La ventilation des bâtiments d'habitation : impacts sur la santé respiratoire des occupants

L'air intérieur d'un bâtiment d'habitation peut théoriquement contenir divers types de contaminants auxquels les occupants sont susceptibles d'être exposés. De nombreuses études ont établi des liens entre la présence de contaminants de l'air intérieur et certains problèmes de santé. La réduction de la contamination de l'air intérieur doit idéalement faire l'objet d'une stratégie qui englobe un certain nombre de mesures, le contrôle à la source étant sans aucun doute l'option à envisager en premier lieu. Cependant, cette approche ne peut suffire à elle seule à diminuer l'ensemble des contaminants présents, de sorte qu'il devient nécessaire de se tourner vers des mesures complémentaires, telles que la ventilation des espaces intérieurs.

À l'heure actuelle, l'application de la réglementation sur la ventilation des petits bâtiments d'habitation est très variable sur le territoire québécois, les municipalités bénéficiant du pouvoir d'adopter leur propre règlement de construction. La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) désire adopter une norme uniforme de base pour tous les nouveaux bâtiments, en particulier en ce qui concerne l'installation de systèmes de ventilation mécanique. Cependant, la RBQ se heurte à une certaine réticence du milieu compte tenu des difficultés d'ordre technique, juridique ou socioéconomique que risque d'entraîner l'application d'une telle mesure. De plus, les intervenants du milieu municipal et de l'habitation, de même que les consommateurs, sont en général mal informés des enjeux réels que représente la ventilation pour la qualité de l'air intérieur et la santé des occupants.

Le présent avis vise à éclairer les autorités concernées quant aux mesures à adopter en matière de ventilation des habitations au Québec, sur la base de ses impacts sur la santé respiratoire des occupants. Pour ce faire, nous avons révisé les principaux aspects techniques et réglementaires relatifs à la ventilation des bâtiments d'habitation et analysé la littérature scientifique qui porte sur les liens direct et indirect entre la ventilation et la santé respiratoire des occupants. Par la suite, nous faisons état de notre réflexion sur la qualité de la preuve scientifique, sur l'applicabilité des résultats au Québec, sur l'application et la détermination d'un taux de ventilation minimal et finalement, sur les facteurs susceptibles d'influencer l'efficacité de la ventilation.

Principaux aspects techniques relatifs à la ventilation des bâtiments d'habitation

La ventilation est le processus par lequel l'air intérieur est renouvelé par admission d'air neuf et par évacuation d'air vicié, à l'aide de moyens naturels ou mécaniques, dans le but d'assurer le confort des occupants. Les besoins en ventilation d'un bâtiment d'habitation donné sont conditionnés par de multiples facteurs, susceptibles de varier d'une habitation à l'autre. Les différences de température entre l'intérieur et l'extérieur, le vent et les appareils qui évacuent ou introduisent de l'air sont autant de facteurs susceptibles d'influer sur la pression d'air d'une habitation, phénomène associé aux déplacements d'air à l'intérieur. Par ailleurs, les améliorations apportées aux méthodes de construction récentes des habitations les ont rendues plus étanches à l'air. De même, un nombre grandissant de maisons existantes a fait l'objet d'améliorations au niveau de l'isolation, d'installation de fenêtres et de portes à haut rendement énergétique, etc. Dans bon nombre de ces maisons, l'infiltration d'air par les portes et les fenêtres, ainsi que par les orifices de l'enveloppe, ne suffisent généralement plus à assurer une ventilation suffisante et uniformément distribuée dans les pièces habitables de la maison. L'apport de la ventilation mécanique devient alors une mesure complémentaire envisageable, particulièrement en période de chauffe. Il existe trois grands types de ventilation mécanique, soit à simple extraction, à simple alimentation et équilibrée. Dans les immeubles à logement, les installations typiques sont généralement des systèmes d'alimentation en air des corridors jumelés à des ventilateurs d'extraction dans les logements. Le ventilateur récupérateur de chaleur (ou VRC), qui procure une ventilation équilibrée tout en récupérant la chaleur, est le système auquel les experts réfèrent actuellement et qui est souvent recommandé dans les normes. Le bon fonctionnement d'un système de ventilation et par conséquent, son efficacité à distribuer les débits d'air recherchés, sont tributaires de la conception et de la sélection du type de système, de son installation (incluant la localisation et l'équilibrage), de son entretien et de son utilisation.

Réglementation applicable à la ventilation des bâtiments d'habitation

Les taux de ventilation requis pour les bâtiments d'habitation sont prescrits par des normes dont la gestion s'effectue à différentes échelles et de façon variable. Les normes ASHRAE Ventilation for Acceptable Indoor Air Quality sont les plus connues et font office de code modèle à travers le monde. Dans la plupart des pays, le taux de ventilation requis dans l'habitation se situe entre 0,3 et 0,5 renouvellement d'air à l'heure (rah), ce dernier taux étant entre autres prescrit dans les pays scandinaves. Depuis le début des années 1980, on assiste en Amérique du Nord à une tendance à la baisse des normes de ventilation, due vraisemblablement à des préoccupations d'économie d'énergie. Au Canada, les exigences concernant la ventilation se retrouvent dans le Code national du bâtiment (CNB) aux sections 6 Chauffage, ventilation et conditionnement d'air et 9 Maisons et petits bâtiments. Le CNB fait office de code de bâtiment modèle n'ayant force de loi que lorsqu'il est adopté par une province, un territoire ou une municipalité. Dans la version 1995 de ce code (version à laquelle se réfère actuellement la réglementation québécoise), le taux de ventilation nécessaire pour une installation individuelle ou autonome est calculé en fonction du nombre et du type de pièces, et équivaut à environ 0,3 rah. Au Québec, c'est au premier chapitre du Code de construction du Québec que se retrouvent ces exigences, chapitre essentiellement constitué du CNB et de certaines modifications destinées à en faciliter l'application et à l'adapter aux besoins spécifiques du Québec. Certains bâtiments, tels les petits bâtiments de type unifamilial, ne sont pour l'instant pas assujettis à ce chapitre du Code de construction du Québec et, de ce fait, sont généralement sous juridiction des municipalités. Cependant, la réglementation adoptée par les municipalités à cet égard est très variable, certaines ayant adopté des versions antérieures des codes, modifiées ou non, d'autres n'ayant même adopté aucun code de construction. Cet état de fait entraîne une diversité réglementaire en matière de ventilation des petits bâtiments d'habitation.

Effets de la ventilation des bâtiments d'habitation sur la santé respiratoire des occupants

Les normes de ventilation actuelles ne sont pas basées sur la prévention des problèmes de santé mais plutôt sur la prévention de problèmes d'inconfort relié aux odeurs (bioeffluents). Au cours des 20 dernières années, plusieurs études ont été réalisées à travers le monde, pour évaluer les effets de la ventilation sur la santé. Les principaux problèmes étudiés sont les symptômes respiratoires et d'allergie aigus, dont l'asthme en particulier. Les chercheurs ont étudié, dans certains cas, le lien direct entre la ventilation et la santé respiratoire et, dans d'autres cas, les liens indirects reliés à l'influence de la ventilation sur trois principaux groupes de contaminants intérieurs, soit les acariens, les moisissures et les composés organiques volatils (COV), et plus particulièrement le formaldéhyde. Pour mesurer l'association entre la ventilation et la santé respiratoire, les chercheurs ont comparé la fréquence des symptômes en fonction de la présence de ventilation mécanique ou de ventilation naturelle et/ou en fonction du taux de ventilation mesuré en renouvellement d'air à l'heure (rah). Plusieurs études ont été réalisées dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux sur le lien entre la ventilation et le syndrome de l'édifice hermétique (SEH), lequel inclut des symptômes reliés à l'irritation des voies respiratoires supérieures. Aussi, afin de prendre en considération toute l'information disponible, nous avons également révisé les connaissances les plus récentes à ce sujet. Nous avons identifié l'ensemble des publications scientifiques en rapport avec la ventilation et la santé respiratoire, en particulier les symptômes d'asthme, répertoriées dans les banques électroniques MEDLINE et EMBASE, en plus du répertoire de la Library Cochrane et de divers centres documentaires. Après révision et analyse, nous avons retenu 75 études dans les bâtiments d'habitation publiées au cours des dix dernières années. Nous avons aussi analysé 13 études dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux. En nous basant sur l'approche méthodologique développée par le «nbsp;Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifsnbsp;», nous avons classé et analysé les études selon la hiérarchie des études basée sur la force de la preuve: essai randomisé, essai non-randomisé, cohorte, cas-témoins, descriptive, revue et avis d'experts.

Le lien direct entre la ventilation et la santé respiratoire

Le bilan concernant le lien direct entre la ventilation et la santé porte sur 13 études réalisées dans des habitations. La répartition de ces études est la suivante : 3 études d'intervention, 6 études cohorte/cas-témoins, 3 études descriptives et 1 revue. Dix (10) de ces études ont été réalisées en Scandinavie. Douze (12) études ont apporté des résultats concluants, dont 8 ont montré des effets significatifs et 4, l'absence d'effet. Plusieurs études de qualité suggèrent un lien direct entre la ventilation et une amélioration de la santé respiratoire, chez les asthmatiques et dans la population en général. Chez des asthmatiques adultes, Harving et al (1994a) ont montré dans une étude quasi-expérimentale que la ventilation mécanique avait un impact positif durable significatif sur le VEMS, le débit de pointe, le niveau d'anticorps, les symptômes et la consommation de médicaments. L'étude d'intervention réalisée par Leech et al (2004), au Canada, a montré une amélioration statistiquement significative des symptômes respiratoires reliée à l'installation de la ventilation mécanique dans les maisons R-2000, dans la population en général. L'étude quasi-expérimentale réalisée par Engvall et al (2005) chez des adultes en bonne santé, bien qu'elle ait mis en évidence un impact positif du taux de ventilation sur la perception des odeurs et de la qualité de l'air intérieur, n'a pas montré d'effets sur les symptômes respiratoires. Soulignons que les symptômes étaient mesurés à l'aide d'un questionnaire sur le SEH et non pas à l'aide d'un questionnaire respiratoire standardisé. Les études de cohorte/cas-témoins montrent que la présence de ventilation mécanique diminue le risque de symptômes de 8 à 72 % chez les occupants. La présence de la ventilation naturelle est associée dans une étude à un risque de sibilances trois fois plus élevé. Enfin, une étude a montré qu'un taux de ventilation inférieur à 0,5 rah, conjointement à une humidité excessive, était associé à un risque de bronchite près de 10 fois plus élevé chez les occupants. L'étude récente de Bornehag et al (2005) a mis en évidence une association statistiquement significative entre le taux de ventilation et des symptômes reliés à l'asthme et à l'allergie chez les enfants.

Les liens indirects entre la ventilation et la santé respiratoire

Association avec les acariens

Notre analyse porte sur 27 études (4 acariens/santé; 23 ventilation/acariens) concernant les associations indirectes ventilation/humidité/acariens / santé respiratoire. Parmi ces études, on retrouve 10 études d'intervention dont 1 randomisée, 2 études de types cohorte/cas-témoins, 8 études descriptives et 7 revues. Sept (7) études ont été réalisées en Scandinavie, 5 en Grande-Bretagne (uniquement des études d'intervention) et 5 en Amérique du Nord. Vingt-deux (22) études sont concluantes. Trois (3) études sont négatives dont 2 études d'intervention. Globalement, ces études, qui ont été l'objet de plusieurs revues, font ressortir une association entre l'exposition aux acariens en milieu domestique et la sensibilisation aux allergènes d'acariens, le « développement » de l'asthme chez l'enfant ainsi que l'exacerbation de l'asthme chez les personnes sensibilisées. En se basant sur les critères de Bradford-Hill, l'IOM a conclu qu'il s'agissait d'une association causale. Signalons par ailleurs que certains chercheurs comme Pearce et al (2000), sont d'avis que compte tenu de l'incertitude entourant le diagnostic d'asthme chez les jeunes enfants, l'association avec le développement de l'asthme est moins certaine. Ces auteurs ne remettent cependant pas en question l'association de l'exposition aux acariens avec une fréquence accrue de symptômes respiratoires chez les enfants et l'exacerbation de l'asthme chez les personnes sensibilisées.

Plusieurs études d'intervention ont été réalisées afin d'évaluer la capacité de la ventilation mécanique à réduire le niveau d'humidité à l'intérieur, le nombre d'acariens et la concentration d'allergènes dans la poussière de même que, dans certains cas, la fréquence de symptômes respiratoires. Les résultats de plusieurs études réalisées en Scandinavie ont montré un impact positif de la ventilation sur les trois paramètres environnementaux dont l'une d'entre elles incluait une amélioration des symptômes respiratoires. Les études d'intervention réalisées ailleurs dans le monde (Grande-Bretagne, Australie, Amérique) sont en général négatives en ce qui concerne l'impact sur la santé respiratoire des occupants. Toutefois, plusieurs d'entre elles indiquent que la ventilation réduit l'humidité à l'intérieur. Quelques-unes montrent aussi une réduction des acariens et des allergènes, dont les études en Amérique du nord portant sur l'air conditionné. En général, les résultats des études réalisées ailleurs qu'en Scandinavie montrent un impact plus mitigé, pouvant possiblement s'expliquer par les différences climatiques et le faible nombre d'études entreprises. Korsgaard (1998b) insiste sur l'importance cruciale de la ventilation des habitations pour contrôler la prolifération des acariens en se basant principalement sur les trois études scandinaves de Munir et al (1995), Harving et al (1993) et Sundell et al (1995). Le chercheur recommande de maintenir l'humidité présente à l'intérieur au-dessous de 7 g/kg ou de 45 % pendant quelques mois de l'hiver. Une formule mathématique permet de déterminer le taux minimal de changement d'air à l'heure selon la région géographique, en tenant compte de l'humidité extérieure durant l'hiver, de la surface du logement et du nombre de personnes dans l'habitation (Korsgaard, 1998a).

Association avec les moisissures

Nous avons analysé 19 études portant sur les associations ventilation/humidité/moisissures/santé respiratoire. Nous n'avons trouvé aucune étude d'intervention. Les études sont regroupées de la façon suivante : 4 études de type cohortes/cas-témoins, 10 études descriptives et 5 revues. Sept (7) études sont non-concluantes. Parmi les 12 autres études, 11 ont montré des effets significatifs, caractérisés principalement par une association de l'exposition à une fréquence plus élevée de symptômes reliés à l'asthme chez les enfants. Deux nouvelles études de cohorte chez des enfants publiées récemment ont mis en évidence une association statistiquement significative entre l'exposition aux moisissures et un excès de risque de «nbsp;développernbsp;» de l'asthme et de présenter des symptômes respiratoires, particulièrement si les parents sont atopiques. Une étude descriptive réalisée chez des asthmatiques adultes a montré une augmentation des symptômes associée à l'exposition aux moisissures. Pour ce qui est de l'impact de la ventilation sur la concentration de moisissures en milieu intérieur, les seules études publiées sont des études descriptives. Les résultats de ces dernières suggèrent que le manque de ventilation (dans ce cas-ci, ventilation naturelle par les fenêtres) a tendance à entraîner une augmentation de la concentration de spores dans l'air.

Association avec les composés organiques volatils (COV)

Les études portant sur l'association entre l'exposition résidentielle aux COV et la santé respiratoire sont peu nombreuses. Nous avons analysé 16 études réparties de la façon suivante : 4 études d'intervention, 4 études de cohortes/cas-témoins, 4 études descriptives et 4 revues. Cinq (5) des 16 études ne sont pas concluantes. Huit (8) des 11 études restantes ont montré des effets statistiquement significatifs caractérisés par une augmentation de la fréquence des symptômes d'asthme chez les enfants exposés aux COV et des symptômes respiratoires chez les adultes sains. La revue de Dales et Raizenne, publiée en 2004, a répertorié une douzaine d'études auxquelles se sont ajoutées 2 études cas-témoins plus récentes. Alors que les études plus anciennes font appel à une mesure de l'exposition basée principalement sur un questionnaire et l'observation des lieux pour identifier la présence de sources d'émission (papier peint, tapis, etc.), les études de Rumchev et al (2004) et de Venn et al (2003) font appel à des mesures des concentrations de COV dans l'air. Ces deux études ont montré une association statistiquement significative entre l'exposition aux COV et un excès de symptômes respiratoires.

En ce qui concerne l'influence de la ventilation sur les concentrations de COV à l'intérieur, les travaux de Sherman et Hodgson, en 2004, et d'un Comité de l'Institute of Medicine, en 2000, permettent d'estimer à partir de modèles mathématiques l'impact prévisible sur la qualité de l'air et la santé respiratoire. Ces modèles permettent d'estimer l'influence de la ventilation sur les concentrations de certains types de contaminants, qui dépend en grande partie de la taille des particules. Ainsi, le taux de ventilation a peu d'impact sur les concentrations de grosses particules, comme celles associées aux acariens, aux blattes et les spores. Par contre, le changement de taux de ventilation a un impact majeur sur les concentrations des petites particules comme, par exemple, celles retrouvées dans la fumée de tabac et les allergènes de chat. En effet, les concentrations de ces types de contaminants peuvent augmenter de façon très importante si le taux de ventilation est inférieur à 0,25 rah, par exemple. Le taux de ventilation a peu d'influence sur les concentrations de contaminants gazeux, particulièrement s'ils sont moins volatils. En somme, les résultats des études suggèrent que le taux de ventilation influence surtout l'exposition à la fumée de tabac, aux allergènes de chat, aux bioaérosols infectieux et à certains COV.

Études réalisées dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux

Les résultats des études sur la ventilation obtenus dans des écoles et des édifices à bureaux nous sont apparus pertinents notamment en ce qui a trait aux comparaisons entre la ventilation naturelle et la ventilation mécanique, ainsi qu'aux taux de ventilation. Cependant, à la différence des bâtiments d'habitation, ces milieux sont généralement dotés d'un système plus complexe, combinant le chauffage, la ventilation et le conditionnement de l'air. La comparaison des résultats des études réalisées dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux avec ceux des études réalisées dans les habitations doit donc être faite avec prudence compte tenu des différences au niveau des composantes de ces systèmes. De plus, les études réalisées dans les milieux de travail ne portent pas de façon spécifique sur les symptômes respiratoires et l'asthme.

Globalement, en ce qui concerne les bâtiments publics et les édifices à bureaux, nous avons répertorié et analysé 13 études portant sur la ventilation et le syndrome de l'édifice hermétique (SEH). Les études sont réparties de façon suivante : 3 études d'intervention, 3 études descriptives et 7 revues. La plupart de ces études ont été réalisées en Scandinavie et en Amérique du Nord. Parmi les 11 études concluantes, 9 ont montré des effets statistiquement significatifs associés à la ventilation mécanique. Dans ces bâtiments, les résultats démontrent que le risque de symptômes reliés au SEH augmente de 3 à 6 fois en présence de ventilation mécanique en comparaison avec la ventilation naturelle. Soulignons toutefois que les études de Mendell et al (1996) et Seppänen et Fisk (2004) ont montré que le risque de problèmes respiratoires est sensiblement plus élevé dans les édifices pouvus d'un système combinant le chauffage, la ventilation et le conditionnement de l'air (CVCA), l'hypothèse avancée étant le risque de contamination biologique plus élevé dans ce type de système. Par ailleurs, les résultats des études montrent que l'augmentation du taux de ventilation diminue de façon significative la fréquence de ces symptômes (de 20 % à 40 %) et des absences-maladies (50 %).

Mesures préventives selon la force de la preuve

Nous avons utilisé les critères développés pour les recommandations du «nbsp;Groupe canadien sur l'examen médical périodiquenbsp;» pour identifier les mesures préventives reliées à la ventilation, les impacts prévus, le degré de preuve concernant ces impacts et les recommandations appropriées selon le poids relatif des études. La classification des niveaux de preuve et des niveaux de recommandations, soit A (good ou fort), B (fair ou modéré) et C (weak ou faible), fournit des assises pour les recommandations applicables à la ventilation des bâtiments d'habitation.

Nous avons identifié deux mesures préventives sur lesquelles peuvent porter les recommandations pour les bâtiments d'habitation : l'installation ou non d'un système de ventilation mécanique et la détermination d'un taux de ventilation minimal. Nous avons aussi identifié les impacts directs et indirects de ces deux mesures, prévus selon la littérature scientifique. Les niveaux de recommandations sont basés sur le type d'études publiées. En ce qui concerne la ventilation mécanique dans les bâtiments d'habitation, la preuve d'un effet bénéfique sur la santé respiratoire, qu'elle soit directe ou indirecte par le biais des acariens, est modérée et permet de supporter une recommandation de catégorie B. En ce qui concerne les moisissures et les COV, la preuve est modérée pour ce qui est du lien entre l'exposition et les problèmes respiratoires chez les occupants. Cependant, le degré de preuve sur le lien entre la ventilation et la diminution de l'exposition à ces contaminants dans les bâtiments d'habitation est faible, ce qui ne permet pas de supporter une recommandation concernant la ventilation mécanique. En ce qui concerne la détermination d'un taux de ventilation minimal, il existe une preuve directe et indirecte modérée à l'effet qu'un taux de 0,5 rah diminue la fréquence des symptômes respiratoires, ce qui permet de supporter une recommandation de niveau B. Toutefois, les données sont insuffisantes pour exclure l'existence possible d'un seuil à un taux inférieur à 0,5.

Discussion

Qualité des études

Plusieurs études ont été réalisées afin d'évaluer, soit directement soit indirectement, les liens entre la ventilation dans les bâtiments d'habitation et la santé respiratoire des occupants, en particulier les symptômes d'asthme chez les enfants. En ce qui concerne les études d'intervention, très peu d'études randomisées sont disponibles. Par contre, sept études d'intervention (soit 2 directes et 5 indirectes) mais bien contrôlées ont mis en évidence un impact bénéfique de la ventilation sur l'humidité et les acariens dans l'habitation et la sensibilisation aux allergènes et les symptômes respiratoires chez les occupants. Plusieurs études de cohorte et de cas-témoins supportent ces évidences scientifiques, dont les plus récentes. Cependant, certaines limites demeurent, en particulier le peu d'études réalisées dans les populations non scandinaves. Bien que certaines études réalisées en Grande-Bretagne, en Australie et en Amérique du nord aient montré une réduction de l'humidité, des acariens et des allergènes, l'extrapolation des résultats à l'extérieur de la Scandinavie doit être effectuée avec prudence. De plus, même si l'association entre l'exposition aux contaminants aéroportés et une fréquence plus élevée de symptômes respiratoires chez les jeunes enfants est en général reconnue, il demeure difficile de statuer sur l'association de cette exposition avec le développement de l'asthme, compte tenu de l'incertitude entourant le diagnostic de cette affection chez les enfants. Dans plusieurs études, en particulier les plus anciennes, la mesure de l'exposition aux moisissures et aux COV repose sur un questionnaire ou des instruments qualitatifs et non pas quantitatifs. La mesure de l'exposition aux acariens est en général beaucoup plus objective : acariens/g, allergènes/g, concentrations d'anticorps dans le sang, Prick test. Une limite commune des différentes études sur la ventilation et la santé est l'absence de prise en compte de la variable «nbsp;entretiennbsp;» du système, qui pourrait notamment avoir comme impact de sous-estimer l'effet bénéfique potentiel d'une ventilation effectuée dans des conditions optimales. Certains groupes d'experts internationaux sont aussi d'avis qu'il existe une preuve scientifique suggérant un lien entre la ventilation et la santé respiratoire des occupants. Les recherches futures dans le domaine de la ventilation devraient porter dans la mesure du possible sur des essais randomisés même si de tels essais ne sont pas réalisés couramment dans le domaine de la santé environnementale.

Applicabilité des résultats au Québec

Nous disposons de très peu de données en ce qui concerne les impacts de la ventilation dans les habitations québécoises. Il existe probablement diverses façons d'évaluer l'applicabilité des résultats obtenus par les études réalisées à travers le monde à la situation prévalant au Québec. Toutefois, dans le présent contexte, le climat semble jouer un rôle important sur l'efficacité de la ventilation naturelle ou mécanique en faisant varier (à la hausse comme à la baisse) le niveau d'humidité à l'intérieur ainsi qu'en influençant de façon indirecte l'exposition aux contaminants aéroportés. Les études d'intervention réalisées au Danemark, en Suède et en Norvège ont fait ressortir que la ventilation mécanique avait un impact statistiquement significatif sur la réduction de l'humidité, des acariens, des allergènes et même des problèmes de santé respiratoire. Certaines études réalisées en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande ont aussi montré une réduction statistiquement significative de certains paramètres environnementaux dont l'humidité et les acariens, mais sans réduction évidente des problèmes respiratoires. En se basant sur les normales climatiques mensuelles calculées sur 30 ans fournies par Environnement Canada et l'Organisation météorologique mondiale, le climat des villes de Québec et de Montréal, par exemple, s'apparente à celui des villes situées au centre de la Suède. Les hivers y sont particulièrement froids et secs. Compte tenu de cette similitude des conditions climatiques, il est vraisemblable que l'on puisse atteindre au Québec, avec un taux de ventilation comparable, les mêmes réductions d'humidité à l'intérieur des habitations que celles observées en Scandinavie. Cette variation de l'humidité à l'intérieur pourrait également être influencée par les caractéristiques de l'habitation et les comportements des occupants. Cependant, de façon générale, rien n'indique que ces caractéristiques puissent différer de façon notable de celles prévalant au Québec. Dans ce contexte, afin de vérifier les similitudes à cet égard, il apparaît nécessaire d'évaluer ces paramètres par des études appropriées dans les habitations québécoises.

Taux de ventilation minimal

Au cours des vingt dernières années, une tendance à la baisse du taux de ventilation minimal requis a été observée en Amérique du Nord, due vraisemblablement aux préoccupations d'économie d'énergie. De faibles taux de ventilation sont toutefois susceptibles d'entraîner des problèmes de faisabilité technique, notamment parce qu'ils rendent difficiles l'équilibrage du système, ainsi que la distribution de l'air neuf et son mélange avec l'air ambiant. Par ailleurs, les résultats de certaines études épidémiologiques font ressortir divers effets sur la santé respiratoire lorsque le taux de ventilation est inférieur à 0,5 rah. Cependant, le fait que les chercheurs n'aient examiné les impacts possibles qu'en fonction de ce taux ne permet pas d'exclure la possibilité d'obtenir un seuil se situant à un taux différent. Quoi qu'il en soit, plusieurs experts internationaux sont d'avis qu'un taux de ventilation minimal s'approchant de 0,5 rah est indiqué dans les pays au climat froid. Comme nous l'avons constaté, il y a absence de données en ce qui concerne l'impact sur les contaminants aéroportés et la santé respiratoire des taux de ventilation se situant en-deça de 0,5 rah. L'obtention de données québécoises sur cet aspect nous apparaît donc souhaitable.

Facteurs susceptibles d'influencer l'efficacité de la ventilation

Les données disponibles nous incitent à croire que, compte tenu du caractère aléatoire et difficilement contrôlable de la ventilation naturelle, il est préférable, pour obtenir des débits d'air acceptables en toute période de l'année, de considérer la ventilation mécanique en combinaison avec la ventilation naturelle. Dans les immeubles à logements, il semble souhaitable d'envisager des installations de ventilation se rapprochant de celles utilisées pour les habitations individuelles, incluant le contrôle individuel des appareils. Comme tout autre type d'installation motorisée, le système de ventilation mécanique est soumis à un certain nombre de contraintes techniques qui doivent être considérées afin d'optimiser son efficacité et d'éviter la survenue de conséquences négatives. Il ne suffit donc pas uniquement de concevoir et de rendre disponible des systèmes de ventilation d'une capacité donnée mais de s'assurer que ces systèmes soient en mesure de fournir un air de qualité. Il faut donc penser, en plus de la conception et de la sélection du système (incluant, au besoin, la filtration), à son installation (incluant la localisation et l'équilibrage de l'appareil), à l'entretien préventif ainsi qu'à son utilisation. Comme le suggèrent les résultats des études affectuées dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux, chacun de ces aspects, lorsque effectué de façon inappropriée, peut avoir des conséquences négatives sur le rendement attendu. Bien qu'ils portent principalement sur le syndrome de l'édifice hermétique, les résultats des études réalisées dans les bâtiments publics et les édifices à bureaux militent en faveur du maintien de la ventilation naturelle ainsi que, dans le cas où la ventilation mécanique est présente, d'un taux de ventilation optimal et d'un entretien adéquat du système. Ainsi, sur la base de notre réflexion, il appert que l'adoption de mesures assurant une efficacité optimale pourrait avoir pour effet d'augmenter les impacts positifs observés dans les études épidémiologiques. Ceci va dans le sens d'une sensibilisation accrue du milieu de l'habitation (constructeurs, entrepreneurs, fabricants, etc.) ainsi que du public à l'importance des aspects techniques à considérer pour l'obtention d'une qualité d'air intérieur optimale.

Conclusion

Nous avons réalisé une revue systématique de la littérature traitant des effets de la ventilation des bâtiments d'habitation sur la santé respiratoire des occupants, dans le but d'émettre des recommandations de santé publique sur la ventilation des nouvelles habitations. Un modèle conceptuel explicatif pour l'identification et l'analyse des études pertinentes a été développé sur la base de l'histoire naturelle des allergies et des symptômes respiratoires. Nous avons examiné les études sur les liens directs de même que celles sur les liens indirects, associées à trois groupes de contaminants de l'air intérieur, soit les acariens, les moisissures et les composés organiques volatils (COVs). Soixante-quinze (75) études ont rencontré nos critères d'inclusion. Les études ont été classées selon la qualité de la preuve : études d'intervention randomisées, études d'intervention non randomisées, études de cohorte et cas-témoins, études descriptives et opinions d'experts. Les mesures préventives pertinentes ont été classées par catégorie selon le niveau approprié de la recommandation (forte, modérée et faible).

Les études dans les bâtiments d'habitation qui examinent le lien direct avec la ventilation mécanique font ressortir une tendance à une diminution de la fréquence des symptômes respiratoires et d'allergie chez les enfants. En général, les études sur les acariens soutiennent un lien entre la ventilation mécanique et une diminution à l'intérieur de l'humidité, des acariens et des niveaux d'allergène, de même qu'une diminution de la sensibilisation et des symptômes respiratoires chez les individus sensibilisés et les enfants. La plupart des études indirectes ventilation/acariens/asthme proviennent des pays scandinaves. Les études réalisées dans d'autres pays ont montré une diminution de l'humidité à l'intérieur, des niveaux d'acariens et d'allergènes, mais sans diminution de la fréquence des symptômes respiratoires. Compte tenu de l'impact de l'humidité sur la présence des contaminants biologiques de l'air intérieur, le climat pourrait jouer un rôle important. Globalement, la littérature supporte un lien entre l'exposition aux moisissures et aux COVs, et une fréquence plus élevée de symptômes respiratoires chez les enfants. Cependant, l'impact de la ventilation sur les concentrations intérieures de moisissures et de COVs est très peu documenté. L'installation de la ventilation mécanique et l'application d'un taux de ventilation approprié dans les nouveaux bâtiments d'habitation apparaissent comme des mesures préventives à recommander sur la base d'une preuve modérée. La présente revue suggère aussi un lien avec les effets à la santé se situant entre 0,3 et 0,5 changement d'air à l'heure. Cependant, il subsiste des lacunes importantes quant à la connaissance des impacts de la ventilation sur des symptômes d'asthme dans les pays autres que Scandinaves.

Recommandations

La réalisation du présent avis a permis de dégager un certain nombre de constats et de recommandations. Ces dernières, qui ont été formulées à partir de l'analyse des résultats des études épidémiologiques, des aspects d'ordre technique ainsi que du contexte réglementaire actuel, concernent la pertinence de la ventilation mécanique dans l'habitation québécoise, le taux de ventilation minimal requis, les mesures entourant l'installation de ventilation, la sensibilisation du public et l'acquisition de données québécoises.

Ainsi, le groupe de travail recommande,

En ce qui concerne la pertinence de la ventilation mécanique dans l'habitation québécoise :

  1. que des mesures appropriées soient prises pour que les nouveaux bâtiments d'habitation construits au Québec, de même que ceux faisant l'objet de rénovations majeures entraînant une étanchéité accrue de l'enveloppe, soient dotés d'un système de ventilation mécanique installé selon les règles de bonne pratique, complémentaire à la ventilation naturelle, capable d'assurer une ventilation suffisante des espaces habitables, en toute période de l'année;
  2. que des mesures appropriées soient prises pour que l'installation de ventilation des nouveaux immeubles à logements permette de ventiler chacune des unités d'habitation à un taux similaire à celui prescrit pour les habitations individuelles, et que les mesures nécessaires soient également prises pour s'assurer de l'entretien adéquat de cette installation.

En ce qui concerne le taux de ventilation minimal requis :

  1. que la pertinence et la faisabilité de revoir le taux de ventilation minimal actuellement prescrit soient évaluées d'un point de vue de santé publique. À cette fin, une conférence de consensus regroupant des experts d'organismes de recherche et de réglementation pourrait être organisée.

En ce qui concerne les mesures visant l'efficacité de la ventilation :

  1. que soit élaboré un guide de bonnes pratiques portant sur les aspects techniques reliés à l'efficacité de la ventilation mécanique (conception, sélection, installation, modes d'opération, entretien, etc.);
  2. qu'un programme de formation, basé sur le guide de bonnes pratiques, soit offert aux entrepreneurs spécialisés en ventilation ainsi qu'auprès de toute autre clientèle concernée du milieu de la construction-rénovation;
  3. qu'une campagne de sensibilisation et d'information soit réalisée auprès du grand public afin de promouvoir l'importance d'une stratégie intégrée d'assainissement de l'air (contrôle des émissions de contaminants à la source, ventilation adéquate des espaces habitables, ressources ou programmes disponibles, entretien et utilisation adéquats du système de ventilation, etc.) pour l'obtention d'une bonne qualité de l'air intérieur.

En ce qui concerne l'acquisition de données québécoises :

  1. qu'une enquête scientifique soit réalisée sur un échantillon représentatif d'habitations québécoises afin d'évaluer la qualité de l'air intérieur ainsi que la santé respiratoire des occupants en lien avec la ventilation des espaces habitables et les paramètres qui en conditionnent l'efficacité;
  2. qu'une étude d'expérimentation à deux volets soit réalisée, visant à :
    1. comparer les impacts de différentes stratégies de ventilation sur la variation des niveaux de certains contaminants de l'air (humidité, acariens, allergènes, etc.) et de la fréquence des symptômes respiratoires chez les occupants;
    2. comparer les impacts de différents taux de renouvellement d'air, en particulier ceux variant entre 0,3 et 0,5 rah, sur la variation des niveaux de certains contaminants de l'air (humidité, acariens, allergènes, etc.) et de la fréquence des symptômes respiratoires chez les occupants.
Note(s)

Un résumé est également disponible.

Auteur(-trice)s
Pierre Lajoie
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Marion Schnebelen
Institut national de santé publique du Québec et Ministère de la Santé et des Services sociaux
Type de publication
ISBN (électronique)
2-550-47399-X
ISBN (imprimé)
2-550-47398-1
Notice Santécom
Date de publication