Programme de surveillance du pneumocoque : rapport 2019

Le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae) entraîne un grand nombre d’infections de diverses natures, d’hospitalisations, de prescriptions d’antibiotiques et de décès au niveau mondial ainsi qu’au Québec et au Canada. Deux types de vaccins ont été développés pour réduire le fardeau des infections à pneumocoque, en visant plus particulièrement les infections invasives à pneumocoque (IIP) et les sérotypes qui sont le plus souvent en cause. Les vaccins pneumococciques conjugués 7‑valent (contient 7 sérotypes; VPC-7), 10-valent (VPC-10) et 13-valent (VPC-13) sont principalement destinés aux enfants. Le vaccin pneumococcique polysaccharidique 23-valent (VPP-23) est surtout utilisé chez les personnes de 65 ans et plus. Il est à noter qu’un vaccin conjugué 15‑valent et un autre 20-valent sont aussi en cours de développement.

Une surveillance étroite de l’épidémiologie des infections à pneumocoque est essentielle, afin de mesurer l’impact du programme de vaccination et d’adapter, si nécessaire, les recommandations vaccinales. Une surveillance renforcée des infections à pneumocoque est en cours au Québec et inclut plusieurs activités. Le présent rapport rend compte de ces activités et couvre une période allant jusqu’au 31 décembre 2019.

Analyse du registre des maladies à déclaration obligatoire

Au Québec, les IIP sont des maladies à déclaration obligatoire (MADO) depuis 1996. Les données des déclarations d’IIP provenant du registre des MADO ont été analysées pour la période 2001-2019. Globalement, l’évolution du taux d’incidence standardisé pour l’âge entre 2001 et 2019, qui tient compte du vieillissement de la population, suggère une incidence relativement stable au cours du temps. Par contre, chez les enfants de moins de 5 ans, une diminution marquée du taux d’incidence a été observée après l’introduction du VPC-7 en 2004 et une autre diminution a été observée depuis l’introduction du VPC-10 en 2009 suivie de celle du VPC-13 en 2011. Les taux d’incidence chez les enfants sont demeurés faibles par la suite et sont inférieurs à 20/100 000 p.-a depuis 2015.

Analyse des données du Laboratoire de santé publique du Québec

Distribution des sérotypes

En 1996, le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) a mis sur pied un programme de surveillance en laboratoire des souches invasives de S. pneumoniae. Les objectifs visés étaient d’étudier la distribution des sérotypes en circulation au Québec et d’établir leurs profils de sensibilité aux antibiotiques. Les tendances évolutives dans la distribution des sérotypes pour l’ensemble de la population du Québec ont été analysées.

Dans la population générale, les sérotypes inclus dans le VPC-7 ont diminué de manière importante depuis 2005, suite à l’introduction du programme universel de vaccination chez les enfants de moins de 5 ans. La diminution s’est produite non seulement chez les moins de 5 ans, mais aussi dans le reste de la population. Ces sérotypes représentaient 7 % de l’ensemble des souches en 2019, et parmi ceux-ci, le plus fréquent était le sérotype 4 (4 % de l’ensemble). Les trois sérotypes additionnels du VPC-10 (1, 5, 7F) ont également diminué progressivement suite à l’introduction de ce vaccin en 2009 et depuis 2014, seul le sérotype 7F est encore retrouvé (2 %). Les trois sérotypes additionnels du VPC-13 (3, 6A et 19A) ont aussi diminué légèrement depuis l’introduction de ce vaccin en 2011, mais sont encore responsables d’environ 16 % des IIP diagnostiquées (sérotypes 3 et 19A principalement). Au total, en 2019, 24 % des IIP étaient causées par un des sérotypes inclus dans le VPC-13. La proportion de sérotypes non inclus dans le VPC-13 a augmenté progressivement depuis 2007 pour constituer maintenant la majorité des causes d’IIP.

Chez les enfants de moins de 5 ans spécifiquement, on remarque une diminution importante des sérotypes inclus dans le VPC-7 depuis le début de la surveillance renforcée, pour arriver à une quasi-disparition des cas à partir de 2011. La diminution des sérotypes additionnels inclus dans le VPC-10 s’est amorcée en 2010 et on observe au maximum un cas par an depuis 2013. Le nombre annuel de cas liés aux sérotypes additionnels du VPC-13 est quant à lui passé de plus de 50 en 2008-2010 à 10 ou moins annuellement depuis 2014.

Détection de S. pneumoniae par test de détection des acides nucléiques

L’ajout de l’identification par TAAN permet d’identifier les souches infectant des sites pour lesquels la culture est souvent négative, principalement le liquide pleural. En 2019, 34 cas additionnels d’IIP ont ainsi pu être diagnostiqués grâce au test de détection des acides nucléiques (TAAN). Au total, 20 prélèvements provenaient de liquides pleuraux et 70 % des sérotypes identifiés sur ceux-ci étaient de sérotype 3.

Résistance aux antibiotiques

On observe une certaine stabilité dans la proportion de souches résistantes à la pénicilline et aux autres antibiotiques. Le faible taux de résistance à la pénicilline orale est concordant avec les guides de pratiques qui préconisent l'utilisation de l'amoxicilline à haute dose pour le traitement empirique des infections communautaires où un pneumocoque est suspecté. Par ailleurs, la faible résistance observée à la ceftriaxone est un élément qui peut être important dans les décisions de choix des antibiotiques lors de méningites. Une surveillance étroite doit être maintenue, car on ne peut exclure la résurgence éventuelle de clones résistants aux antibiotiques.

Étude cas-témoins sur l’efficacité des vaccins pneumococciques conjugués

Depuis l’implantation du programme universel de vaccination contre le pneumocoque, une étude cas-témoins a été entreprise et devrait se poursuivre jusqu’à la fin de 2022. Elle vise à mesurer l’efficacité des VPC chez les enfants de 2 à 59 mois. Une mise à jour allant jusqu’à la fin de l’année 2017 a été faite, incluant une analyse spécifique contre les sérotypes 19A et 3 pour lesquels une protection moindre a été observée ailleurs dans le monde. On note une certaine efficacité du VPC-10 et du VPC-13 contre le sérotype 19A, estimée respectivement à 62 % et 74 % suite à 1 dose ou plus de vaccin et qui semble perdurer au-delà de la première année. L’efficacité à court terme d’une dose ou plus de VPC-13 contre le sérotype 3 était estimée à 78 %, mais aucune protection n’était observée plus d’un an après la dernière dose.

Mandat d’enquête sur les infections invasives à pneumocoque

Afin de mieux documenter les IIP avec échec vaccinal, un mandat d’enquête prospectif est en cours pour recenser toute l’information disponible sur les cas âgés de 2 à 59 mois qui surviennent depuis 2018. Les données du registre des MADO, du registre de vaccination, du LSPQ, de l’étude cas-témoins ainsi que les données d’hospitalisation si nécessaire sont compilées, afin d’évaluer la sévérité des cas, en particulier des cas de sérotype vaccinal. En 2018 et 2019, les échecs vaccinaux étaient tous des cas de sérotype 3 ou 19A et il n’y a pas eu d’augmentation notable du nombre de cas chez les enfants vaccinés. On ne déplore aucun décès parmi les cas de sérotype vaccinal.

Discussion et conclusion

Ce rapport permet de constater les succès du programme de vaccination avec un VPC pour prévenir les IIP chez les enfants de moins de 5 ans. L’introduction successive du VPC-7, du VPC-10 et du VPC-13 à partir de décembre 2004 a permis une réduction notable des IIP dans ce groupe d’âge. Les seuls sérotypes vaccinaux qui persistent sont le 3 (3 cas par an en moyenne depuis 2015), le 19A (5 cas par an en moyenne depuis 2015) et occasionnellement le 19F et le 23F (1 cas de chaque sérotype en 2019).

La surveillance des IIP chez les personnes de cinq ans et plus montre une immunité de groupe associée à l’utilisation du VPC chez les enfants (herd effect). Les bénéfices de cette immunité de groupe ont par contre été érodés du fait du remplacement des sérotypes vaccinaux par d’autres sérotypes non couverts par ces vaccins. Du fait de ce phénomène de remplacement, aucune diminution globale de l’incidence des IIP n’a été notée chez les adultes au Québec. La surveillance renforcée des IIP au Québec devra se poursuivre au cours des prochaines années, notamment suite à l’implantation à l’automne 2020 d’un calendrier mixte comportant 2 doses de VPC-10 suivie d’une dose de VPC-13. Il sera particulièrement important de suivre la fréquence des IIP de sérotype 3 et de sérotype 19A chez les enfants, car ces deux composants sont absents du VPC-10 et continuent de circuler à l’heure actuelle. La surveillance des IIP devra aussi tenir compte de la disponibilité grandissante d’un TAAN plus sensible que la culture et de la possibilité nouvelle d’obtenir le sérotype par TAAN à partir de liquides biologiques normalement stériles positifs pour S. pneumoniae. Les résultats de cette surveillance aideront à formuler les recommandations pertinentes concernant l’utilisation des VPC chez les enfants et les adultes, incluant pour les nouveaux vaccins 15-valent et 20-valent à l’étude. Ces nouveaux produits pourraient réduire de façon appréciable le fardeau des IIP si une efficacité élevée contre les sérotypes additionnels qu’ils contiennent se confirme et si le remplacement des souches vaccinales par des souches non vaccinales causant les IIP reste limité.

Programme de surveillance du pneumocoque : rapport 2019
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-90345-1
ISSN (électronique)
1911-5709
Notice Santécom
Date de publication