Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2019

À l’été 2019, une vague de chaleur a affecté la région sociosanitaire de l’Outaouais du 18 au 21 juillet. L’analyse des impacts de cette vague de chaleur révèle un excès significatif des transports ambulanciers possiblement lié à la chaleur. Cependant, aucun excès n’a été observé pour les décès, les hospitalisations et les admissions à l’urgence, toutes causes confondues.

Depuis 2010, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) élabore annuellement des bilans de surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec. Cet article présente le bilan de la saison estivale 2019.

Méthodologie

Une vague de chaleur extrême est définie ainsi : une période d’au minimum 3 jours consécutifs pendant laquelle les moyennes mobiles sur 3 jours des températures maximales et minimales observées aux stations météorologiques de référence des régions sociosanitaires (RSS) atteignent les valeurs-seuils de chaleur extrême. Ces seuils sont basés sur une étude de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et de l’INSPQ1 et sont présentés dans une autre publication2.

Afin de tenir compte de la chronologie des impacts sur la santé, les périodes à l’étude comprennent les périodes de vagues de chaleur, auxquelles sont ajoutés les 3 jours subséquents. En effet, le pic de mortalité apparaît habituellement de 1 à 3 jours après que la température maximale a été atteinte3-5. Pour estimer les impacts des vagues de chaleur sur la santé, les taux de décès, d’hospitalisations, d’admissions à l’urgence et de transports ambulanciers pendant les périodes à l’étude sont comparés à ceux des périodes de comparaison. Les périodes de comparaison sont les mêmes jours de la semaine des dates les plus proches des périodes à l’étude pour les années 2014 à 2018. Les périodes de comparaison ne doivent pas comporter de périodes de vague de chaleur, à défaut de quoi l’année n’est pas utilisée dans la période de comparaison.

Les données utilisées sont tirées de sources diverses. Les effectifs de population proviennent des projections démographiques diffusées par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)6. En ce qui concerne les données d’hospitalisations, d’admissions à l’urgence et de transports ambulanciers, elles sont tirées du Relevé quotidien de la situation à l’urgence et en centre hospitalier (RQSUCH). Pour ce qui est des données des décès, elles sont issues du Fichier hebdomadaire des décès de l’Institut de la statistique du Québec. Elles ont été extraites au moins 4 mois après la dernière date faisant partie de la période d’étude (24 juillet 2019), soit le 13 janvier 2020, afin d’éviter une sous-estimation trop importante du nombre de décès7. Les données météorologiques proviennent quant à elles d’Environnement Canada.

La méthode de calcul des taux bruts, des intervalles de confiance, des coefficients de variation (CV) des taux ainsi que de la valeur-p de la comparaison des taux bruts pendant la vague de chaleur et des périodes de comparaison est présentée de manière détaillée dans une autre publication8.

Résultats

Vagues de chaleur extrême au Québec en 2019

Une vague de chaleur extrême a été repérée dans la RSS de l’Outaouais pendant la période de veille saisonnière estivale (du 15 mai au 30 septembre) de l’année 2019 (tableau 1). Les seuils de chaleur extrême pour cette RSS sont de 31 °C pour la température maximale et de 18 °C pour la température minimale.

Tableau 1 - Vague de chaleur extrême en 2019

RSS Date de début Durée (jours) Moyenne des températures

Max. (°C)

Min. (°C)

Outaouais

18 juillet 4

31,2

17,9

Impacts sanitaires de la vague de chaleur extrême

L’analyse des données a permis de déceler une augmentation statistiquement significative de 12 % du taux brut de transports ambulanciers pendant la vague de chaleur, par rapport aux périodes de comparaison (tableau 2). Cependant, aucune augmentation statistiquement significative n’a pu être observée pour les taux bruts de décès, d’hospitalisations ou d’admissions à l’urgence pendant la vague de chaleur, toutes causes confondues. Les CV indiquent que les taux bruts calculés pour la période à l’étude sont précis (CV ≤ 16,6 %), et peuvent être interprétés avec confiance.

Tableau 2 - Impacts sanitaires de la vague de chaleur extrême survenue en Outaouais en 2019

Indicateur

Période à l'étude

2019

Période de comparaison

2014-2018

Rapport de taux bruts

na

Taux brutb CVc

na

Taux

brutb

Vague/période de comparaison
(I.C. 95%d)
Valeur-pe

Décès

7,1

1,8

14,3 %

6,4

1,6

1,08 (0,80 – 1,47) 0,619

Hospitalisations

62,9

15,5

4,8 %

57,7

14,6

1,06 (0,95 – 1,17) 0,302

Admissions à l'urgence

467,4

115,0

1,7 %

470,6

119,5

0,96 (0,93 – 1,00) 0,043

Transports ambulanciers

75,6

18,6

4,3 %

65,2

16,5

1,12 (1,02 – 1,23) 0,016

a : Nombre moyen par jour.
b : Taux brut par 100 000 personnes-jours.
c : Coefficient de variation du taux brut.
d : Intervalle de confiance à 95 %.
e : Valeur-p de la comparaison du taux brut pendant la période à l’étude et la période de comparaison.

Discussion

Au Québec, pendant l’été 2019, une seule vague de chaleur extrême a été repérée dans la RSS de l’Outaouais du 18 au 21 juillet. Toutefois, le sud du Québec a connu un mois de juillet parmi les 10 mois les plus chauds observés dans cette partie de la province. De plus, la région de Gatineau a notamment subi son mois de juillet le plus chaud depuis 19219.

Les résultats de l’analyse des impacts sanitaires de cette vague signalent que la chaleur extrême constitue un risque important pour la santé de la population exposée (augmentation significative de 12 % du taux brut de transports ambulanciers). Par ailleurs, ces résultats soulignent, encore une fois, que les transports ambulanciers constituent un indicateur de vigie très sensible pour les impacts sanitaires liés à la chaleur.

Limites de l'étude

Étant donné la nature écologique de l’étude, il est impossible de vérifier si les excès observés sont réellement associés à la chaleur. Toutefois, cette méthode permet l’identification rapide des impacts et elle est utilisée ailleurs dans le monde10. De plus, les valeurs seuils ont été établies afin de détecter un excès de décès, mais l’application de ces seuils pour les indicateurs de morbidité n’est pas documentée. Finalement, le petit nombre de décès par jour dans les régions moins peuplées diminue la capacité d’identifier des impacts statistiquement significatifs.

Remerciements

Ce bilan a été réalisé grâce au soutien financier du Fonds vert, dans le cadre de l’Action 21 du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec.

Pour toute correspondance

Ray Bustinza
Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Institut national de santé publique du Québec
945, avenue Wolfe, 4e étage
Québec (Québec)  G1V 5B3
Courriel : [email protected]

Références

  1. Giroux JX, Chebana F, Gosselin P, Bustinza R. Indicateurs et valeurs-seuils météorologiques pour les systèmes de veille-avertissement canicule pour le Québec : mise à jour de l’étude de 2010 et développement d’un logiciel de calcul pour les systèmes d’alerte [En ligne]. Québec : Institut national de la recherche scientifique; 2017. Disponible : http://espace.inrs.ca/7124/1/R1776.pdf
  2. Lebel G, Dubé M, Bustinza R. Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018. BISE [En ligne]. 2019. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018
  3. Ostro BD, Roth LA, Green RS, Basu R. Estimating the mortality effect of the July 2006 California heat wave. Environmental Research. 2009;109(5):614‑619.
  4. Schifano P, Cappai G, De Sario M, Michelozzi P, Marino C, Bargagli AM, Perucci CA. Susceptibility to heat wave-related mortality: a follow-up study of a cohort of elderly in Rome. Environmental Health. 2009;8(1):50.
  5. Ishigami A, Hajat S, Kovats RS, Bisanti L, Rognoni M, Russo A, Paldy A. An ecological time-series study of heat-related mortality in three European cities. Environmental Health. 2008;7:5
  6. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Estimations et projections de population comparables [En ligne]. Gouvernement du Québec; 2019. Disponible : http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001617/
  7. Lebel G, Bustinza R, Dubé M. Évaluation du Fichier hebdomadaire des décès pour l’estimation des impacts des vagues de chaleur [En ligne]. Institut national de santé publique du Québec; 2015. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1962_Evaluation_Fichier_Deces_Impact_Chaleur.pdf
  8. Lebel G, Bustinza R, Dubé M. Analyse des impacts des vagues régionales de chaleur extrême sur la santé au Québec de 2010 à 2015 [En ligne]. Institut national de santé publique du Québec; 2017. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/publications/2221
  9. Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [En ligne]. Gouvernement du Québec; 2019. Faits saillants – Juillet 2019 : le huitième mois le plus chaud au sud du Québec et le plus chaud mesuré sur Terre en plus de cent ans. Disponible : http://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/Faits-saillants/2019/juillet.htm
  10. Santé publique France. Canicule et santé. Bulletin de santé publique [En ligne]. Été 2019. Disponible : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/bulletin-national/bulletin-de-sante-publique-canicule.-bilan-ete-2019
Auteur(-trice)s
Ray Bustinza
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Marjolaine Dubé
B. Sc., conseillère scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Sujet(s)
Chaleur extrême
Type de publication
Date de publication