Surveillance des souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méthicilline isolées des bactériémies dans la province de Québec : rapport 2013-2014

Le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) est reconnu comme un pathogène nosocomial important. Depuis le milieu des années 90, on note l’émergence d’infections acquises dans la communauté causées par des souches de S. aureus résistantes à la méthicilline (SARM-AC). Ces souches de SARM-AC ont un profil génétique différent des souches de SARM-nosocomiales (SARM-N).

Dans le cadre des activités de surveillance des pathogènes en émergence et de la résistance aux antibiotiques, le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) a été mandaté par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour étudier le profil microbiologique des souches de SARM isolées d’hémocultures au Québec. Les objectifs de cette surveillance sont d'étudier l’épidémiologie moléculaire, d’identifier certains gènes de virulence et d’établir le profil de sensibilité aux antibiotiques de toutes les souches, qu’elles soient d'origine nosocomiale ou communautaire. Les données de la 3e année de surveillance sont présentées dans ce rapport.

Entre le 1er avril 2013 et le 31 mars 2014, il a été demandé aux laboratoires hospitaliers d'acheminer au LSPQ toutes les souches de SARM isolées d’hémocultures (une souche par patient par intervalle de 28 jours). Un court questionnaire devait être rempli pour chacune des souches/patient. Le questionnaire a permis de récolter les renseignements démographiques et épidémiologiques requis pour établir les liens entre les résultats de la caractérisation des souches et les données de surveillance des infections nosocomiales. Les analyses de laboratoire suivantes ont été effectuées pour toutes les souches : détection des gènes nuc, mecA et de la toxine PVL par tests d’amplification d'acides nucléiques, détermination du type épidémique de la souche par typage du gène spa, et détermination de la sensibilité à 15 antibiotiques par microdilution, E-test ou diffusion en disque.

Au total, 200 souches de S. aureus résistantes à la méthicilline ont été reçues au LSPQ. Toutes ces souches possédaient les gènes nuc et mecA. Elles ont été isolées de patients dont l’âge moyen était de 70 ans; la majorité des patients étaient âgés de plus de 60 ans. Le ratio homme/femme était d’environ 2:1. Les laboratoires de la région 06 ont isolé le plus grand nombre de souches (41,5 %), suivi de la région 16 (15 %) et de la région 03 (9 %).

Selon les renseignements colligés dans les formulaires d'investigation, 65,5 % des souches étaient d'origine nosocomiale (catégories 1 et 2) et 19 % d'origine non nosocomiale (catégorie 3); 18,5 % des bactériémies à SARM étaient primaires : 9,5 % de celles-ci étaient associées à un cathéter central et 4 % à un accès veineux en hémodialyse. L’infection à l’origine des bactériémies secondaires était principalement l’infection urinaire, avec 18,5 % des cas recensés. De plus, 13,5 % des bactériémies étaient secondaires à une infection pulmonaire, 11,5 % à une infection de la peau et des tissus mous, et 10 % à une infection ostéoarticulaire.

Tel qu'attendu, 100 % des souches ont été trouvées résistantes à l'oxacilline. Un pourcentage de résistance très élevé a été observé pour :

  • l'érythromycine (97,5 %);
  • la lévofloxacine (95,5 %);
  • la clindamycine (81,5 %).

Un faible pourcentage de résistance a été observé pour :

  • l'acide fusidique (5,5 %);
  • la gentamicine (6 %);
  • la doxycycline (1,5 %);
  • le linézolide (6,5 %);
  • la mupirocine (2 %);
  • la rifampicine (2,5 %);
  • le triméthoprime-sulfaméthoxazole (1,5 %).

Toutes les souches étaient sensibles à la daptomycine, à la tigécycline et à la vancomycine.

L'analyse de la distribution des types épidémiques selon la catégorie de l'origine d'acquisition présumée de l'infection a montré que 81,5 % des souches correspondaient au type épidémique canadien CMRSA-2 (profil habituellement nosocomial), 13,5 % au type épidémique canadien CMRSA-10, un profil habituellement communautaire. Trois souches de type épidémique Européen (clone ST-80), une souche du type CMRSA-1 et une du type CMRSA-7 ont été détectées. Les types Européen et CMRSA-7 sont habituellement de profil communautaire. Finalement, 5 souches présentant un profil unique non relié aux profils canadiens CMRSA-1 à 10, ni aux profils américains USA100 à 1100, ont été identifiées.

Le gène de la toxine PVL, classiquement associé aux souches de SARM-AC, était présent chez 74,2 % souches de type épidémique communautaire alors que toutes les souches des autres types épidémiques ne le possédaient pas. Le profil communautaire habituel, caractérisé par la présence du gène de la toxine PVL, une résistance à l'érythromycine et une sensibilité à la clindamycine, a été identifié chez 21,1 % des souches de la catégorie 3. Quatorze souches (5,3 %) ayant les mêmes caractéristiques étaient associées aux autres catégories.

Dix-huit des souches SARM-AC (9 %) ne montraient pas une sensibilité à la clindamycine. En outre, la sensibilité à la clindamycine à titre de facteur prédictif d'une souche de type épidémique communautaire avait une sensibilité de 80,7 %, une spécificité de 92,9 %, une valeur prédictive positive de 67,6 % et une valeur prédictive négative de 96,3 %.

Cette étude a permis de documenter la proportion de souches de type épidémique communautaire responsables des bactériémies au Québec. La distribution nosocomiale ou communautaire de types épidémique n'est pas mutuellement exclusive, puisqu’un type épidémique nosocomial peut être acquis en communauté et qu'un type épidémique communautaire peut circuler en milieu hospitalier. Pour l'année de surveillance 2013-2014, les souches de type épidémique communautaire étaient responsables de 11,5 % des bactériémies nosocomiales, une augmentation de 9,3 % par rapport à 2011-2012 et de 7,8 % par rapport à 2009-2010.

Cette étude a également permis de préciser les profils de sensibilité aux antibiotiques des souches de SARM isolées d’hémocultures au Québec. La majorité des souches demeurent sensibles aux antibiotiques recommandés pour le traitement de ces infections. La détermination de la sensibilité aux antibiotiques, en combinaison avec les analyses moléculaires, a montré que pour la majorité des souches, la sensibilité à la clindamycine est un bon marqueur de l'origine communautaire de l'infection, tout comme la présence du gène de la toxine PVL.

Auteur(-trice)s
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-72801-6
ISSN (électronique)
2291-2304
Notice Santécom
Date de publication