Pertinence et faisabilité, en 2004, d'un programme préventif de réduction du risque de transmission du virus du Nil occidental avec des larvicides

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) a demandé à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de lui fournir, pour une deuxième année consécutive, un avis sur la pertinence et la faisabilité de procéder au Québec en 2004 à des applications préventives de larvicides afin de réduire le risque de transmission du virus du Nil occidental (VNO) et ses éventuels impacts sur la santé des Québécois. La notion de « traitements préventifs » fait référence aux applications de larvicides contre des moustiques vecteurs qui sont réalisées en fonction de l’activité virale de la saison précédente. Ces traitements se font sans attendre la confirmation durant l’année en cours de la présence d’activité virale, d’un foyer local de transmission active par les vecteurs ou du diagnostic de cas humains. Ils peuvent être effectués dès le début du printemps et par la suite durant tout l’été en fonction des espèces de moustiques ciblées. Les « traitements correctifs » diffèrent des « traitements préventifs » dans la mesure où ceux-ci sont effectués localement à la suite de la confirmation d’un foyer potentiel ou actif de transmission du VNO durant l’année en cours et dans un secteur précis. Des traitements correctifs pourront être réalisés, au besoin, au cours de la saison 2004.

Prenant en considération :

  • qu’il y a eu confirmation de la présence du VNO au Québec en 2002 et 2003 parmi des oiseaux et des moustiques et qu’il y a eu identification de cas humains d’infection au cours de ces deux années, parmi lesquels trois décès ont été confirmés;
  • que les effets et les séquelles de certaines infections à VNO peuvent être graves;
  • qu’il y a absence de vaccin pour prévenir la maladie dans la population humaine;
  • que les CDC recommandent de faire des traitements préventifs et que des observations positives sur l’efficacité de ces traitements sont rapportées;
  • que les résultats obtenus à la suite des applications réalisées au cours de la saison 2003 (en ce qui concerne la réduction du nombre de larves de moustiques) sont satisfaisants;
  • que l’infection par le VNO est encore une infection en émergence en Amérique du Nord;
  • qu’il est impossible de prédire les conditions climatiques qui prévaudront au Québec en 2004;
  • qu’en raison des incertitudes, nul ne peut prédire l’évolution de la situation au Québec en 2004;
  • que la probabilité que d’autres cas surviennent en 2004 est forte;
  • que l’avènement d’une situation grave ne peut être écarté en 2004;

les membres du groupe de travail sont d’avis qu’il faut poursuivre en 2004 le programme de traitements préventifs mis en place en 2003 au Québec pour diminuer la morbidité, la mortalité et les coûts associés aux infections humaines par le VNO et ce, sans risques ni conséquences négatives pour l’environnement et la santé humaine. 

Il est recommandé, pour la saison 2004 seulement, de poursuivre le programme préventif de réduction du risque de transmission du VNO avec l’application de larvicides dans les zones du Montréal métropolitain, et certaines municipalités de la Montérégie, ayant démontré une activité virale importante au cours des deux dernières saisons. Ce programme devrait inclure le traitement des larves de Culex dès juin. Il est également suggéré de cibler, dans la mesure du possible, celles d’Ochlerotatus dès le début du printemps. La responsabilité reviendra aux directions de santé publique de formuler des recommandations concernant les zones à protéger à partir des critères élaborés.

Compte tenu du caractère imprévisible des conditions climatiques québécoises et de l’activité des moustiques d’une année à l’autre, du peu de recul épidémiologique et des connaissances actuelles en ce qui concerne le VNO au Québec, ces choix ne pourront garantir la non-découverte, durant l’été 2004, d’autres foyers de transmission active ni l’apparition de nouveaux cas humains dans les zones traitées et non traitées du sud du Québec. Toutefois, les traitements préventifs contribueront sans doute à réduire le risque de transmission du VNO dans les zones où ce dernier a été le plus actif au cours des deux dernières saisons. Ils permettront probablement de diminuer le nombre de cas humains au Québec mais ils ne sauront empêcher l’apparition de tous les cas.

Dans la mesure où les contraintes économiques, techniques, légales ou autres doivent aussi être prises en considération et compromettent la réalisation d’une opération de l’envergure de celle recommandée précédemment, les membres du groupe d’experts consultés s’entendent pour dire qu’une priorité doit être accordée au traitement des moustiques du genre Culex. Ces traitements devraient être effectués durant toute la saison du Culex sp., dans tous les gîtes privilégiés par ces vecteurs et accessibles. La priorité accordée au traitement des Culex tient compte des évidences scientifiques concernant ce vecteur. Par contre, des incertitudes persistent sur le rôle des Ochlerotatus sp. dans la transmission du virus et font en sorte que la recommandation de traiter les larves d’Ochlerotatus sp. s’appuie davantage sur la prudence que sur des données probantes.

En ce qui concerne les cas isolés qui sont survenus en 2002 et 2003 et qui surviendront en 2004 dans les zones rurales, il est souhaitable d’investir des ressources afin d’approfondir les enquêtes épidémiologiques et environnementales. Celles-ci permettraient de mieux connaître les facteurs qui favorisent l’apparition de cas dans ces milieux (facteurs de risque, comportements à risque, gîtes, vecteurs, etc.).

Parallèlement à la mise sur pied d’un programme préventif de réduction du risque de transmission du VNO employant des larvicides, il serait pertinent de favoriser le développement des connaissances en ce qui concerne les principaux vecteurs impliqués dans la transmission du virus à l’être humain ainsi que ceux responsables de l’amplification du cycle de transmission. Des renseignements sur le rôle de ces vecteurs, sur leurs gîtes de développement larvaire ainsi que sur le rôle des différentes espèces aviaires permettraient notamment de mieux cibler d’éventuelles interventions. De plus, il faut développer davantage le concept de lutte intégrée notamment en ce qui concerne l’adaptation et l’aménagement durable du territoire habité. Un avis à cet effet est actuellement en préparation. Finalement, il apparaît opportun de favoriser la consultation du public. Ceci pourrait être rendu possible dans le cadre de l’étude d’impact sur l’environnement qui sera réalisée au cours des prochains mois. 

 

Auteur(-trice)s
Louise Lambert
Institut national de santé publique du Québec et Direction de la santé publique de la Montérégie
Linda Pinsonneault
Direction de santé publique de l'Estrie
Onil Samuel
B. Sc., expert et conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (imprimé)
2-550-42755-6
Notice Santécom
Date de publication