herbe à poux dans le milieu expérimental.

Par ailleurs, les résultats du volet santé ont permis de mettre en évidence une diminution de la gravité des symptômes de rhinoconjonctivite allergique, notamment pour les symptômes nasaux, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie dans la communauté où l’intervention pour le contrôle de l’herbe à poux a été réalisée, traduisant une amélioration de l’état de santé des participants. Une des limites de l’étude consiste en l’attribution d’un niveau d’exposition unique pour l’ensemble des participants de chacun des groupes. Celle-ci pourrait être comblée par une analyse plus approfondie de l’exposition individuelle des personnes allergiques

Cette étude, qui conclut la première phase du Projet d’évaluation de l’efficacité de la mobilisation pour la lutte contre l’herbe à poux sur la qualité de vie des personnes allergiques 2007-2010, a ouvert de nouvelles perspectives :

  • est-il possible de mettre en évidence de façon plus étroite la relation entre la concentration locale de pollen et la gravité des symptômes?
  • l’intervention intensive est-elle coût-efficace?
  • comment les acteurs du contrôle de l’herbe à poux perçoivent-ils ces données?

Ces questions ont été abordées lors d’une seconde phase incluant une dimension de modélisation spatiale afin de caractériser l’exposition pollinique à l’échelle individuelle, une évaluation de l’intervention sous l’angle coût-conséquence (coûts de l’intervention intensive concertée versus par rapport à une intervention minimale et coûts liés aux effets de l’allergie au pollen de l’herbe à poux), et une analyse de l’acceptabilité des résultats de l’étude du point de vue sociétal. Cette seconde phase a été financée par le Fonds vert dans le cadre de la mesure 21 du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques.

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