Mesures de contrôle et de prévention des infections à Staphylococcus aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine au Québec

À propos des infections à Staphylococcus aureus, le Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) retient les éléments suivants :

  1. Le Staphylococcus aureus est un agent pathogène fréquemment retrouvé dans de multiples infections nosocomiales et communautaires. Cette espèce bactérienne figure d'ailleurs parmi les trois premières causes d'infections nosocomiales aux États-Unis selon que l'on considère les infections de plaies chirurgicales, les pneumonies ou les bactériémies. Au Québec, le S. aureus est la première cause de bactériémie nosocomiale.
  2. Depuis plusieurs années, des souches de S. aureus résistantes à la méthicilline (SARM) et à plusieurs autres antibiotiques (multirésistance) sont apparues en Europe, aux États-Unis et au Québec. Pour les patients atteints d'une infection à SARM, la vancomycine représente souvent le seul traitement possible.
  3. Au fur et à mesure que le SARM est devenu un agent pathogène nosocomial important, l'utilisation de la vancomycine a augmenté dans les centres hospitaliers, ce qui a favorisé l'apparition de la résistance à cet antimicrobien. Des isolats humains de S. aureus exposés in vitro à la vancomycine ont pu développer une résistance à la vancomycine.
  4. L'apparition du SARM ayant une sensibilité réduite à la vancomycine (SARIV/SARV) aurait des conséquences importantes sur l'ensemble de notre système de soins à cause de l'absence d'une antibiothérapie efficace et du potentiel de dissémination de ce micro-organisme. Parmi les conséquences possibles de cette situation, soulignons l'accroissement des coûts d'hospitalisation et de traitement, l'augmentation de la morbidité et de la létalité, et le risque que s'installe une situation de crise liée à la menace perçue par le public.
  5. Depuis 1996, une dizaine de cas d'infection causée par des souches de SARM ayant une résistance intermédiaire à la vancomycine (SARIV) ont été signalés aux États-Unis, en Europe, au Japon et dans certains autres pays d'Asie. Pour le moment, aucune souche de S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine n'a été détectée au Québec ou dans une autre province canadienne. Aucune souche de S. aureus ayant une résistance complète à la vancomycine (SARV) n'a été détectée dans le monde.
  6. Jusqu'à maintenant, toutes les souches de SARIV ont été isolées chez des patients présentant une ou plusieurs maladies sous-jacentes – comme l'insuffisance rénale – et traités de façon prolongée à la vancomycine à cause d'une infection antérieure à SARM.
  7. À ce jour, on n'a rapporté aucun cas de transmission des souches de SARIV parmi les compagnons de chambre, les contacts familiaux ou le personnel soignant des patients infectés. Cependant, puisqu'il est reconnu que le SARM peut se transmettre relativement facilement à l'intérieur d'un établissement de soins, il est raisonnable de supposer qu'une souche de SARM ayant une sensibilité réduite à la vancomycine pourrait se transmettre de façon comparable.
  8. La mise en place d'un programme de dépistage de la résistance à la vancomycine pour le S. aureus est considérée comme primordiale. Les souches de SARM, dont les concentrations minimales inhibitrices (CMI) sont ≥ 4 mg/l, ont été ciblées pour une investigation plus poussée.
  9. Compte tenu de l'apparition récente du SARIV, de ses conséquences possibles sur la santé publique et des données épidémiologiques disponibles, l'application de précautions plus strictes contre la transmission par contact est recommandée par des experts dans le domaine, par les Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis et par Santé Canada.

Recommandations

Compte tenu des constats qui précèdent et des conséquences de la résistance bactérienne sur la qualité et le coût des soins offerts à la population, le Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) fait les recommandations qui suivent :

  1. Qu'une stratégie ayant pour but d'empêcher la transmission (ou de prévenir l'endémicité) du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine soit mise en place dans tous les centres hospitaliers du Québec.
  2. Que tous les laboratoires de microbiologie des centres hospitaliers participent aux efforts de détection du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine selon les modalités décrites ci-dessous.

    Pour remplir adéquatement leur rôle, ils devraient :
    • premièrement, s'assurer qu'ils utilisent les méthodes recommandées par les autorités dans le domaine de la microbiologie, comme le National Committee for Clinical Laboratory Standards (NCCLS), pour effectuer les épreuves de sensibilité du S. aureus aux antibiotiques à partir de spécimens humains et vérifier, en tout temps, la sensibilité à la vancomycine de toute souche de SARM;
    • deuxièmement, collaborer et adhérer au programme de dépistage du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine proposé pour les patients à risque, que ce soit au moment de leur transfert d'un centre hospitalier à un autre ou en cours d'hospitalisation, si la situation l'exige;
    • troisièmement, signaler rapidement au personnel travaillant à la prévention et au contrôle des infections l'isolement de toute souche soupçonnée d'être un S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine;
    • quatrièmement, adhérer aux programmes de contrôle de la compétence visant précisément la détection du Staphylococcus aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine (SARIV/SARV).
  3. Que le programme de dépistage – limité ou systématique – du SARIV/SARV s'inscrive dans le cadre du programme de dépistage du SARM et des entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) déjà en vigueur et s'appliquant au moment de l'admission d'un patient dans un centre hospitalier.
  4. Que le laboratoire de microbiologie du centre hospitalier :
    • recherche la résistance à la vancomycine pour tous les S. aureus résistants à la méthicilline;
    • achemine rapidement au Laboratoire de santé publique du Québec toute souche de S. aureus présentant une concentration minimale inhibitrice (CMI) élevée pour la vancomycine (≥ 4 μg/ml) pour confirmation;
    • signale à la direction régionale de la santé publique l'isolement d'une souche confirmée de S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine (CMI > 4 μg/ml).
  5. Que les responsables des centres hospitaliers adoptent une politique et aient recours à des mesures appropriées pour la prévention et le contrôle de la transmission du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine dans leur établissement (cela suppose qu'il existe une politique en place pour le SARM);
  6. Que le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de chaque établissement entérine les lignes directrices adoptées par son établissement pour la prévention et le contrôle de la transmission du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine.
  7. Que les précautions visant à prévenir la transmission par contact en plus des pratiques préventives de base soient respectées rigoureusement. Précisons que Santé Canada, de son côté, recommande d'exiger que toute personne qui entre dans la chambre d'un patient porteur du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine porte des gants, une blouse et un masque.
  8. Que toute éclosion possible ou confirmée de SARIV/SARV soit immédiatement signalée à la direction régionale de la santé publique (un formulaire type est présenté à l'annexe 3). Une enquête épidémiologique de même qu'un dépistage des contacts du cas de référence1 devraient être amorcés.
  9. Que le transfert d'un patient porteur du S. aureus ayant une sensibilité réduite à la vancomycine dans un autre secteur de l'hôpital soit l'exception et que le transfert dans un autre centre hospitalier soit effectué que s'il est absolument nécessaire. Finalement, qu'il n'y ait pas de transfert dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée ou dans un centre de réadaptation, hospitalier ou non, pour le moment. Cependant, si un transfert est éventuellement jugé nécessaire à cause du type de soins que l'état d'un patient colonisé peut nécessiter, une évaluation et une discussion du cas devraient être effectuées avant le transfert, en collaboration avec les équipes de prévention des infections et la direction de la santé publique. On devra également s'assurer que l'établissement d'accueil a la capacité de mettre en place les mesures de prévention et de contrôle appropriées pour prévenir la transmission.
  10. Que soit mis en place un mécanisme de signalement des éclosions possibles ou prouvées de SARIV/SARV dans un centre hospitalier.
  11. Qu'un programme de surveillance en laboratoire des souches de S. aureus résistantes aux antibiotiques soit mis en place afin d'évaluer la dissémination du S. aureus multirésistant au Québec
  12. Qu'un programme veillant à l'utilisation rationnelle des antimicrobiens, en particulier de la vancomycine, soit mis en place dans les centres hospitaliers afin de diminuer le risque d'apparition de staphylocoques ayant une sensibilité réduite à la vancomycine.

1Le cas de référence (ou cas-index) est défini comme le cas à la source de la transmission initiale.

Type de publication
ISBN (imprimé)
2-550-39166-7
Notice Santécom
Date de publication