L’ancêtre commun des variants du SRAS-CoV-2

Il s’appelle G614. C’est le premier variant d’intérêt du SRAS-CoV-2 en raison de sa propagation rapide durant la première vague de la pandémie de COVID-19. Méconnu du public, il fait déjà figure d’ancêtre dans l’histoire évolutive du virus.

La souche initiale du SRAS-CoV-2 a été identifiée à Wuhan, en Chine, en décembre 2019. Elle se serait transmise des chauves-souris à l’humain. Son génome a été décodé en quelques semaines et rapidement, la communauté scientifique a compris qu’elle avait affaire à un nouveau membre de la famille des coronavirus humains, distinct du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) et du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-1) qui peuvent aussi causer de graves infections respiratoires.

Alors que la pandémie de COVID-19 venait de commencer, plusieurs modifications (ou mutations) sont déjà détectées dans le génome du virus. Elles sont le signe de l’évolution du virus chez l’humain durant l’infection des cellules. Au fil des mois, certaines mutations deviennent dominantes dans la population virale, comme la mutation D614G qui se retrouve dans la protéine de spicule (ou spike en anglais). Est-ce le fruit du hasard ou lié à un avantage évolutif? La question fait débat.

Dans la publication Synthèse sur le variant G614 du SRAS-CoV-2 : répercussions épidémiologiques et cliniques sur la COVID-19, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) propose un portrait du premier variant d’intérêt du SRAS-CoV-2.


L’émergence de variants du SRAS-CoV-2

Le SRAS-CoV-2 est un virus à acide ribonucléique (ARN) qui contient un génome d’environ 30 000 nucléotides et 29 protéines virales connues à ce jour. Parmi celles-ci, on retrouve quatre protéines dites structurelles, dont la protéine de spicule qui donne au virus une forme caractéristique en couronne (corona en latin).

Afin de se multiplier, le virus a besoin d’infecter des animaux ou des humains, élégamment appelés des « hôtes ». Une fois rentré dans les cellules, le virus réalise des copies de lui-même, puis en ressort pour infecter d’autres cellules et ensuite d’autres hôtes. Durant ce processus, il commet parfois des erreurs de copie de son génome. Ces erreurs (ou mutations) s’accumulent à une vitesse moyenne de 2 par mois, ce qui modifie légèrement la carte identitaire du virus. On parle alors de variants du virus.

La plupart de ces mutations n’ont aucun impact sur les caractéristiques du virus. Mais au fil du temps, elles s’additionnent et génèrent des sous-ensembles de variants du virus (ou lignées) qui peuvent être plus contagieux ou plus virulents que les virus précédents. On parle alors de variants ou de lignées d’intérêt.

Le variant G614

Trois mois après le début de l’épidémie de COVID-19 à Wuhan, un premier variant d’intérêt appelé G614 est apparu en Europe et a rapidement supplanté la souche initiale. Il est l’ancêtre commun de la plupart des variants du SRAS-CoV-2 retrouvés actuellement à travers le monde. Il se distingue de la souche initiale par l’apparition de plusieurs mutations, dont celle appelée D614G. Elle correspond au remplacement d’un seul acide aminé, soit l’acide aspartique (D) par la glycine (G), à la position 614 dans la protéine de spicule.

La protéine de spicule est la clé du virus pour infecter nos cellules. Les mutations qui y surviennent sont donc particulièrement surveillées, parce qu’elles pourraient conférer un avantage évolutif à certains variants, par exemple améliorer leur capacité à infecter les cellules. Les études de laboratoire et épidémiologiques ont justement démontré que la mutation D614G apporterait un tel avantage sur la souche initiale, ce qui aurait contribué à la propagation du variant G614. Elle serait la première, parmi des centaines de mutations à être reconnue comme pouvant altérer les caractéristiques du virus.

« Heureusement, selon l’état actuel des connaissances, le variant G614 n’aurait pas d’impact plus important sur les hospitalisations et les décès que la souche initiale dans les premiers mois de la pandémie. L’âge, le sexe et les comorbidités demeurent les principaux facteurs de risque associés à la gravité clinique de la COVID-19. »
Grégory Léon, conseiller scientifique à l’INSPQ et co-auteur de la synthèse sur le variant G614

Pourquoi ce variant a-t-il supplanté la souche initiale?

Globalement, on estime que 20 % des personnes qui contractent la COVID-19 sont responsables de 80 % de tous les cas d’infection. Au début de l’épidémie (avant le confinement), il est possible que ces « super-propagateurs » ou des événements de propagation intense (ex. congrès internationaux) aient entraîné des éclosions spécifiques à ce variant dans plusieurs pays. C’est ce qu’on appelle l’effet fondateur. L’explication la plus probable de sa dominance mondiale serait donc à la fois les conditions environnementales favorables au virus (l’effet fondateur) et les améliorations génétiques au virus lui-même.


Une surveillance continue

Grâce à son programme de surveillance des variants, l’INSPQ analyse l’information génétique et épidémiologique du virus et élabore des modèles mathématiques afin de comprendre la contribution spécifique des variants du SRAS-CoV-2 (incluant le G614) sur la transmission et la virulence de la COVID-19.

« La mutation D614G se retrouve dans la plupart des lignées du virus, incluant celles des nouveaux variants préoccupants qui ont émergé au cours des derniers mois au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Brésil », explique Grégory Léon.

L’arbre phylogénétique du SRAS-CoV-2 s’élargit, développe de nouvelles branches (ou lignées) au fil des mutations qui s’accumulent avec le temps. Les nouveaux variants cumulent environ 40 mutations comparativement à la souche initiale. Cette somme des « erreurs » est à l’origine des variants préoccupants, comme les variants B.1.1.7 et B.1.351 ayant respectivement émergé au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. Comparativement aux variants ancestraux (dont G614) ou ceux circulants dans ces pays, il est démontré que ces variants sont plus virulents et pourraient être moins sensibles aux anticorps, incluant ceux générés par les vaccins actuels contre la COVID-19.

Sur le plan évolutif, il est attendu que la pression de sélection favorise les mutations qui aident le virus à se transmettre plus facilement de personne à personne, mais pas nécessairement à devenir plus virulent. Toutefois, comme pour la grippe, la COVID-19 pourrait bien devenir saisonnière et nécessiter une révision périodique des vaccins.

D’ici là, il est important de ralentir l’apparition de variants préoccupants en vaccinant le plus vite possible la population, en continuant d’appliquer les gestes barrières et en surveillant attentivement les nouvelles mutations du virus.


Pour en savoir plus

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Vocabulaire

Lignée : Un ensemble de virus descendants d’une même souche virale ancestrale.

Mutation : Tout changement dans la séquence génétique du virus qui se produit lors de sa multiplication dans une cellule hôte.

Phylogénie : Étude des liens génétiques existant entre espèces apparentées.

Variant : Sous-type de virus dont le génome diffère par une ou plusieurs mutations de celui de référence.

Variant préoccupant : Variant ayant un impact épidémiologique ou clinique démontré sur la gravité de la maladie, la transmissibilité du virus ou l’efficacité vaccinale.

Variant d’intérêt : Variant ayant un impact épidémiologique ou clinique suspecté sur la gravité de la maladie, la transmissibilité ou l’efficacité vaccinale (par exemple, en raison de la présence de mutations communes aux variants préoccupants).

Variant sous surveillance : Variant faisant l’objet d’une surveillance simple, sans intervention prioritaire.

Variant sous surveillance rehaussée : Variant sous surveillance faisant l’objet d’une intervention prioritaire envers les cas et leurs contacts et d’une surveillance génomique.

Séquençage : Le séquençage permet de déterminer le génome entier du virus pour identifier les mutations qui définissent les variants.

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23 mars 2021