La prévention de l'hépatite B par l'immunisation au Québec

En octobre 2002, le Comité sur l'immunisation du Québec (CIQ) mandatait un groupe de travail pour réviser le programme de vaccination contre l'hépatite B et étudier la possibilité d'introduire un programme de vaccination universelle contre l'hépatite A. On demandait au Groupe de travail sur les hépatites A et B de produire deux documents décrivant le fardeau des infections à virus de l'hépatite A et l'hépatite B au Québec, les caractéristiques des vaccins, les avantages, le coût, la faisabilité et l'acceptabilité des changements possibles dans les programmes de prévention de ces maladies.

Ce document revoit le programme actuel d'immunisation contre l'hépatite B au Québec ainsi que les données scientifiques publiées depuis le précédent rapport du CIQ en décembre 1991. Le plan qui a été suivi pour la rédaction de ce document est celui suggéré par Erickson et De Wals qui proposent une démarche systématique pour la prise de décision lors de l'instauration de nouveaux programmes ou changements considérables des programmes d'immunisation déjà existants.

On a étudié deux changements possibles au programme de vaccination contre l'hépatite B. Le premier consisterait à introduire la vaccination universelle des nourrissons. Le second serait d'effectuer la vaccination des préadolescents avec deux doses de vaccin au lieu de trois. Des recommandations ont été formulées sur ces deux questions.

Conclusions et recommandations

1. Vaccination des nourrissons

La vaccination universelle des nourrissons contre l'hépatite B est effectuée dans la plupart des pays du monde. Les résultats obtenus pendant les deux dernières décennies ont démontré clairement l'efficacité de la vaccination universelle des nourrissons. Quoique les titres d'anticorps obtenus chez les nourrissons soient plus bas que les titres obtenus chez les adolescents et les adultes, une très bonne protection contre l'hépatite B est assurée pendant plusieurs années après la vaccination.

La vaccination des nourrissons contre l'hépatite B avec un vaccin monovalent au Québec, zone à basse endémicité, est acceptable du point de vue de l'efficacité, mais peut induire des difficultés opérationnelles et logistiques. Le coût de la vaccination augmenterait pendant une période de 10 ans, soit le temps où on vaccinerait simultanément la cohorte des nourrissons et celle des préadolescents. Il existe aussi le risque que l'acceptation de la vaccination soit moins bonne à cause de l'augmentation du nombre d'injections à donner lors d'une même visite.

Deux vaccins hexavalents (Infanrix-hexa, GlaxoSmithKline et Hexavac, Aventis Pasteur MSD) sont homologués et utilisés depuis 2000 dans plusieurs pays et un d'entre eux a été homologué au Canada en 2004. L'homologation des vaccins hexavalents constitue une opportunité d'introduire la vaccination des nourrissons contre l'hépatite B sans augmenter le nombre d'injections ou diminuer l'efficacité du vaccin.

Voici les recommandations du CIQ :

1.1 La vaccination des nourrissons contre l'hépatite B devrait être introduite à condition qu'un vaccin hexavalent soit utilisé.

Les points principaux à l'appui de cette recommandation sont les suivants :

  • Prévenir les cas d'hépatite B chez des jeunes enfants : selon les informations sur les cas d'hépatite B aiguë déclarés entre 1994 et 2003, la vaccination des nourrissons permettrait de prévenir 1,0-2,6 cas aigus déclarés par année, ce qui correspond à 10-26 cas réels compte-tenu du grand nombre de cas asymptomatiques dans ce groupe d'âge. On préviendrait par le fait même entre 3 et 7 cas de porteurs chroniques par année;
  • Faciliter la vaccination des groupes à risque : cela faciliterait considérablement la vaccination des enfants des communautés originaires des zones endémiques dont les parents ont des facteurs de risque tel que mentionné dans la correspondance de plusieurs hôpitaux de Montréal;
  • Faciliter l'intervention dans les centres de petite enfance : la prévention faciliterait grandement la gestion de la problématique dans les centres de petite enfance où on identifie un enfant infecté par le VHB;
  • Suivre les normes canadiennes : la vaccination des nourrissons à l'occasion de l'introduction du vaccin combiné est recommandée par le CCNI dans le dernier Guide canadien d'immunisation et par le CIQ dans son rapport initial en 1991;
  • Suivre les normes internationales : on se conforme aussi aux programmes en vigueur dans la majorité des pays du monde.

1.2 Le programme de dépistage des mères porteuses de l'hépatite B devrait être maintenu.

  • L'intervention faite auprès du nouveau-né d'une mère porteuse du VHB (immunoglobulines, dosage plus élevé de vaccin contre l'hépatite B, calendrier de vaccination différent, suivi de la séroconversion, vaccination des contacts) est différente de ce que serait la vaccination de routine des nourrissons. Il n'est donc pas question de l'interrompre. Cette recommandation pourra être révisée lorsque la proportion de femmes porteuses du VHB aura diminué considérablement au Québec.

1.3 La vaccination devrait commencer en même temps que le début de la vaccination primaire de l'enfant plutôt que dès la naissance, sauf dans les cas où la mère est porteuse de l'hépatite B.

  • L'instauration de la vaccination dès la naissance constituerait un nouveau programme en milieu hospitalier. Cet effort supplémentaire n'est pas justifié puisque la possibilité de transmission à l'enfant qui n'est pas né de mère HBsAg positive avant l'âge de deux mois est faible. La transmission aux jeunes enfants s'effectue surtout de façon horizontale. Cela se produit quand les enfants ont beaucoup de contacts avec des personnes potentiellement infectées. Si la mère est porteuse du VHB, le programme de dépistage de l'hépatite B chez les femmes enceintes permettra de protéger l'enfant dès la naissance. Il y a donc peu d'avantages à instaurer la vaccination à la naissance de tous les enfants. Cette mesure impliquerait par ailleurs des coûts et des efforts importants. Ceci n'exclut pas que la vaccination peut être donnée à la naissance dans des cas particuliers.

1.4 Deux calendriers sont acceptables pour la vaccination des nourrissons à 2, 4 et 6 mois ou 2, 4 et 12-18 mois.

1.5 Quelques études seraient souhaitables pour :

  • Vérifier la durée de la protection, notamment en mesurant la persistance de la réponse immunitaire après quelques années. Cela permettrait de comparer l'évolution de la protection chez les nourrissons avec celle des cohortes vaccinées en 4e année et suivies pendant 15 ans (« bridging study »);
  • Poursuivre l'étude débutée en 1996 et financée par le MSSS qui mesure sur une période de 15 ans la durée de la protection conférée par le vaccin Recombivax aux enfants vaccinés en 4e année. La poursuite de cette étude est justifiée en vertu de ses objectifs spécifiques. Elle est également nécessaire tel que précisé ci-haut pour mieux apprécier la durée de la protection conférée par la vaccination des nourrissons;
  • Documenter les attitudes du public et des vaccinateurs envers la présence de 6 antigènes dans le même vaccin, notamment sur la crainte de «nbsp;l'épuisementnbsp;» du système immunitaire. Alternativement, documenter l'impact de l'introduction d'injections supplémentaires si le vaccin monovalent est utilisé.

2. Vaccination des préadolescents avec deux doses de vaccin

La vaccination avec trois doses de vaccin contre l'hépatite B assure une très bonne protection. Il est cependant possible d'améliorer l'efficience du programme. L'utilisation d'un calendrier à deux doses plutôt que trois doses pédiatriques du vaccin contre l'hépatite B permettrait de diminuer le nombre d'injections que doivent recevoir les enfants. Elle permettrait aussi de réduire sensiblement le travail des infirmières de CLSC, les coûts d'administration du vaccin et la perturbation du milieu scolaire. Un calendrier avec deux doses adultes de Recombivax 10 μg est approuvé au Canada pour les jeunes de 11-15 ans. Une étude a été réalisée au Québec avec deux doses pédiatriques de Recombivax 2,5 μg et de Twinrix Junior 10 μg. On a constaté l'atteinte de taux de séroprotection très élevés mais légèrement inférieurs à ceux qui sont observés avec le calendrier à trois doses.

Voici les recommandations du CIQ :

2.1 Utiliser un calendrier avec deux doses pédiatriques : un calendrier avec deux doses pédiatriques de Recombivax 2,5 μg ou Twinrix Junior 10 μg devrait être utilisé chez les préadolescents de 8-10 ans. Il est sans doute possible d'utiliser également le dosage pédiatrique de Engérix B 10 μg avec un calendrier à deux doses mais il n'y a pas de données disponibles pour ce vaccin. Il est préférable d'utiliser le calendrier à deux doses de Twinrix Junior car les titres d'anticorps obtenus avec deux doses de ce vaccin sont plus élevés que ceux obtenus avec deux doses de Recombivax 2,5 μg et il protège également contre l'hépatite A.

Plusieurs raisons justifient cette recommandation :

  • Contexte épidémiologique favorable : la vaccination universelle ayant commencé en 1994, on constate que la circulation du virus a diminué considérablement dans les groupes vaccinés au point où on n'observe pratiquement aucun cas dans ces cohortes, même chez ceux qui ont refusé la vaccination. La probabilité d'un contact infectant avec un porteur est maintenant très faible pour les nouvelles cohortes qui seront vaccinées en 4e année. Même si le taux de protection conféré par le vaccin passe de 99 % à 95 %, on ne prévoit donc pas de cas supplémentaire;
  • Vérification de la protection : on prévoit un « filet de sécurité » pour ceux qui vont travailler dans des endroits où il y a un risque accru de contracter l'hépatite B (travailleurs de la santé) dans la mesure où on doit de toute façon vérifier s'ils sont bien protégés, quel que soit le nombre de doses qu'ils ont reçu;
  • Niveau d'efficacité vaccinale jugé satisfaisant : Pour l'hépatite B, les calendriers homologués actuellement pour les adultes produisent des taux de séroprotection de l'ordre de 95 % ou moins. On obtient avec un calendrier à deux doses les mêmes résultats chez les préadolescents. Ceci confirme que la deuxième dose donnée à un mois d'intervalle après la première dose n'a qu'une utilité marginale et que deux doses administrées à un intervalle de 6 mois sont hautement immunogènes;
  • Non-vulnérabilité d'une partie des non-répondants : plusieurs des sujets qui n'atteignent pas le seuil considéré protecteur sont néanmoins protégés par une immunité cellulaire qui est présente même en l'absence d'anticorps détectables. Ceci est démontré notamment par le fait qu'ils développent une réponse anamnestique lorsqu'ils reçoivent une dose de rappel. Il y a donc en réalité moins de 5 % des enfants qui ne sont pas protégés par un calendrier à deux doses;
  • Acceptation accrue du vaccin : il est vraisemblable que l'utilisation d'un calendrier à deux doses diminue le pourcentage de ceux qui refusent la vaccination avec trois doses, surtout si on introduit la vaccination contre l'hépatite A simultanément. Le nombre de jeunes protégés dans le cadre du programme pourrait être alors encore plus élevé qu'il ne l'est actuellement;
  • Protection concomitante contre l'hépatite A : l'utilisation de deux doses du vaccin combiné contre l'hépatite A et B permettrait d'offrir la vaccination contre l'hépatite A sans augmenter le nombre d'injections ni les frais d'administration. Cela constituerait un bénéfice concret allant bien au-delà d'une légère perte de protection contre l'hépatite B. Ce point fera l'objet du rapport sur la prévention de l'hépatite A au Québec.

2.2 Quelques études seraient souhaitables pour mieux documenter les implications d'un tel changement :

  • Documenter la persistance de l'immunité avec un calendrier à 2 doses : on pense que la durée de la protection avec deux doses de vaccin contre l'hépatite B sera comparable à celle qui est conférée par un calendrier à trois doses dans la mesure où les taux de séroprotection sont équivalents et que les titres moyens d'anticorps sont aussi élevés qu'après trois doses. Même si le consensus scientifique actuel est qu'un individu qui a atteint le seuil protecteur est protégé à vie, certains émettent l'hypothèse que la mémoire immunitaire ne serait pas aussi forte après deux doses de vaccin qu'après trois doses. Il serait donc souhaitable de documenter la durée de protection en suivant la cohorte des jeunes impliqués dans l'essai clinique effectué en 2000 avec 2 doses de vaccins contre l'hépatite B. L'évolution de leur immunité devrait être comparée à celle des jeunes vaccinés avec trois doses en 1995-1997 et suivis dans l'étude hépatite B long terme (« bridging study »);
  • Comparer les bénéfices et les coûts marginaux de différents programmes comportant 2 doses de différents vaccins à différents dosages en réalisant une étude économique;
  • Poursuivre l'étude débutée en 1996 et financée par le MSSS qui mesure sur une période de 15 ans la durée de la protection conférée par le vaccin Recombivax aux enfants vaccinés en 4e année. La poursuite de cette étude est justifiée en vertu de ses objectifs spécifiques. Elle est également nécessaire tel que précisé ci-haut pour mieux apprécier la durée de la protection conférée par la vaccination avec un calendrier à deux doses;
  • Connaître l'attitude de la population et des vaccinateurs : l'utilisation d'un calendrier produisant un taux de protection légèrement inférieur au taux maximal s'oppose à la notion qu'il est toujours préférable d'offrir l'intervention qui assure le meilleur résultat. Il serait utile de documenter la réaction de la population et des vaccinateurs;
  • Connaître les pratiques professionnelles de surveillance de la protection vaccinale contre l'hépatite B chez les jeunes vaccinés à l'école et qui se dirigent vers un travail susceptible de les mettre en contact avec le VHB : cette démarche vise à s'assurer que les travailleurs à risque sont protégés adéquatement. Elle est d'autant plus importante que la proportion d'échec primaire est plus élevée;
  • Documenter la persistance de la diminution de l'incidence de l'hépatite B : une surveillance épidémiologique étroite devra être maintenue pour vérifier si la vaccination continue à emporter les bénéfices souhaités et identifier si des échecs vaccinaux parviennent. Certaines variables spécifiques aux hépatites virales doivent être ajoutées dans le registre MADO afin d'améliorer la surveillance épidémiologique.
ISBN (imprimé)
2-550-44734-4
Notice Santécom
Date de publication