Veille analytique en périnatalité, juin 2021

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

Alberta — Stratégies de rappel et de relance pour favoriser la couverture vaccinale des enfants

Contexte

Les rendez-vous d’immunisation oubliés par les parents peuvent avoir un grand impact sur la couverture vaccinale des enfants. Plusieurs études ont montré qu’un dispositif de rappel des rendez‑vous à venir ou de relance en cas de vaccination en retard augmente la présence aux rendez‑vous d’immunisation.

Objectif et méthode

Cette étude visait à identifier les diverses stratégies de rappel ou de relance quant aux rendez-vous de vaccination en vigueur en Alberta (Canada). Les auteurs ont cherché à mieux comprendre les forces et les faiblesses de ces stratégies, de même que les améliorations à apporter. Pour ce faire, un balayage environnemental en deux phases a été effectué à travers la province. En phase I, les directeurs de santé publique des cinq zones administratives albertaines ont participé à des entrevues. En phase II, les centres de santé publique offrant des services d’immunisation ont été contactés afin de participer à une enquête en ligne. Une analyse de contenu, par thèmes (phase I) et descriptive (phase II) a été réalisée en 2018 et 2019.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Identification des dispositifs de rappel ou de relance :

  • Les rappels ou les relances sont effectués le plus souvent par téléphone. Des cartes postales, des lettres ou des messages textes sont aussi utilisés à certains endroits;
  • La plupart des régions planifient augmenter prochainement l’utilisation de messages textes et un système automatique provincial est envisagé.

Perception des forces et faiblesses des dispositifs de rappel ou de relance :

  • En général, les dispositifs de rappel ou de relance augmentent la présence aux rendez-vous et rappellent aux parents l’importance de la vaccination;
  • Certaines stratégies manuelles (ex. : téléphone) favorisent un contact plus personnalisé avec la population desservie. Cependant, les stratégies manuelles (ex. : téléphone) demandent du temps et des ressources;
  • Les stratégies automatiques permettent au personnel de consacrer plus de temps à d’autres tâches. Cependant, quelques faiblesses ont également été mentionnées : élimination du contact personnalisé, difficulté de certaines clientèles à comprendre les messages automatiques (barrière de la langue), risque d’une multiplication inutile des rappels pour un même rendez-vous, manque de ressources possibles dans certaines régions rurales pour implanter les stratégies automatiques;
  • Certaines technologies modernes (ex. : messages textes) permettent de joindre des parents plus difficiles à contacter (ex. : familles de faible niveau socioéconomique n’utilisant que les cellulaires avec messages textes en raison du coût élevé des services téléphoniques).

Améliorations suggérées :

  • L’exploration de nouveaux dispositifs technologiques pour les rappels ou les relances (messages textes, médias sociaux et courriels) et leur automatisation ont été mentionnées.

Selon les auteurs, il importe que les programmes d’immunisation :

  • offrent des rappels de rendez-vous intégrant aussi de l’information éducative et favorisent la discussion avec les parents pendant le processus de relance;
  • adoptent un dispositif de rappel automatique, mais aussi des relances manuelles pour encourager la discussion directe avec les parents et l’évaluation des barrières à l’immunisation;
  • continuent d’explorer les technologies modernes de rappel ou de relance, en permettant aux parents de choisir leur mode de communication préféré;
  • offrent de la flexibilité dans le choix des stratégies utilisées au niveau local pour mieux cibler les populations;
  • prêtent attention aux barrières linguistiques, surtout lorsque de nouvelles méthodes de rappel ou de relance sont développées.

Limites

Aucune limite n’est mentionnée par les auteurs.

K.M. Jong, C.A. Sikora, S.E. MacDonald (2021). Childhood immunization appointment reminders and recalls: strengths, weaknesses and opportunities to increase vaccine coverage, Public Health.


Santé mentale

Canada – Exposition médiatique à la COVID-19 et santé mentale des parents

Contexte

Un des nombreux effets liés à la COVID-19 est une consommation accrue des médias d’information dans l’intention de se tenir au courant des développements de la pandémie. La recherche émergente actuelle suggère que cette tendance entraîne une augmentation de la détresse psychologique chez les jeunes adultes. Cette hypothèse est soutenue par des études antérieures portant sur des crises sanitaires similaires.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour objectif d’examiner l’association entre la consommation médiatique reliée à la COVID-19 chez les parents canadiens et leur niveau d’anxiété et de dépression. Elle cherchait également à vérifier si cette relation est modérée par la prévalence de la COVID-19 dans la province de résidence ou par l’état de santé du parent et de l’enfant.

L’échantillon était composé de 924 parents canadiens ayant au moins un enfant âgé de 8 ans et moins. Les données proviennent de questionnaires en ligne remplis par les participants entre les mois d’avril et août 2020. Les caractéristiques sociodémographiques, la consommation médiatique (nombre de consultations/jour) et les évènements stressants vécus dans la dernière année (nombre et type) ont été colligés. Deux aspects de la santé mentale ont été mesurés par des questionnaires validés, soit l’anxiété et la dépression.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les données révèlent que :

  • plus les parents lisent ou regardent la couverture médiatique portant sur la COVID-19, plus leurs niveaux d’anxiété et de dépression sont élevés;
  • l’association entre la consommation médiatique et la santé mentale des parents n’est pas affectée par la prévalence provinciale de la COVID-19 ni par le fait que le parent ou son enfant présentent une condition médicale chronique.

Limites

Le devis utilisé ne permet pas d’attribuer une relation de cause à effet entre la consommation médiatique et la santé mentale des parents. La mesure de la consommation médiatique porte sur la fréquence de consommation, mais ne renseigne pas sur le type de médias consulté ou la durée de l’exposition. Finalement, la modalité en ligne de l’enquête limite la participation aux parents ayant un accès Internet et diminue ainsi la généralisation à d’autres populations.

Golding, M. A., Salisbury, M. R., Reynolds, K., Roos, L. E., & Protudjer, J. L. P. (2021). COVID-19-related media consumption and parental mental health. Canadian Journal of Behavioural Science/Revue canadienne des sciences du comportement.


Développement de l'enfant

Associations entre l’exposition à la télévision et les troubles de régulation chez les tout-petits : variations selon le pays de résidence

Contexte

À l’ère du numérique, les enfants sont de plus en plus exposés aux médias numériques, y compris à la télévision. Une telle situation est préoccupante puisque l’exposition aux médias très tôt dans l’enfance est susceptible d’avoir des effets négatifs sur le développement socioémotionnel de l’enfant. La Société américaine de pédiatrie recommande de ne pas utiliser les médias numériques pour les enfants de moins de 18 mois, à l’exception des communications par vidéo.

Objectif et méthode

Cette étude visait deux objectifs : a) étudier l’association entre le temps passé devant la télévision et les troubles de régulation des émotions et des comportements chez les tout-petits, b) examiner les différences, sur ce plan, selon le pays de résidence des enfants.

L’échantillon est composé de 841 enfants âgés de 16 à 41 mois, provenant de 14 pays. Les données ont été collectées entre 2015 et 2017, par le biais de questionnaires adressés aux parents. Des modèles de régression linéaire multiniveaux ont été réalisés pour estimer la force de l’association entre les troubles de régulation et le temps passé devant la télévision.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Indépendamment de l’âge et du sexe des enfants, le temps passé devant la télévision est associé à cinq types de problèmes : l’émotivité négative, les problèmes d’attention, la réactivité émotionnelle, les comportements agressifs et les difficultés d’adaptation.
  • Ces associations suivent une relation dose-réponse : plus le temps passé devant l’écran augmente, plus l’ampleur des problèmes augmente.
  • Les résultats observés varient selon le pays de résidence des enfants, particulièrement en ce qui concerne les problèmes d’attention et les difficultés d’adaptation. Par exemple, le temps passé devant la télévision est fortement associé à ces problèmes chez les enfants hollandais, tandis que chez les enfants espagnols, les effets observés pour ces mêmes problèmes sont relativement de faible ampleur.

Les auteurs soulignent l’importance de tenir compte du contexte culturel lorsque l’on étudie les effets des médias numériques sur les troubles de régulation chez les enfants.

Limites

Des informations sur le type de contenu télévisé, ainsi que celles sur le visionnement d’autres types de média, n’ont pas été collectées. Le devis méthodologique de type transversal ne permet pas d’examiner de façon approfondie les impacts de l’exposition à la télévision sur le développement socioémotionnel de l’enfant.

Desmarais, E. et collab. (2021). Links between television exposure and toddler dysregulation: Does culture matter? Infant Behavior & Development, 63, 101557.

Parentalité

Canada — Vivre le postpartum en contexte de COVID-19

Contexte

La pandémie de COVID-19 et les mesures sanitaires qui ont été mises en place pour limiter la propagation du virus au Canada ont eu un impact sur la santé mentale des femmes en postpartum. En effet, un sondage en ligne réalisé par une équipe de chercheurs canadiens a démontré que 15 % des répondantes enceintes ou en postpartum présentaient des signes cliniques de dépression avant la pandémie et que ce chiffre s’élevait à plus de 40 % en contexte de COVID-19.

Objectif et méthode

La présente étude avait pour but de documenter les conséquences, chez les femmes en postpartum, de la COVID-19 et des mesures sanitaires qui visaient à réduire les contacts entre les individus.

Toutes les femmes enceintes ou ayant accouché depuis le début de la pandémie, âgées de 18 ans et plus et résidant au Canada, étaient invitées à participer à l’étude. Le recrutement d’un échantillon de convenance a été effectué par les réseaux sociaux de la chercheuse principale. Des entrevues semi-structurées ont été réalisées par téléphone et portaient sur l’expérience vécue de ces femmes. Des données démographiques étaient également colligées au cours de l’entretien. Une analyse thématique du vécu des femmes en postpartum a été réalisée avec 57 entretiens retenus. Huit entretiens de femmes n’ayant pas encore accouché ont été exclus.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’analyse révèle quatre thématiques qui reflètent les principaux enjeux décrits par les femmes :

  • L’expérience négative du postpartum à l’hôpital : Quelques femmes ont apprécié le fait de ne pas être dérangées par des visiteurs lors de leur séjour l’hôpital. Par contre, plusieurs femmes, en particulier des primipares, ont vécu difficilement le fait de devoir s’occuper seules de leur bébé et d’elle-même pendant ces quelques jours. Plusieurs témoignages soulignaient que le partenaire ne pouvait être présent.
  • La piètre santé mentale en postpartum : Les témoignages recensés abordent l’anxiété et la dépression postpartum. Les difficultés que vivaient les femmes lors de leur retour à la maison avec un nouveau-né se sont cumulées au manque de soutien extérieur. Les femmes ayant vécu un accouchement difficile ou ayant préalablement un trouble de santé mentale ont été les plus affectées.
  • Le besoin de soutien : Plusieurs avouent avoir finalement demandé de l’aide à un proche lorsqu’elles étaient désespérées. Pour la plupart, cette demande d’aide a entraîné un stress lié à la transgression des règles et aux risques de propagation de la COVID-19.
  • Les difficultés liées à l’allaitement : Le manque de soutien en allaitement, tant à l’hôpital qu’une fois à la maison, a influencé la cessation de l’allaitement pour certaines. Le soutien à l’allaitement en ligne a été unanimement décrié comme non-aidant.

À la lumière de ces résultats, les auteures concluent que les mesures sanitaires visant à réduire les contacts entre les personnes ont des conséquences négatives pour les femmes en postpartum. Elles proposent une approche pratique et réaliste pour soutenir les femmes pendant cette période, notamment en les autorisant à être accompagnées par une personne, en tout temps, à l’hôpital et en les encourageant à planifier un soutien additionnel approprié (ex. : une personne adéquate [considérée non à risque] et ayant pris des mesures pour éviter la contagion [ex. : quarantaine préaccouchement]).

Limites

Puisqu’il s’agit d’une étude qualitative, les auteures rappellent que les résultats ne sont pas nécessairement généralisables. Les femmes de Terre-Neuve et du Labrador sont surreprésentées dans l’échantillon et le recrutement par Internet a pu avoir pour effet d’exclure celles qui ont un accès limité à ce médium. Finalement, une partie des entretiens a été réalisée avant que les femmes enceintes soient considérées comme une population à haut risque d’hospitalisation et de décès si elles contractaient la COVID-19, alors qu’une autre partie a été réalisée par la suite. Ce changement de statut des femmes enceintes face à la COVID-19 pourrait avoir influencé l’expérience vécue des répondantes.

Rice, K., & Williams, S. (2021). Women’s postpartum experiences in Canada during the COVID-19 pandemic: a qualitative study. CMAJ Open, 9(2), E556–E562.


L’intervention de groupe : pratiques efficaces pour promouvoir et soutenir l’allaitement

Contexte

Malgré les nombreux bénéfices de l’allaitement et les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, on constate dans plusieurs pays que le nombre de femmes qui allaitent baisse progressivement pendant les six premiers mois après la naissance de leur enfant.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour objectif d’analyser les pratiques d’intervention de groupe les plus efficaces pour promouvoir et soutenir l’allaitement, ainsi que les caractéristiques associées à leur succès.

Afin de réaliser cette revue systématique, une recherche documentaire a été effectuée dans plusieurs bases de données avec des mots-clés relatifs aux concepts de l’allaitement et de groupes de soutien pour la période 2015-2020. Différentes sources issues de la littérature grise ont également été consultées. Les articles scientifiques ont été sélectionnés en fonction des devis d’étude, de la langue de publication et de la date de publication. Une évaluation de la qualité méthodologique des articles sélectionnés et une analyse narrative ont été réalisées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Treize articles scientifiques ont été retenus (huit études expérimentales et cinq études observationnelles). Les études ciblent les mères avec diverses caractéristiques ethniques et socioéconomiques et proviennent des États-Unis, de l’Inde, de Taïwan, du Kenya, de l’Iran et de différents pays européens. L’échantillon comprend à la fois des nourrissons nés à terme et prématurés.

Les interventions de groupe recensées dans la littérature scientifique ont des caractéristiques hétérogènes :

  • Les types d’interventions répertoriés sont : groupes de soutien communautaire, groupes de soutien par les pairs guidés par des mères expérimentées ou par des IBCLC, groupes de soutien guidés par des professionnels de la santé ou des conseillers en allaitement, groupes d’entraide dédiés à la promotion de saines habitudes de vie et groupes de soutien par les pairs en ligne;
  • La périodicité des rencontres varie de hebdomadaire à mensuelle;
  • Le nombre de mères varie de huit à vingt par groupe.

Le taux d’allaitement a été évalué à différents moments selon les études :

  • Cinq études sur les six ayant évalué le taux d’initiation de l’allaitement ont rapporté un effet favorable suite à la mise en œuvre d’une intervention de groupe;
  • Les deux études ayant évalué le taux d’allaitement à deux semaines après l’accouchement ont rapporté un effet favorable suite à la mise en œuvre d’une intervention de groupe;
  • Cinq études sur les six ayant examiné le taux d’allaitement entre un et six mois après l’accouchement ont documenté un changement positif suite à la mise en œuvre d’une intervention de groupe;
  • Huit études ont examiné le taux d’allaitement six mois après l’accouchement, avec des résultats partagés suite à la mise en œuvre d’une intervention de groupe.

Selon les auteurs, les types d’intervention les plus efficaces sont ceux qui combinent le soutien par les pairs et le counseling par une consultante en lactation (IBCLC) ou une professionnelle de la santé. Ils soulignent cependant que l’implication d’un leader communautaire, telle une mère expérimentée avec des caractéristiques similaires aux participantes, est essentielle dans les interventions auprès de groupes vulnérables.

Limites

Les auteurs identifient certaines limites à cette revue. Tout d’abord, plusieurs études ne décrivent pas les caractéristiques de l’intervention de groupe. Plusieurs données pertinentes sur les effets de l’intervention de groupe ainsi que sur l’évaluation des processus de l’intervention de groupe sont également manquantes. Enfin, les auteurs soulignent le manque d’études expérimentales en aveugle avec un groupe témoin dans la littérature scientifique, qui permettait d’évaluer l’efficacité des interventions mises en place pour promouvoir et soutenir l’allaitement.

Rodríguez-Gallego, I., Leon-Larios, F., Corrales-Gutierrez, I., & González-Sanz, J. D. (2021). Impact and Effectiveness of Group Strategies for Supporting Breastfeeding after Birth: A Systematic Review. International Journal of Environmental Research and Public Health, 18(5).


Rédacteurs

Stephani Arulthas
Emilie Audy
Danielle Landry
Andréane Melançon
Mamadou Mouctar Sow

Révision
Élise Jalbert-Arsenault

Sous la coordination de
Julie Laforest

Mise en page
Sophie Michel

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.