Avis sur la divulgation du risque de contamination à la suite d’une exposition à des dispositifs médicaux possiblement contaminés par la maladie de Creutzfeld-Jakob

Le Centre d’expertise en retraitement des dispositifs médicaux (CERDM) a été appelé à traiter une demande d’évaluation d’un risque potentiel de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), risque lié à l’utilisation de dispositifs médicaux (DM) ayant déjà servi pour des personnes chez qui, ultérieurement, la MCJ a été soupçonnée ou confirmée. Étant donné les nombreuses incertitudes concernant l’évaluation scientifique du risque dans de telles situations, celle-ci s’avère difficile à réaliser pour le CERDM. De plus, il n’y a pas de position officielle quant au rappel des patients dans le cadre du risque incertain de transmission de la MCJ. Il n’existe pas de tests entièrement fiables pour diagnostiquer la MCJ chez une personne vivante. Les tests diagnostiques disponibles servent seulement au moment où des premiers symptômes laissent soupçonner la maladie; ils ne peuvent servir à détecter précocement s’il y a eu contamination. Il n’existe pas encore de moyens thérapeutiques pour prévenir ou traiter la maladie. L’ensemble de ces facteurs rend difficile la tâche de recommandation du CERDM quant à la pertinence d’un rappel des patients concernés. Le CERDM a donc souhaité avoir l’éclairage du Comité d’éthique de santé publique (CESP) afin de soutenir de futures recommandations et d’outiller les décideurs quant à la décision de rappeler ou non des patients concernés. Il a sollicité l’avis du CESP sur les éléments suivants :

  • Dans une perspective éthique, quelles valeurs devraient être considérées dans la décision de rappeler ou non les patients exposés à un éventuel risque de transmission de la MCJ?
  • Quelle serait l’orientation à privilégier en l’état des connaissances scientifiques incertaines et insuffisantes sur le risque d’infection et la prise en charge des personnes concernées?

Au-delà des incertitudes de nature technoscientifique (calcul du risque d’exposition, de contamination et de développement de la maladie), le Comité constate un manque de connaissances quant aux effets réels de la communication à des patients de tels risques incertains mais graves et quant à l’acceptabilité des options de divulgation pour la population.

Deux ensembles de valeurs prioritaires ont émergé des délibérations. D’une part, il y a les valeurs de non-malfaisance et d’utilité, soit la volonté de ne pas causer de tort indu en fournissant une information qui ne permet pas de prévenir la survenue incertaine d’une contamination et, éventuellement, de la maladie de Creutzfeld-Jacob. Ce choix de priorités conduit à opter pour une divulgation différée dans le temps, au moment où certaines conditions de dépistage ou de traitement pourraient être disponibles. D’autre part, on trouve les valeurs d’autonomie et de transparence : considérant qu’il appartient à chacun de juger de la pertinence et de l’utilité d’une information de santé qui le concerne, ce choix de priorités conduit à opter pour une divulgation immédiate et systématique. Une conception stricte des droits des usagers renforce cette vision de l’autonomie pour faire valoir que la transparence est une obligation morale dictée par l’esprit des lois qui traitent du droit d’être informé et, en corollaire, du devoir d’informer. Dans cette optique, la divulgation est considérée comme un outil nécessaire de défense des droits. L’absence totale de divulgation n’a pas été retenue comme option raisonnable, sur le plan éthique.

Pour réaliser son examen de la question de la divulgation, le Comité a dû se familiariser avec l’encadrement du retraitement des dispositifs médicaux dans les établissements concernés, les conditions requises pour procéder à une éventuelle divulgation impliquant une traçabilité efficace des dispositifs médicaux impliqués en relation avec les patients pour qui ils ont été utilisés. Le CESP a constaté que cette traçabilité n’était pas garantie au niveau des établissements; elle l’est donc encore moins de façon plus globale si l’on veut suivre des individus faisant affaire avec différents établissements au cours de leur vie. Aussi, Le Comité recommande au CERDM d’utiliser toutes les mesures à sa disposition pour faire valoir auprès des établissements comme auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux l’importance de soutenir l’implantation de telles procédures dans chaque établissement concerné. Il recommande notamment que les autorités responsables déterminent des objectifs concrets à cet effet et les moyens par lesquels elles rendront compte de l’évolution de la situation. Enfin, le Comité recommande au CERDM de faire valoir des objets de recherche qui permettraient de raffiner la réflexion sur ces questions. 

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-79146-1
Notice Santécom
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