Programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec : cas cumulatifs 2002-2009

Le programme de surveillance de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) au Québec a été mis en place en avril 2002. Il est basé sur la déclaration de l'infection par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et sur le recueil de renseignements sur la personne infectée auprès du professionnel de la santé qui a prescrit le test de dépistage confirmé positif. Les activités de collecte des données sont centralisées dans des locaux sécurisés du LSPQ. Celui-ci effectue toutes les analyses de confirmation à l'échelle de la province.

Pour tout test confirmé positif, une intervenante de santé publique (ISP) téléphone au professionnel qui l'a prescrit en vue de l'enquête épidémiologique sur le cas, si ce dernier n'a jamais été enregistré au programme de surveillance.

Le LSPQ a confirmé la positivité au VIH pour 0,59 % des 304 211 spécimens prélevés en 2009 et analysés par les laboratoires hospitaliers qui font partie du Programme québécois de diagnostic de l'infection par le VIH. Cette proportion se maintient à moins de 1 % depuis le début du programme en avril 2002. Dans la même période, le nombre de tests de dépistage a augmenté de 25,7 %, passant de 241 995 en 2003 à 304 211 en 2009.

 

L'enregistrement du cas était impossible pour 21,4 % (381/1 783) des spécimens confirmés positifs en 2009, essentiellement à cause de l'absence d'un numéro d'assurance-maladie (NAM). Cet identifiant est exigé pour déclarer un cas dans le système actuel.

La proportion des spécimens positifs qui n'ont pas mené à une collecte épidémiologique (cas impossible à enregistrer) et qui provenaient des immigrants et/ou réfugiés a augmenté de 42,6 % (168/394) en 2002 à 67,5 % (257/381) en 2009.

Dans l'ensemble, depuis avril 2002, plus de la moitié (57,2 %; 1 848/3 229) des spécimens confirmés positifs pour des cas non enregistrés au programme provenaient de demandeurs de résidence ou de statut de réfugié sans NAM. On estime qu'ils sont reliés à un minimum de mille bénéficiaires.

Les autres tests positifs impossibles à enregistrer étaient des spécimens à propos desquels les médecins n'ont pas donné suite à la demande de l'ISP pour la collecte épidémiologique, des sérologies chez des enfants de moins de 2 ans, des spécimens provenant des projets de recherche, des spécimens anonymes des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang, des spécimens de résidants hors province ou de résidants du Québec sans NAM.

Au total, 614 cas d'infection à VIH ont été enregistrés en 2009, dont 496 (80,8 %) de sexe masculin et 118 de sexe féminin. Ce nombre comprend 307 nouveaux diagnostics, 267 anciens cas et 40 personnes dont on ne peut dire avec les informations disponibles qu'elles ont reçues leur premier diagnostic de VIH en 2009 ou avant.

Les cas de 2009 portent à 5 825 le nombre de personnes infectées par le VIH cumulativement enregistrées au programme depuis avril 2002, dont 2 973 nouveaux diagnostics, 2 553 anciens et 299 diagnostics impossibles à caractériser comme étant des anciens ou des nouveaux. Ce nombre reste en deçà des estimations de la prévalence produites par l'Agence de la santé publique du Canada pour le Québec, selon lesquelles environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH dans la province en 2008. Il faut toutefois se rappeler que le programme québécois de surveillance n'a été mis en place qu'en avril 2002 et que les données qu'il génère n'incluent pas toutes les personnes au courant de leur statut biologique d'infection par le VIH avant son implantation.

Une faible proportion des cas impossibles à enregistrer au moment du premier dépistage positif ont été subséquemment déclarés et ceci après un délai relativement long pour la moitié des cas l'ayant été. Tel que souligné précédemment, 3 229 tests confirmés positifs n'ont pas mené à une enquête épidémiologique. Le nombre précis de personnes ayant fourni les prélèvements de ces tests est inconnu, mais il se situerait entre 1 000 et 2 000 individus différents. Parmi ceux-ci, seulement 430 ont subséquemment été enregistrés, dont 23,3 % la même année que celle du premier dépistage positif, 30,0 % l'année suivante et les autres (46,7 %) après deux ans ou plus.

Le nombre de nouveaux diagnostics a diminué de 21,1 % comparativement à 2008. En l'absence d'une variable pour distinguer les infections récentes versus les infections anciennes tardivement dépistées, cette diminution ne peut être interprétée en termes de variation de l'incidence du VIH.

La majorité (60,6 %; 1 801/2 973) des nouveaux diagnostics n'avaient jamais eu de dépistage du VIH auparavant. Parmi 1 041 rapportant un test négatif antérieur et ayant précisé la date du dernier dépistage négatif, 338 ont été diagnostiqués dans les 12 mois suivants. Ces cas incidents ne représentent que 11,4 % des nouveaux diagnostics. La majorité (88,6 %; 2 635/2 973) de ceux-ci sont impossibles à différencier comme étant des infections anciennes ou récentes. C'est un mélange de cas récemment infectés et de séropositivités anciennes tardivement dépistées, qui regroupe les personnes avec un résultat négatif au dernier test sans précision de date (4,4 %, n = 131), celles diagnostiquées plus d'un an après le dernier test négatif (23,7 %, n = 703) et celles jamais testées auparavant (60,6 %, n = 1 801).

L'âge médian au moment du dépistage (nouveaux diagnostics) est de 37 ans pour les femmes et de 41 ans pour les hommes. De manière générale, chez les personnes des deux sexes, le nombre et la proportion de cas augmentent avec l'âge entre 15 et 45 ans et diminuent par la suite.

Si la moitié (50,9 %; 60/118) des femmes trouvées infectées en 2009 situent leurs origines culturelles dans des pays de l'Afrique subsaharienne ou en Haïti, dans l'ensemble, le Canada reste le principal pays de naissance et d'origine ethnoculturelle des cas de VIH au Québec (70,4 %; 431/614).

Les cas de 2009 sont reliés aux principales catégories d'exposition ci-après :

  • Les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HARSAH) sont les plus touchés avec 58,5 % (359/614) des cas et 64,8 % (199/307) des nouveaux diagnostics. Chez les hommes, la transmission homosexuelle est attribuée à 72,4 % (359/496) des cas et à 77,7 % (199/256) des nouveaux diagnostics.
  • Les personnes originaires de pays où le VIH est endémique et où la transmission hétérosexuelle du virus prédomine forment 14,2 % (n = 87) des cas. Cette catégorie d'exposition est la plus importante chez les femmes (49,2 %; 58/118 versus 5,9 %; 29/496 parmi les hommes).
  • Une personne sur dix (11,9 %; n = 73 cas non reliés aux pays endémiques) a aussi été infectée par des rapports hétérosexuels. La proportion des cas infectés par voie hétérosexuelle et non identifiés à des pays endémiques est aussi plus élevée chez les femmes (28,8 %; 34/118 versus 7,9 %; 39/496 pour les hommes). En regroupant ces cas avec ceux des immigrants de pays endémiques, la transmission hétérosexuelle prédomine parmi les femmes (78,0 % versus 13,7 % chez les hommes).
  • 8,5 % (n = 52) sont des utilisateurs et utilisatrices de drogues par injection (UDI). Le nombre de nouveaux diagnostics UDI reste relativement faible malgré la transmission active du VIH observée par le réseau SurvUDI. Cela peut être associé à une faible fréquentation des services de dépistage du VIH par les UDI.
  • Les cas à la fois HARSAH et UDI représentent 2,9 % (n = 18), proportion qui est demeurée relativement stable depuis le début du programme.
  • Aucun nouveau diagnostic de transmission verticale du VIH n'a été enregistré pour des enfants nés au Canada de mères d'origine canadienne depuis avril 2002. Cette catégorie d'exposition est essentiellement rapportée pour des enfants originaires de pays endémiques :
    • Vingt-trois nouveaux diagnostics ont été enregistrés dans cette catégorie d'exposition depuis avril 2002, dont 10 enfants nés au Canada et 13 nés en dehors du pays. Sur les dix dépistés à la naissance au Canada, 8 (80 %) sont nés d'immigrantes de pays endémiques, 1 d'une mère autochtone des Premières Nations et le dernier d'une mère originaire d'Europe. Dans les 13 nés hors du Canada, 12 (92,3 %) sont des immigrants de pays endémiques et le dernier un immigrant d'Asie.
    • Des tests de confirmation peuvent être prescrits à nouveau pour le suivi spécifique aux personnes infectées à la naissance, notamment à l'âge adulte pour celles qui veulent avoir des enfants et éviter de transmettre à leur tour l'infection à leurs enfants. Quarante (40) cas connus avant 2002 ont été enregistrés depuis suite à ces tests. La majorité (72,5 %; n = 29) étaient des immigrants de pays endémiques.
  • Les infections par des dons de sang ou de facteurs de coagulation deviennent également rares. Depuis avril 2002, dans cette catégorie d'exposition, le programme rapporte :
    • Cinq nouveaux diagnostics, dont 1 en 2009, pour des personnes pouvant avoir été infectées avant les mesures de sécurité transfusionnelle en 1985 puisqu'elles avaient entre 21 et 69 ans au moment du dépistage, ou en dehors du Canada pour deux de ces cas qui sont des immigrants.
    • Cinquante anciens cas diagnostiqués avant 2002 et présumés infectés avant 1985 ou en dehors du Canada.

Parmi les personnes dont l'infection a été enregistrée depuis avril 2002 et pour lesquelles nous connaissons les antécédents de prostitution, 3,8 % (121/4 819) étaient ou avaient été des travailleurs ou travailleuses de sexe (TS). Cette proportion est plus élevée pour les femmes (9,7 %; 121/1 243) et les UDI (12,1 %; 113/933) comparativement aux hommes (2,1 %; 97/3 476) et autres catégories d'exposition (≤ 2,3 %). Plus d'un tiers (37,2 %; 105/282) des cas des femmes UDI avaient des antécédents de prostitution versus 1,2 % (8/651) des cas de cette catégorie d'exposition chez les hommes,

Le recours aux services de dépistage du VIH intervient souvent tardivement puisque 21,5 % (66/307) des nouveaux diagnostics étaient rendus au stade du sida ou présentaient des infections symptomatiques chroniques au moment du dépistage. Seulement 10,8 % (n = 33) étaient au stade de primo-infection. Les autres étaient asymptomatiques (48,7 %) ou se plaignaient de symptômes et maladies non spécifiques du sida (19,0 %).

Les visites de suivi de grossesses pourraient être à l'origine du dépistage de l'infection chez un nombre relativement important de femmes. Parmi 529 femmes nouvellement diagnostiquées depuis avril 2002 et pour lesquelles les médecins ont répondu aux questions visant à savoir si elles avaient une grossesse ou non, 15,7 % étaient enceintes au moment du dépistage du VIH. Celui-ci est recommandé à toute femme qui consulte pour grossesse.

Montréal, qui abrite un quart de la population du Québec et la grande majorité des immigrants admis au Québec, est la région de résidence de la majorité des cas de 2009 (59,8 %; 367/614). Cette proportion varie selon la catégorie d'exposition. Depuis le début du programme, à elle seule la métropole enregistre 78,0 % (708/908) des cas des immigrants de pays endémiques, 69,7 % (1 971/2 829) des cas des HARSAH, 60,4 % (136/225) des cas à la fois HARSAH et UDI, 57,1 % (36/63) des cas de transmission verticale, la moitié des cas UDI (50,1 %; 467/933) et des personnes non reliées aux pays endémiques qui attribuent leur infection à des rapports hétérosexuels (49,0 %; 378/772).

Les données du programme n'estiment ni la prévalence ni l'incidence de l'infection dans la province. Elles portent sur les cas confirmés au LSPQ depuis avril 2002 et dont la collecte épidémiologique est complétée, tandis qu'elles excluent les cas dépistés avant le programme et pour lesquels le dépistage du VIH n'a pas été répété depuis avril 2002, les cas diagnostiqués après cette date qui ne sont pas enregistrés, entre autres à cause de l'absence d'un NAM, et les personnes infectées qui ne sont pas dépistées et ignorent leur séropositivité.

L'élimination des doublons basée sur l'obtention du NAM pour tous les tests confirmés positifs constitue une limite importante à la collecte des données épidémiologiques. Le programme a été mis en place en 2002. C'est aussi en 2002 qu'une nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement rendait obligatoire l'examen médical incluant un test de dépistage du VIH pour tout requérant de résidence permanente au Canada et certains requérants de résidence temporaire. Ce changement a entraîné l'ajout non anticipé d'un nombre important de cas positifs sans NAM.

Afin d'augmenter la capacité du programme à documenter les cas sans NAM actuellement exclus du système, la collecte épidémiologique sera étendue aux personnes confirmées sans NAM.

Les variations observées dans le nombre des cas sont difficiles à interpréter en l'absence de données d'incidence. On entrevoit l'ajout d'un test d'infection récente au processus de détection du VIH pour les besoins de surveillance, afin d'augmenter la capacité du système à suivre la tendance de l'incidence de l'infection au Québec.

Même si on apporte les ajustements proposés pour inclure les cas sans NAM et des informations pour distinguer les infections récentes des anciennes tardivement dépistées, les données du programme resteront insuffisantes pour expliquer la dynamique de l'épidémie. Le système actuel ne permet pas de documenter les modes de transmission affectant les personnes infectées par le VIH qui sont dépistées et pour lesquelles les informations servant à évaluer le risque ne sont pas disponibles auprès des médecins traitants.

Le groupe de travail sur le développement de la surveillance du VIH/Sida recommande de mener une réflexion avec tous les partenaires impliqués dans la lutte contre le VIH/Sida au Québec visant à trouver une solution qui garantit la confidentialité des données et permet de compléter la collecte de celles-ci afin de documenter adéquatement le portrait de l'épidémie.

De toute évidence, le virus se transmet encore activement au Québec, malgré les programmes de prévention de l'épidémie qui sont en place dans la province.

Combinée à la progression observée des autres ITSS parmi les HARSAH et aux épidémies observées de ces maladies chez les UDI, la progression du VIH dans la population doit continuer d'interpeller les autorités de santé publique.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-59939-5
ISBN (imprimé)
978-2-550-59938-8
ISSN (électronique)
1913-3405
ISSN (imprimé)
1913-3391
Notice Santécom
Date de publication