Veille analytique en périnatalité, septembre 2020

Les articles présentés dans ce premier bulletin de veille synthétique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

Quelles sont les attentes des femmes envers les soins postnataux?

Contexte

Les soins postnataux sont une opportunité de soutenir la transition à la parentalité et d’optimiser la santé et le bien-être de la nouvelle mère et de sa famille. Peu d’études ont abordé les attentes qu’entretiennent les mères face aux soins qui leur seront fournis après l’accouchement. Or, les auteurs soulignent que répondre aux attentes de la clientèle est un indicateur d’un système de santé fonctionnel. 

Objectif et méthode

L’objectif de l’étude était d’explorer les attentes des femmes face aux soins postnataux, notamment leurs attentes réelles (ce à quoi elles s’attendent) et leurs attentes idéales (ce qu’elles espèrent). Une enquête transversale a été réalisée auprès de femmes enceintes n’ayant jamais accouché, âgées de 16 ans et plus et vivant en Angleterre. Deux cents femmes formant un échantillon de convenance ont été recrutées sur une période de 3 mois, en 2017, par le biais de publicités émises par des organisations commerciales ou d’économie sociale. Leurs réponses à un questionnaire en ligne ont été analysées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les femmes enceintes reçoivent de l’information sur les soins postnataux de plusieurs sources (ex. cours prénataux, sages-femmes, amis et famille, Internet, etc.). Celles qui sont les plus avancées dans leur grossesse sont plus nombreuses à recevoir de l’information sur les soins postnataux par les professionnels de la santé et par le biais de cours prénataux.

Concernant les soins postnataux dispensés à l’hôpital, de 85 à 90 % des femmes avaient comme attente idéale que la santé physique et mentale de la mère et de l’enfant y soit considérée. Toutefois, les attentes réelles des femmes portaient seulement sur la vérification, par les professionnels de la santé, de l’état physique de la mère et du bébé et que leur soit donnée de l’information sur la façon de nourrir le bébé.

Une fois à la maison, les attentes idéales demeuraient les mêmes qu’en milieu hospitalier, alors que les attentes réelles portaient principalement sur la vérification de l’état de santé du bébé et que leur soit donnée de l’information sur la façon de le nourrir.

Les attentes (idéales et réelles) des femmes concernant les soins postnataux se regroupaient en 4 catégories : le respect, la compassion et la personnalisation des soins en temps de vulnérabilité; l’environnement hospitalier; le sentiment d’être prête à sortir de l’hôpital et; l’aide à trouver du soutien dans la communauté.

Limites

Selon les auteurs les participantes à cette étude étaient disproportionnellement blanches, âgées et éduquées. Ceci pourrait être expliqué par les modalités de recrutement.

Alderdice, F., McLeish, J., Henderson, J., Malouf, R., Harvey, M., & Redshaw, M. (2020). Women’s ideal and real expectations of postnatal care during their first pregnancy: An online survey in England. Midwifery, 102815.


Inégalités sociales de santé

Association entre l’insécurité alimentaire pendant la grossesse et les troubles de santé mentale en postpartum en Ontario, Canada

Contexte

L’insécurité alimentaire affectait 12,7 % des ménages canadiens en 2017-2018, atteignant particulièrement les ménages avec enfants (16,2 %)1. Des études réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni ont associé l’insécurité alimentaire pendant la période périnatale à des complications de grossesse, à des issues de grossesse défavorables et à diverses conséquences sur la santé maternelle et infantile. Or, peu de données existent sur l’insécurité alimentaire pendant cette période de la vie dans les ménages canadiens. De plus, il est difficile d’extrapoler les résultats obtenus dans d’autres pays au Canada en raison des contextes sanitaires et des programmes de soutien aux parents qui diffèrent.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était d’explorer les associations entre le statut d’insécurité alimentaire pendant la grossesse, la santé maternelle et infantile et les issues de grossesse. Les données de 1988 femmes de l’Ontario ayant participé au module sur l’insécurité alimentaire des cycles 2005, 2007-2008, 2009‑2010 ou 2011-2012 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) ont été récupérées. Ces données ont été croisées avec des données administratives provenant de diverses bases de données provinciales portant sur la santé maternelle, les complications de grossesse, les issues de grossesse et la santé de l’enfant pendant la première année de vie. Les modèles d’analyse ont été ajustés pour prendre en considération divers facteurs associés à l’insécurité alimentaire (ex. éducation, principale source de revenu).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Parmi les participantes, 10 % ont vécu une situation d’insécurité alimentaire modérée ou sévère pendant leur grossesse, tandis que 5,6 % ont vécu une situation d’insécurité alimentaire marginale. Pendant la première année après l’accouchement, la prévalence de troubles de santé mentale en postpartum était significativement plus élevée chez les femmes ayant vécu une situation d’insécurité alimentaire modérée ou sévère (34,8 %) que chez les femmes en situation de sécurité alimentaire (20,6 %). On observe que les femmes en situation d’insécurité alimentaire modérée ou sévère ont un risque plus élevé d’être traitées pour des troubles de santé mentale en postpartum dans les 6 mois suivant l’accouchement que les femmes en situation de sécurité alimentaire (risque relatif ajusté 1,86; 95 % CI, 1,40–2,46).

Les enfants nés de femmes ayant vécu de l’insécurité alimentaire modérée ou sévère pendant la grossesse ont également un risque significativement plus élevé d’être traités dans un département d’urgence pendant la première année de leur vie (risque relatif ajusté 1,18; 95 % CI, 1,01–1,38).

Les autres indicateurs de santé maternelle ou infantile, de complication de grossesse ou d’issues de grossesse n’ont pas été associés au statut d’insécurité alimentaire pendant la grossesse.

Limites

L’évaluation ponctuelle du statut d’insécurité alimentaire n’offre pas un portrait complet de la situation. Ce statut s’échelonnant souvent dans le temps, une évaluation à plusieurs moments permettrait une compréhension plus fine de l’association entre l’insécurité alimentaire et les indicateurs de santé évalués. Par ailleurs, le manque d’information sur le revenu des ménages dans l’ESCC ne permet pas de distinguer si les associations observées sont dues au statut d’insécurité alimentaire ou au statut de faible revenu. Finalement, le faible nombre de participantes en situation d’insécurité alimentaire limite la puissance statistique permettant de déceler des associations potentielles avec d’autres indicateurs de santé.

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1Tarasuk V, Mitchell A. Household food insecurity in Canada, 2017–18. Toronto (Canada): Research to Identify Policy Options to Reduce Food Insecurity (PROOF); 2020.

Tarasuk, V., Gundersen, C., Wang, X., Roth, D. E., & Urquia, M. L. (2020). Maternal Food Insecurity is Positively Associated with Postpartum Mental Disorders in Ontario, Canada. The Journal of Nutrition.


Habitudes de vie

Influence des déterminants sociaux sur la fréquence de jeu extérieur des enfants de 4 à 5 ans

Contexte

Le jeu extérieur a un rôle important dans le développement (physique, cognitif, affectif et social) des enfants. Cependant, on observe une augmentation des activités sédentaires intérieures et une diminution des jeux extérieurs chez les enfants dans les dernières décennies. À ce jour, peu d’études ont exploré les facteurs qui prédisent la fréquence de jeu extérieur pendant la petite enfance.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour but d’examiner les déterminants sociaux qui agissent sur la fréquence du jeu extérieur dans le quartier durant la petite enfance. Les parents et responsables de 2280 enfants de la Colombie-Britannique ont complété le Childhood Experiences Questionnaire (CHEQ), à l’entrée à la maternelle de leur enfant de 4 ou 5 ans entre septembre et octobre 2018. La fréquence de jeu extérieur dans le quartier a été rapportée en fonction de plusieurs facteurs : le genre de l’enfant, l’origine ethnique de la famille, le revenu du foyer, le milieu (urbain ou rural) et la confiance qu’ont les parents envers les voisins.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Cette étude met en lumière l’influence des facteurs socioéconomiques, démographiques et contextuels sur la fréquence de jeu extérieur dans le quartier, pendant la petite enfance :

  • Les enfants d’origine européenne étaient 64 % plus susceptibles de jouer quotidiennement à l’extérieur dans leur quartier;
  • Les enfants dont les parents avaient une plus grande confiance envers leurs voisins étaient deux fois plus susceptibles de jouer quotidiennement à l’extérieur dans leur quartier que ceux dont les parents avaient peu confiance envers leurs voisins;
  • Les enfants issus de familles aux revenus plus élevés (75 000$ ou plus) étaient plus susceptibles de jouer quotidiennement dehors dans leur quartier, mais seulement s’ils résidaient en milieu rural.

Par ailleurs, le genre de l’enfant n’était pas associé de manière significative au jeu extérieur quotidien dans le quartier. De même, il n’existait pas d’effet significatif exclusivement du milieu, qu’il soit urbain ou rural, sur la fréquence de jeu extérieur quotidien dans le quartier. Finalement, aucune association significative n’a été démontrée entre le revenu du ménage et la fréquence de jeu extérieur quotidien pour les enfants résidants en milieu urbain.

Limites

L’utilisation de questionnaires auto-rapportés peut entrainer des biais d’information et de désirabilité sociale. En outre, l’étude porte uniquement sur les jeux extérieurs réalisés dans le quartier où réside l’enfant. De ce fait, les auteurs soulignent l’importance de se pencher sur le jeu extérieur dans sa globalité, afin de considérer également les jeux réalisés à l’extérieur du quartier. Finalement, les futures recherches devraient intégrer davantage l’influence des caractéristiques du quartier, ainsi que les différences culturelles associées au jeu extérieur susceptible d’expliquer les associations observées.

Parent, N., Guhn, M., Brussoni, M., Almas, A., & Oberle, E. (2020). Social determinants of playing outdoors in the neighbourhood : Family characteristics, trust in neighbours and daily outdoor play in early childhood. Canadian Journal of Public Health.


Santé mentale

Association entre l’anxiété maternelle croissante pendant la grossesse et le développement de l’enfant à 12 mois

Contexte

L’anxiété maternelle vécue pendant la grossesse peut influencer négativement le développement de l’enfant, compte tenu de la grande sensibilité du fœtus à son environnement. La majorité des recherches antérieures ont examiné l’impact de l’anxiété maternelle durant la grossesse sur le développement socioaffectif, plus précisément le tempérament de l’enfant et ses comportements internalisés. Toutefois les effets possibles sur d’autres domaines de développement ont peu été étudiés. De plus, il est important de pouvoir qualifier l’amplitude et la persistance de l’anxiété maternelle pendant la grossesse afin d’intervenir efficacement dès la période périnatale.

Objectif et méthode

Cette étude longitudinale réalisée auprès de 233 femmes enceintes américaines poursuivait deux objectifs : 1) examiner si l’anxiété vécue du début à la fin de la grossesse présente différentes trajectoires et 2) déterminer s’il existe une association entre la trajectoire d’anxiété vécue par la mère et le développement cognitif, langagier et moteur de l’enfant de 12 mois. L’anxiété maternelle et le développement de l’enfant ont été mesurés à l’aide de questionnaires validés (Overall Anxiety Severity and Impairment Scale et Bayley Scales of Infant and Toddler Development, respectivement). L’étude a également pris en compte certaines variables confondantes telles que la dépression prénatale et postnatale, la multiparité, le poids à la naissance et le niveau d’éducation de la mère.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Cette étude met en lumière trois trajectoires d’anxiété maternelle durant la grossesse :

  • Stable-faible : 78 % des femmes présentent le même faible niveau d’anxiété tout au long de la grossesse;
  • Décroissante : 15 % des femmes présentent un niveau élevé d’anxiété au début de la grossesse, mais qui diminue vers la fin;
  • Croissante : 6 % des femmes voient leur niveau d’anxiété augmenter pour atteindre un niveau élevé à la fin de la grossesse.

Seule la trajectoire croissante est corrélée avec le développement de l’enfant à 12 mois, et ce, même en tenant compte des variables confondantes. Plus précisément, on observe un niveau de langage réceptif et une motricité globale plus faibles chez ces enfants.

Les auteurs soulignent l’importance de dépister l’anxiété à différents moments lors de la grossesse, ainsi que la nécessité d’offrir des services en santé mentale pour les femmes souffrant d’anxiété durant cette période.

Limites

Le niveau d’anxiété a été mesuré seulement trois fois au cours de la grossesse, ce qui diminue les possibilités d’analyses. Cette étude ne permet pas d’identifier les prédicteurs associés à une trajectoire croissante d’anxiété pendant la grossesse, ce qui faciliterait l’identification et l’intervention auprès des femmes les plus à risque. Elle ne permet pas non plus d’identifier les caractéristiques des enfants dont le développement est plus affecté. Finalement, on observe une attrition plus élevée chez les mères multipares et celles ayant un niveau d’éducation plus bas, ce qui pourrait engendrer une sous-estimation de cette population.

Irwin, J. L., Davis, E. P., Hobel, C. J., Coussons-Read, M., & Dunkel Schetter, C. (2020). Maternal prenatal anxiety trajectories and infant developmental outcomes in one-year-old offspring. Infant Behavior and Development, 60, 101468.


Négligence et maltraitance

Pistes d’action pour améliorer la participation des pères à un programme de réduction de la violence

Contexte

La violence familiale pendant la période périnatale entraîne des effets néfastes à long terme chez les enfants. Il est essentiel de documenter les croyances des hommes au sujet de la paternité et de la violence, ainsi que leurs motivations à s'engager dans des programmes de réduction de la violence. Ceci permettrait d’intervenir efficacement lors de la période périnatale, d’influencer leurs comportements et d’interrompre la transmission intergénérationnelle de la violence.

Objectif et méthode

Cette étude qualitative visait à explorer l’expérience de devenir père chez des hommes ayant des comportements violents au sein de leur famille. Des entrevues ont été réalisées auprès de dix hommes participant au programme britannique For Baby’s Sake, qui cible les familles pendant la période périnatale afin de réduire la violence familiale.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Quatre thèmes ont été identifiés à partir des entrevues : 1) donner un sens au comportement violent, 2) les conceptions de la paternité, 3) le défi de devenir père et 4) la rupture de la transmission intergénérationnelle de la violence. Les principaux résultats ont permis aux auteurs de proposer trois pistes d’action pour l’élaboration de programmes de réduction de la violence :

  • La paternité serait un moment charnière pour le changement de comportement chez les hommes à comportement violent. Par conséquent, intervenir pendant la période périnatale, notamment en mettant l'accent sur la parentalité, peut améliorer l'engagement aux programmes de réduction de la violence;
  • Les défis émotionnels et les stratégies d'adaptation inefficaces chez les pères à comportement violent devraient être identifiés afin de cibler spécifiquement ces problématiques dans les programmes de réduction de la violence;
  • Deux obstacles empêchent le changement de comportement chez les pères à comportement violent : ne pas assumer la responsabilité pour leur comportement violent et croire que le comportement violent est hors de leur contrôle. Ces éléments devraient être ciblés dans les programmes de réduction de la violence.

Limites

Très peu de diversité ethnoculturelle est représentée dans l’échantillon de cette étude, ce qui limite la généralisation de ses résultats. La saturation des données n’a pas été atteinte pour plusieurs des thèmes rapportés. L’engagement continu au programme, ainsi que les changements dans les relations familiales ne peuvent être rapportés dans cette étude, car il s'agit d'un devis transversal. Enfin, les données sur l’utilisation de la violence dans les relations familiales actuelles n’ont pas été recueillies lors des entrevues, bien que celles-ci auraient pu être utiles dans la compréhension des comportements violents chez les pères afin de les prévenir.

Domoney, J., & Trevillion, K. (2020). Breaking the cycle of intergenerational abuse : A qualitative interview study of men participating in a perinatal program to reduce violence. Infant Mental Health Journal.


Rédacteurs

Stéphani Arulthas
Emilie Audy
Mathilde Botella
Élise Jalbert-Arsenault
Andréane Melançon

Sous la coordination de
Roseline Olivier-Pilon, Chef d’unité scientifique

Mise en page et révision
Marie-Cloé Lépine

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.