État des connaissances sur la relation entre les activités liées au gaz de schiste et la santé publique : rapport préliminaire

L'exploration et l'exploitation du gaz de schiste sont en plein développement et utilisent une technologie récente, celle de la fragmentation horizontale en profondeur. Cette activité soulève des débats publics au Québec et ailleurs en Amérique du Nord. Récemment, le Bureau des audiences publiques sur l'environnement du Québec (BAPE) a été saisi de ce dossier. C'est dans ce contexte qu'un mandat a été confié par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à l'unité Santé et environnement de l'Institut national de santé publique (INSPQ).

Les objectifs du mandat confié à l'INSPQ sont :

  1. Dresser un état des connaissances sur les risques d'atteinte à la santé associés au gaz de schiste;
  2. Cibler les zones de connaissances à développer afin d'évaluer ces risques pour la population québécoise.

Plusieurs experts ont été sollicités pour réaliser ce mandat, qui a pris la forme d'une recension des écrits disponibles de nature scientifique et technique associés aux activités d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste. À l'aide de mots-clés spécifiques, plusieurs banques documentaires et des moteurs de recherche ont été consultés. Les documents ont été retenus sur la base de leur pertinence et de leur qualité générale.

État des connaissances sur les risques d'atteinte à la santé

Les résultats de cette recension d'écrits sont présentés selon les différentes thématiques énoncées par le mandat du MSSS.

Risques technologiques et les urgences en santé publique

Des accidents et des incidents en lien avec les activités d'exploitation du gaz de schiste ont été rapportés dans la littérature. La gravité des atteintes à la santé rapportées varie, allant de blessures légères à des décès, et ce, auprès de travailleurs de l'industrie du gaz de schiste et de la population en général. Des causes multiples sont associées à ces événements (erreurs humaines, défaillances matérielles, erreurs techniques, entreposage inadéquat, migration de gaz, accidents de transport, etc.). Il est cependant impossible d'estimer leur fréquence historique aux États-Unis et au Canada. La mise en place de mesures d'urgence efficaces et opérationnelles représente un défi important, particulièrement si les installations de cette industrie sont situées à proximité des zones d'habitation.

Risques liés à la pollution de l'air

Les activités sur le site utilisent des combustibles fossiles (diesel, par exemple) et contribuent à augmenter les polluants traditionnels émis par cette combustion. Certains de ces polluants, comme les composés organiques volatils (COV), sont aussi émis lors des essais de production. Il est probable que l'augmentation des niveaux de polluants soit surtout localisée à proximité des sites d'activité. Même si les effets de ces polluants sont en général bien connus, il est impossible d'estimer a priori le risque associé à leur exposition en lien avec l'exploitation et l'exploration du gaz de schiste car les conditions d'exposition ne sont pas connues.

Risques reliés à la contamination de l'eau

Les procédés d'exploitation de cette industrie utilisent ou rejettent, lors des opérations, plusieurs substances chimiques dont certaines ont un potentiel toxique reconnu et qui pourraient affecter la santé de la population advenant une contamination de l'eau. Les connaissances sur la qualité de l'eau liée à l'exploitation du gaz de schiste sont fragmentaires. Des cas de contamination de l'eau souterraine (par des substances diverses) ont été rapportés dans la littérature et sont suspectés, mais non confirmés, être reliés à l'exploitation du gaz de schiste. La gestion des eaux usées paraît un enjeu important. Il a été impossible d'estimer le risque associé à l'exposition à ces contaminants de l'eau. Les premiers résultats préliminaires de l'étude exhaustive menée sur le sujet par l'Agence de protection américaine de l'environnement (US EPA) devraient être accessibles vers la fin de l'année 2012.

Risques d'effets sur la qualité de vie

Certains changements sont survenus dans la qualité de vie des populations avoisinant l'exploitation du gaz de schiste. Ils sont d'abord associés à l'augmentation importante de nuisances spécifiques (circulation, bruit, luminosité, vibrations). Par ailleurs, des effets sociaux ont été constatés, dont une bonne part semble directement associée à l'effet boomtown, lié à l'arrivée de travailleurs et de leurs familles, et donc à l'augmentation rapide de la population. Cette croissance comporte une dimension positive associée à l'accroissement des activités économiques, mais son bilan à moyen et à long termes est plutôt négatif, en raison de nouvelles dynamiques sociales et d'une demande accrue en matière de services et d'infrastructures de tous secteurs.

Zones de connaissances à développer

La recension des écrits réalisée a permis d'identifier quelques dangers, réels, soupçonnés ou potentiels, mais ne permet pas, pour l'instant, d'évaluer les risques à la santé pour la population québécoise. Pour chacune des thématiques abordées, l'absence de certaines informations essentielles à cette évaluation doit être notée, notamment quant aux techniques employées, aux substances utilisées ainsi qu'à la quantité de polluants émis. De surcroît, à l'égard des impacts sociaux et psychologiques, les effets constatés sont liés à des conditions locales particulières qui doivent être documentées.

Perspectives de réflexion

Le document soulève plusieurs éléments de préoccupation au regard des risques à la santé. De plus, l'évaluation des risques comporte une difficulté particulière, puisque cette situation est historiquement nouvelle et progresse rapidement. Les impacts potentiels sur la santé et les milieux de vie sont ainsi plus difficiles à cerner car ils naissent de systèmes qui ne sont pas complètement connus. De nouvelles connaissances, mais aussi de nouvelles sources de questionnements, peuvent cependant émerger des travaux entrepris récemment aux États-Unis.

Auteur(-trice)s
Geneviève Brisson
experte et chercheure d’établissement, Institut national de santé publique du Québec
Céline Campagna
chercheure d’établissement, Institut national de santé publique du Québec
Gaétan Carrier
Université de Montréal
Pierre Chevalier
Ph. D., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Leylâ Deger
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Denis Gauvin
M. Sc, conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Lise Laplante
M.D., médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Albert J. Nantel
M.D., M. Sc., ABMT, Institut national de santé publique du Québec
Audrey Smargiassi
Institut national de santé publique du Québec, Direction de santé publique de Montréal et Centre de recherche Léa-Roback
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-60591-1
ISBN (imprimé)
978-2-550-60590-4
Notice Santécom
Date de publication