Consensus sur l'évaluation et la gestion des risques associés à l'exposition aux champs électrique et magnétique provenant des lignes électriques

Face à la résurgence de débats quant aux risques potentiels liés aux champs électromagnétiques émis par les lignes à haute tension, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a mis sur pied un groupe de travail provincial afin d’établir un consensus sur le sujet. Le mandat du groupe était de mettre à jour l’information scientifique sur les risques associés aux champs électromagnétiques émis par les lignes à haute tension; tirer une conclusion sur ces risques en fonction de l’état actuel des connaissances scientifiques; décider de la pertinence de recommander des niveaux-limites d’exposition aux champs électromagnétiques d’extrêmes basses fréquences, générés par les lignes à haute tension, en tenant compte des autres sources d’émission de ces types de champs; préciser les scénarios de gestion prudente qui devraient faire l’objet d’une évaluation approfondie.

Pour remplir ce mandat, le groupe de travail a revu les principaux rapports et articles scientifiques récents et s’est de plus réuni à plusieurs reprises afin d’évaluer les divers aspects de cette problématique. Les conclusions et recommandations du groupe de travail sont les suivantes :

Les effets aigus associés à l’exposition aux CEM d’extrêmes basses fréquences sont bien documentés. Toutefois, le risque d’effet à la santé lié à l’exposition chronique demeure incertain. Le groupe de travail, après analyse de la preuve scientifique, considère que le lien causal entre l’exposition chronique aux CEM et l’apparition de cancers (leucémie chez l’enfant et chez l’adulte) n’est pas établi. Néanmoins, compte tenu de l’absence d’explication évidente des résultats inconstants des études épidémiologiques, on ne peut exclure l’existence d’un tel risque. De plus, si le risque à la santé lié aux CEM était réel, il demeurait néanmoins faible (RR<2). Dans l’hypothèse où le risque était réel (RR 1.5), si l’on considère toutes les sources de CEM, environ 10% des cas de leucémie chez les 0-14 ans pourraient être expliqués par l’exposition aux CEM. Si l’on considère les lignes à haute tension seules, le pourcentage de cas relié aux CEM serait de moins de 1%. Le groupe de travail considère que l’impact de l’exposition aux CEM provenant de toutes sources est toutefois non négligeable compte tenu du type de problème de santé et de la clientèle concernés.

Relativement au risque lié à l’exposition aiguë aux CEM, l’ICNIRP a recommandé de nouvelles valeurs limites d’exposition visant à prévenir la possibilité d’effets aigus chez les travailleurs et dans la population générale. Au Québec, l’application des recommandations de l’ICNIRP a des implications majeures, autant pour les travailleurs que pour le public en général. Le groupe de travail constate que la procédure de consultation utilisée par l’ICNIRP est critiquée par plusieurs organismes importants et pose des problèmes d’applicabilité. Le groupe de travail n’est actuellement pas en mesure d’évaluer de façon approfondie le raisonnement scientifique de ces recommandations et est d’avis qu’une période intérimaire est nécessaire pour évaluer la justification et la portée de ces recommandations. Le groupe de travail considère qu’il y a lieu d’attendre l’avis définitif de la communauté scientifique et de l’ICNIRP sur ces recommandations et que d’ici là, Hydro-Québec doit identifier et évaluer les impacts de ces nouvelles valeurs limites recommandées.

En regard des effets chroniques des CEM, le groupe de travail considère qu’on ne peut présentement établir de niveau limite d’exposition ou encore préconiser une distance minimale à respecter des lignes de transport d’électricité. Les arguments scientifiques basés sur les données actuelles sont présentement insuffisants pour l’établissement de telles limites.

Néanmoins, le groupe de travail est d’avis qu’une certaine prudence est justifiée pour réduire l’exposition de la population aux CEM. L’application du principe de précaution est pertinente. Toutefois, le groupe de travail est d’avis que les mesures retenues doivent être raisonnables compte tenu du niveau d’incertitude et des impacts socio-économiques.

Face aux risques potentiels des CEM sur la santé, diverses stratégies de gestion prudente sont proposées dans divers pays. Certaines mesures sont générales : vigilance active, caractérisation des sources d’exposition, information, assistance technique, respect des normes, recherche et développement. Des mesures spécifiques visent la réduction des niveaux de CEM d’extrêmes basses fréquences lorsque des actions à coûts raisonnables peuvent être entreprises. Le groupe de travail propose cinq critères permettant d’évaluer les mesures préventives qui découlent du principe de précaution soit : l’efficacité, la faisabilité technique, le coût raisonnable, l’acceptabilité sociale et la sécurité.

Auteur(-trice)s
Gaétan Carrier
Université de Montréal
Albert Daveluy
Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
Louis Drouin
Direction de la santé publique de Montréal
Denis Gauvin
M. Sc, conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Pierre Lajoie
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Patrick Levallois
M. D., M. Sc. FRCPC, médecin spécialiste. Institut national de santé publique du Québec
Claude Prévost
Institut national de santé publique du Québec
Gilles Thériault
Université McGill
Claude Tremblay
Direction de la santé publique de la Montérégie
ISBN (imprimé)
2-89496-149-9
Notice Santécom
Date de publication