Colonies atypiques

Lors de la recherche des coliformes totaux et de la bactérie Escherichia coli

Définition

Les colonies atypiques, apparaissant parfois sur les milieux de culture solides (« géloses »), sont issues de bactéries qui n’ont pas la morphologie (aspect et couleur) typique des bactéries recherchées dans l’eau potable (soient les coliformes totaux et Escherichia coli), mais qui croissent sur les mêmes milieux de culture. Cela s’observe lorsqu’une technique de filtration sur membrane est utilisée (membrane déposée sur une gélose) (MDDELCC, 2016; CEAEQ, 2015). Les colonies atypiques peuvent donc être des bactéries non recherchées, mais il peut aussi s’avérer que celles qui sont recherchées aient une morphologie inhabituelle sur les milieux de croissance solides. Dans ce contexte, les colonies atypiques doivent donc être vérifiées, et leur présence, selon leur nombre, peut influer sur l’analyse des résultats et les conclusions (CEAEQ, 2015).

Méthodes d'analyse

Les colonies atypiques sont susceptibles d’être retrouvées sur tous les milieux de culture solides, incluant ceux qui sont sélectifs et qui ciblent des bactéries spécifiques. Dans le contexte de l’eau potable, il peut s’agir de formulations permettant la détection et le dénombrement simultanés des coliformes totaux et d’E. coli (comme le milieu MI) ou des géloses qui permettent la détection et le dénombrement des coliformes totaux seulement (comme le milieu m-Endo). Les bouillons (liquides) employés pour la détection de type présence/absence ne sont évidemment pas concernés puisqu’il n’y a pas de colonies qui sont formées dans une telle situation.

Depuis plusieurs années, la plupart des laboratoires utilisent des milieux de culture contenant deux substrats enzymatiques pour détecter et quantifier simultanément E. coli et les coliformes totaux. Il s’agit de formulations permettant de vérifier l’expression d’enzymes spécifiquement retrouvées chez chacun de ces deux groupes : la β‑D‑galactosidase produite par les coliformes totaux et la β-D-glucuronidase produite par la plupart des souches d’E. coli. Ces milieux de culture contiennent des inhibiteurs qui empêchent les autres bactéries de se développer, mais leur capacité d’inhiber les bactéries non désirées n’est pas totale. La conséquence est que des colonies atypiques peuvent apparaître sur un milieu de culture, mais pas sur un autre.

Quelques laboratoires font encore usage de milieux de culture pour la détection et la quantification distinctes des coliformes totaux et d’E. coli dans l’eau potable, surtout à la demande de certains gestionnaires de réseaux de distribution d’eau potable. Le milieu de culture m-Endo, utilisé pour la recherche des coliformes totaux seulement, est un exemple de formulation plus susceptible de favoriser le développement de colonies atypiques. Des vérifications pour identifier les colonies atypiques qui croissent sur le milieu m-Endo montrent que de 10 à 30 % d’entre elles sont en fait de véritables coliformes dont le métabolisme a été altéré par un stress environnemental. Une autre proportion de colonies atypiques sur le milieu m-Endo (aussi de 10 à 30 %) serait par ailleurs constituée d’espèces du genre Aeromonas (Brion et al., 2000; Burlingame et al., 1984).

Peu importe le milieu sur lequel elles sont observées, les colonies atypiques dans les échantillons d’eau potable doivent être vérifiées (CEAEQ, 2015) puisque certaines peuvent s’avérer être des coliformes dont la morphologie au moment de la lecture n’était pas « typique ». À l’étape de la confirmation, des tests biochimiques supplémentaires permettent de valider si ces colonies correspondent à des coliformes totaux, à E. coli ou à d’autres groupes bactériens non recherchés.

La quantité à vérifier dépend du nombre et de la morphologie des colonies atypiques. Ainsi, au moins deux colonies atypiques (ayant des morphologies coloniales différentes) doivent être vérifiées lorsque moins de 30 colonies atypiques ont été dénombrées sur la membrane filtrante (placée sur la gélose), alors que 10 % d’entre elles sont vérifiées, jusqu’à concurrence de 5 (dont au moins une d’entre elles qui a une morphologie coloniale différente), lorsque 30 colonies atypiques ou plus ont été dénombrées (CEAEQ, 2015).

Normes et recommandations

La présence de colonies atypiques peut nuire à la croissance ainsi qu’au dénombrement des bactéries indicatrices de contamination, particulièrement si leur nombre est trop élevé (MDDELCC, 2016). Pour cette raison, l’annexe 1 du Règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP) précise que l’eau ne doit pas contenir plus de 200 colonies atypiques par membrane (sur une gélose) lorsque l’analyse de l’eau est faite par filtration (Gouvernement du Québec, 2017). Dans ce contexte, une vérification de ces colonies au laboratoire n’apporterait rien de plus au résultat (CEAEQ, 2015); le certificat transmis aux ministères et organismes concernés ne doit donc rapporter aucun dénombrement bactérien parce que le résultat est automatiquement hors-norme.

Lors de la recherche simultanée de coliformes totaux et d’E. coli (milieu MI, notamment), un résultat supérieur à 200 colonies atypiques par membrane filtrante (hors-norme) oblige le laboratoire à transmettre dans les meilleurs délais, mais durant les heures ouvrables, les résultats à l’exploitant, à la Direction régionale du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) ainsi qu’à la direction de santé publique de la région concernée.

Par ailleurs, en présence de plus de 200 colonies atypiques/membrane filtrante et d’au moins 1 colonie bien identifiée d’E. coli, le résultat doit être transmis sans délai par le laboratoire à l’exploitant, à la Direction régionale du MDDELCC, à celle de la santé publique, ainsi qu’au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), puisqu’un tel résultat implique automatiquement un avis d’ébullition (CEAEQ, 2015).

Plus rarement, il peut arriver que les colonies deviennent trop nombreuses sur une gélose pour être identifiées (résultat appelé « TNI ») ou forment un tapis de colonies indifférenciées sur le milieu de culture (confluence). Puisqu’il devient alors difficile de conclure à l’absence de coliformes totaux et d’E. coli, les laboratoires doivent, de manière préventive, indiquer « TNI » comme résultat, lequel est alors considéré comme positif pour E. coli (CEAEQ, 2015) si le milieu de culture utilisé visait la recherche de cette bactérie (consultez la fiche Escherichia coli à cet effet). Dans de telles situations, différentes obligations réglementaires s’imposent au responsable du système de distribution (articles 35, 36, 36.1, 39, 41 et 42 du RQEP), notamment en ce qui concerne l’avis d’ébullition, le nombre minimal d’échantillons à prélever par jour subséquemment (selon la population desservie) ainsi que le processus de retour à la conformité.

Finalement, en l’absence de colonies d’E. coli, les actions à prendre par les responsables des systèmes de distribution d’eau potable, lorsqu’il y a plus de 200 colonies atypiques sur une membrane, sont les mêmes que lorsqu’il y a plus de 10 coliformes totaux/100 ml (voir fiche Coliformes totaux).

Risque sanitaire

La présence de colonies atypiques en très grand nombre sur un milieu de culture pourrait avoir une signification importante s’il s’avère qu’elles masquent la présence d’E. coli (situation qui s’applique avec un milieu conçu pour identifier cette bactérie). Pour pallier cette incertitude, lorsque les colonies sur une gélose sont trop nombreuses pour être identifiées (résultat « TNI »), les Lignes directrices concernant les travaux analytiques en microbiologie – que doivent suivre tous les laboratoires accrédités par le MDDELCC – précisent qu’il faut inscrire « TNI » comme résultat (CEAEQ, 2015). Cela implique conséquemment l’émission automatique d’un avis d’ébullition de la part du responsable du réseau de distribution de l’eau (MDDELCC, 2016) (voir fiche Escherichia coli pour plus précisions à cet égard).

Lorsque le résultat est conforme pour la bactérie E. coli (absence de cette dernière), mais qu’il y a présence de plus de 200 colonies atypiques, le risque sanitaire est considéré a priori comme étant faible et ne justifie pas un avis d’ébullition ni aucune intervention de santé publique particulière.

Toutefois, puisque la présence de plus de 200 colonies atypiques constitue une non-conformité au RQEP, le responsable du réseau de distribution doit tout de même prendre des mesures pour rectifier la situation, ce qui implique généralement d’identifier la source de l’anomalie, d’apporter les correctifs nécessaires pour contrôler la prolifération bactérienne et de faire de nouveaux échantillonnages pour démontrer le retour à la conformité.

Information pour l’intervention de santé publique

 

Les éléments présentés dans cette section sont d’ordre général et visent à soutenir les intervenants de santé publique, notamment s’ils sont sollicités par le MDDELCC ou le responsable du réseau de distribution. Chaque situation de contamination microbienne étant spécifique, ces informations ne peuvent toutefois pas remplacer le jugement professionnel.

 

Échantillonnages à faire subséquemment à un résultat « colonies atypiques »

Lors de la reprise des échantillons requis à l’article 39 du RQEP, de même qu’en cas de récurrence de résultats non conformes en termes de colonies atypiques, le MDDELCC peut suggérer à l’exploitant l’utilisation d’une méthode d’analyse de type présence/absence pour éliminer toute interférence possible avec les bactéries recherchées (coliformes totaux et E. coli).

Cause probable du problème

Il revient au responsable du réseau de distribution d’eau potable de transmettre les informations pertinentes au MDDELCC ainsi qu’aux représentants de la santé publique et, si pertinent, de dresser un bilan de la situation, incluant l’historique des problèmes du réseau, afin de bien cerner l’importance et l’urgence de la situation, le cas échéant.

Une prolifération abondante de colonies atypiques suggère une dégradation générale de la qualité bactériologique de l’eau. Le MDDELCC publie sur son site Internet la marche à suivre par le responsable du réseau de distribution lors d’un tel dépassement : Que faire en cas de résultat de coliformes totaux ou de Escherichia coli non conforme?

Critères pour considérer qu’il y a un excès d’infections possiblement liées à l’eau

Le constat d’un excès de maladies infectieuses possiblement reliées à l’eau dans un réseau non conforme dans un contexte de présence de colonies atypiques pourra modifier l’intervention de santé publique. L’excès de cas, ou sa suspicion, est déterminé par rapport à la fréquence habituelle de gastro-entérites, particulièrement par les appels reçus à Info-Santé ou par tout autre moyen d’information approprié (voir fiche Détection et investigation d’une épidémie de source hydrique due à un agent infectieux) et doit concerner le secteur desservi par la section du réseau de distribution mise en cause.

Le lien avec la consommation d’eau du robinet est parfois difficile à mettre en évidence, mais tout excès inexpliqué de cas dans le secteur concerné par une non-conformité de l’eau devrait être initialement considéré comme pouvant être relié à l’eau. À cet effet, le personnel de santé publique devrait se concerter avec le bureau régional du MDDELCC afin de demander au responsable du réseau de distribution de procéder au prélèvement d’échantillons pour vérifier la présence de la contamination dans son réseau. Des tests microbiens plus spécifiques peuvent aussi être demandés en vertu de l’article 42 du Règlement. Selon l’évaluation de la situation, la Direction régionale de la santé publique pourrait recommander un avis d’ébullition par mesure de prudence.

Références

  1. Water, Science and Technology, 42: 65-69.<
  2. Burlingame, G. A., McElhaney, J., Bennett, M. et Pipes, W. O. (1984). Bacterial interference with coliform colony sheen production on membrane filters. Applied and Environmental Microbiology, 47: 56-60.
  3. Centre d’expertise et d’analyse environnementale du Québec. (2015). Recherche et dénombrement simultanés des coliformes totaux et d’Escherichia coli dans l’eau potable avec le milieu de culture MI :méthode par filtration sur membrane. Repéré à http://www.ceaeq.gouv.qc.ca/methodes/pdf/MA700Ecctmi10.pdf
  4. Gouvernement du Québec (2017). Règlement sur la qualité de l’eau potable, c. Q‐ 2, r. 40, à jour au 1er décembre 2017. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cr/Q-2,%20r.%2040
  5. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. (2016). Guide d’interprétation du Règlement sur la qualité de l’eau potable. Repéré à http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/potable/reglement/guide_interpretation_RQEP.pdf

Fiche rédigée par :

  • Pierre Chevalier, Institut national de santé publique du Québec, Philippe Cantin, ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
  • Manuela Villion, Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, et Nathalie Brault, Direction régionale de santé publique de la Montérégie.

Mise à jour : mai 2018