Exposition des jeunes à la violence dans les jeux vidéo et les médias sociaux : considérations dans le contexte de la pandémie de la COVID-19

Une synthèse des connaissances réalisée récemment par l’INSPQ s’est intéressée à la contribution de l’utilisation de deux médias populaires chez les jeunes âgés de moins de 18 ans, les médias sociaux et les jeux vidéo à contenu violent, sur la violence interpersonnelle subie (ex. : victimisation en ligne) et commise (ex. : agression physique). Les résultats de cette synthèse des connaissances montrent que l’usage des médias sociaux chez les jeunes est associé à plus d’agressions en ligne, qu’elles soient subies ou commises. Pour ce qui est des jeux vidéo à contenu violent, les constats sont moins clairs. En raison des mesures de confinement mises en place, il est possible que l’utilisation des jeux vidéo et des médias sociaux soit en hausse depuis le début de la pandémie de la COVID-19. L’augmentation du temps consacré à ces plateformes peut exposer les jeunes à un plus grand risque de subir de comportements violents sur Internet (ex. : se faire menacer, se faire intimider). Dans la plupart des recommandations émises par des organismes de santé, l’importance de limiter le temps que les jeunes passent devant les écrans (y compris sur les médias sociaux et les jeux vidéo) est mise de l’avant ainsi que la nécessité de privilégier un contenu de haute qualité.

Dans le contexte actuel de confinement, il peut être difficile pour les parents de limiter le temps d’écran de leurs enfants. L’attention et les efforts des parents pourraient se concentrer sur la nature du contenu consulté et des activités réalisées en ligne. Il existe des ressources pour aider les parents et les jeunes à limiter les risques associés à un usage excessif des jeux vidéo, des médias sociaux ou d’autres activités sur Internet.

Mise en contexte

Les technologies de l’information occupent une place importante dans la société et l’accès croissant aux appareils mobiles permet d’être connecté de façon continue à un contenu médiatique diversifié. Les enfants et les jeunes ne font pas exception à cet usage soutenu.

Au Canada, 96 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans utilisent Internet quotidiennement, possèdent un téléphone intelligent et naviguent sur des plateformes de médias sociaux (Statistique Canada, 2018). Au Québec, une étude réalisée auprès de jeunes de 12 à 25 ans montre que la grande majorité dispose d’un accès à une connexion Internet haute vitesse à la maison et qu’ils sont très actifs sur Internet (CEFRIO, 2017).

Bien que les préoccupations concernant l’exposition des jeunes à la violence dans les médias ne soient pas nouvelles, la progression fulgurante de l’usage des médias sociaux par les jeunes (Pew Research Center, 2018), la multiplication des plateformes d’accès à Internet ainsi que les transformations des modalités pour générer et partager du contenu en ligne suscitent de nouvelles questions sur les risques possibles pour la santé physique et mentale, la sécurité et le développement des jeunes.

En raison de la pandémie de COVID-19, de nombreux pays ont annoncé des mesures de distanciation physique, obligeant une grande partie de la population à rester chez soi pour éviter la propagation du virus (Douglas et al., 2020; Kissler et al., 2020; Milne & Xie, 2020; Wilder-Smith & Freedman, 2020). Les écoles étant fermées, les enfants et adolescents sont eux aussi restés confinés depuis déjà plusieurs semaines (Sun et al., 2020; Viner et al., 2020). La période de confinement ayant augmenté la consommation de divertissements numériques (King et al., 2020), on peut s’attendre à une utilisation accrue d’Internet, dont les médias sociaux, et des jeux vidéo. À titre indicatif, une enquête réalisée par Statistique Canada entre le 29 mars et le 3 avril 2020 montre que 75 % des personnes âgées de 15 à 49 ans passent plus de temps sur Internet et que 35 % des personnes âgées de 15 à 49 ans passent plus de temps à jouer à des jeux vidéo (Statistique Canada, 2020). Dès la mi-avril 2020, l’UNICEF a émis la crainte que plus de temps consacré à ces activités pourrait rendre les jeunes davantage vulnérables aux risques potentiels comme la victimisation en ligne (UNICEF, 2020).

Considérations méthodologiques

À partir des résultats d’une synthèse des connaissances publiée récemment, le présent document rappelle les effets probables de l’utilisation de deux médias populaires chez les jeunes âgés de moins de 18 ans, soit les médias sociaux et les jeux vidéo à contenu violent, sur la violence interpersonnelle subie et commise. Les constats de la synthèse sont ensuite examinés en tenant compte du contexte de pandémie de la COVID-19 et de l’intensification de l’usage des médias sociaux et des jeux vidéo chez les jeunes pouvant découler des mesures de distanciation et de confinement adoptées. La méthodologie détaillée de la synthèse des connaissances est disponible dans la publication complète (https://www.inspq.qc.ca/publications/2658).

Il est important de noter que la synthèse des connaissances à laquelle ce document fait référence n’a pas été réalisée dans un contexte de crise sanitaire comme celui de la pandémie de la COVID-19. En outre, les effets positifs des médias sociaux et des jeux vidéo n’ont pas fait partie des questions étudiées. La section sur les considérations en contexte de confinement s’appuie sur les recommandations analysées dans la synthèse et sur quelques documents repérés à partir d’une veille signalétique sur les impacts psychosociaux de la COVID-19. Ainsi, les constats présentés dans ce document pourraient devoir être révisés selon l’évolution des connaissances scientifiques liées à l’actuelle crise sanitaire.

Effets de l’exposition aux jeux vidéo au contenu violent et aux médias sociaux chez les jeunes

Une synthèse des connaissances réalisée récemment par l’INSPQ s’est intéressée à la contribution de l’utilisation de deux médias populaires chez les jeunes âgés de moins de 18 ans, les médias sociaux et les jeux vidéo à contenu violent, sur la violence interpersonnelle subie (ex. : victimisation en ligne) et commise (ex. : agression physique). Des interventions comportant une composante « médias sociaux » pour prévenir les comportements violents chez les jeunes ont été recensées. Des recommandations d’organismes de santé (santé publique) en matière d’usage de jeux vidéo à contenu violent ou de médias sociaux chez les jeunes ont aussi été repérées.

Au total, 20 études ont été analysées pour le volet sur les jeux vidéo à contenu violent, 18 pour le volet sur les médias sociaux. Six études supplémentaires ont fait l’objet d’analyse pour le volet portant sur les interventions de prévention de la violence dispensées par l’entremise d’une composante « médias sociaux ».

Les résultats de la synthèse des connaissances montrent que :

  • Chez les adolescents, une utilisation accrue des médias sociaux est associée à plus d’agressions subies et commises en ligne. Certaines activités réalisées par le biais des médias sociaux semblent être associées à plus de risque de cybervictimisation que d’autres. Ainsi, le nombre d’amis ou le temps passé sur ces plateformes semble jouer un rôle beaucoup moins important dans la prédiction de la cybervictimisation que des fonctionnalités telles que la communication instantanée (ex. : clavardage), le partage d’informations personnelles ou la publication de photos ou de vidéos.
  • Pour ce qui est des jeux vidéo à contenu violent, les constats sont moins clairs. Plusieurs études rapportent un lien entre l’exposition à des jeux vidéo au contenu violent et les comportements violents chez les jeunes, d’autres arrivent à des résultats plus mitigés. Par ailleurs, une vigilance additionnelle devrait être portée pour tenir compte des dimensions interactives des jeux vidéo (ex. : fonctionnalités de messagerie instantanée à l’intérieur du jeu). Bien que celles-ci n’aient pas été étudiées dans le cadre de cette synthèse, elles devraient quand même être considérées à la lumière des résultats sur les médias sociaux, puisque ces fonctionnalités semblent augmenter le risque de victimisation en ligne.
  • Peu d’études ont évalué les interventions ayant recours aux médias sociaux pour prévenir la violence chez les enfants et les jeunes. Même si certains résultats semblent prometteurs, on en connaît encore peu sur l’efficacité du recours aux médias sociaux comme stratégie de prévention de la violence chez les jeunes. D’autres études évaluatives sont nécessaires.
  • Sans cibler spécifiquement la nature des contenus, les recommandations d’organismes de santé soulignent l’importance de limiter le temps d’écran et de privilégier des contenus de haute qualité.
  • La violence chez les enfants et les jeunes est influencée par de multiples facteurs. Les stratégies visant à prévenir la violence chez les jeunes devraient tenir compte de l’exposition à la violence dans les médias, particulièrement dans l’usage des plateformes de médias sociaux, sans toutefois s’y limiter. D’autres facteurs comme les caractéristiques des jeunes et les milieux dans lesquels ils grandissent doivent aussi être pris en considération.

Considérations en contexte de confinement en raison de la pandémie de la COVID-19

Les jeux vidéo et les médias sociaux constituent des activités très populaires chez les jeunes, lesquels y consacrent généralement plus de temps pendant la fin de semaine que durant les jours de semaine (Katapally et al., 2018). Il apparaît donc plausible qu’en raison des mesures de confinement mises en place, telles que la fermeture des établissements scolaires et la suspension des activités sportives et parascolaires, l’utilisation actuelle de ces plateformes s’apparente aux usages pendant les fins de semaine en contexte normal ou ait augmenté depuis le début de la pandémie de la COVID-19.

L’augmentation du temps consacré aux médias sociaux et aux jeux vidéo peut exposer les jeunes à un plus grand risque de subir de comportements violents sur Internet (ex. : se faire menacer, se faire intimider). Les enfants et les adolescents n’ont pas nécessairement toutes les connaissances et compétences pour se protéger lorsqu’ils sont en ligne, ce qui les rend plus vulnérables au cyberharcèlement et à l’exploitation sexuelle sur Internet. Par ailleurs, la diminution d’interactions sociales directes en raison du confinement peut amener les jeunes à prendre plus de risques lors de leur utilisation des médias sociaux (ex. : en partageant des images à caractère sexuel) (UNICEF, 2020).

Limiter le temps d’écran et privilégier un contenu de qualité

Dans la plupart des recommandations émises par des organismes de santé, l’accent est mis sur l’importance de limiter le temps que les jeunes passent devant les écrans (y compris sur les médias sociaux et les jeux vidéo). Plusieurs recommandations soulignent également la nécessité de privilégier un contenu de haute qualité. En outre, les parents sont souvent appelés à encadrer les usages numériques de leurs enfants, en les accompagnant ou en supervisant ce qu’ils font lorsqu’ils naviguent sur Internet.

Aider les enfants à identifier les risques

Dans le contexte actuel de confinement, il peut être difficile pour les parents de limiter le temps d’écran de leurs enfants. Étant donné que certains parents doivent faire du télétravail, l’accompagnement et la supervision des usages numériques des jeunes peuvent ne pas toujours être possibles.

  • L’attention et les efforts des parents pourraient se concentrer sur la nature du contenu consulté et des activités réalisées en ligne (ex. : en privilégiant des jeux vidéo éducatifs plutôt que des jeux vidéo à contenu violent, en utilisant les dispositifs de contrôle parental pour éviter les contenus inappropriés).
  • Les parents pourraient échanger avec leurs enfants quant à leurs usages numériques et les sensibiliser quant à la sécurité et à la civilité en ligne, afin de les aider à identifier les risques et les dangers des activités sur Internet. Cette sensibilisation devrait être faite en abordant des comportements concrets (ex. : le partage de photos) et adaptés selon l’âge de l’enfant ou du jeune.
  • Lorsque possible, les parents devraient également se familiariser avec les applications ou les contenus numériques avant qu’ils ne soient utilisés par les enfants et les jeunes.

Ressources disponibles

Il existe des ressources pour aider les parents et les jeunes à détecter les pratiques de cyberintimidation et pour prévenir les risques associés à un usage excessif des jeux vidéo, des médias sociaux ou d’autres activités sur Internet :

Pour en savoir plus

Gagné, D., Gonzalez-Sicilia, D., Laforest, J. (2020). Exposition des jeunes à la violence dans les jeux vidéo et les médias sociaux. Synthèse des connaissances. Montréal, Québec : INSPQ. https://www.inspq.qc.ca/publications/2658

Intimidation en ligne chez les jeunes.

Références

Exposition des jeunes à la violence dans les jeux vidéo et les médias sociaux : considérations dans le contexte de la pandémie de la COVID-19
Auteur(-trice)s
Dominique Gagné
conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
COVID-19
Type de publication
Notice Santécom
Date de publication