La détection de l'infection gonococcique dans les laboratoires biomédicaux du Québec face à l'émergence de la résistance de N. Gonorrhoeae à la ciprofloxacine

Le diagnostic de nombreuses maladies infectieuses repose sur la détection de la présence de microorganismes dans des échantillons biologiques. Les techniques d’amplification des acides nucléiques (TAAN) ne nécessitent pas la mise en culture des pathogènes dans les laboratoires de microbiologie médicale. Or, pour l’instant, seule la mise en culture permet d’évaluer à large échelle la résistance aux antibiotiques de Neisseria gonorrhoeae (N. gonorrhoeae), pathogène responsable de l’infection gonococcique.

Au Québec, le nombre de cas déclarés d’infection gonococcique augmente et la résistance à la ciprofloxacine s’est installée de façon endémique. L’abandon des antibiogrammes pourrait rendre impossible la détection de l’émergence de nouvelles résistances et mener à des échecs thérapeutiques. La mise en culture et les TAAN ont chacune leurs avantages et inconvénients pour la détection de N. gonorrhoeae. Le choix de la méthode utilisée dans les laboratoires biomédicaux du Québec implique des enjeux de protection de la santé publique.

Le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec a demandé à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) d’émettre un avis scientifique à propos des avenues à privilégier pour favoriser la détection optimale de N. gonorrhoeae au Québec.

L’avis de l’INSPQ repose sur :

  • la description de la situation actuelle, dressée au moyen d’un sondage envoyé aux laboratoires biomédicaux québécois;
  • la consultation d’experts cliniciens de première ligne, médecins microbiologistes-infectiologues, intervenants de santé publique et spécialistes de laboratoire.

Une consultation initiale par conférence téléphonique a servi à identifier les thèmes et les enjeux qui pourraient être discutés lors d’une rencontre subséquente. Alimentés des publications pertinentes et des résultats d’un sondage mené auprès des laboratoires biomédicaux du Québec, 14 experts ont participé à cette rencontre (annexe 1).

Une version préliminaire de l’avis a été soumise à trois reprises à l’ensemble des experts présents à la réunion ainsi qu’à certains autres, absents mais habilités et intéressés à commenter. Les nombreux commentaires reçus ont mené à des consultations supplémentaires auprès de certains experts.

Les recommandations qui suivent découlent de ces échanges et des consensus établis.

L’étude visait à déterminer si la popularité grandissante des tests de détection de l’infection gonococcique par des TAAN entraînait l’abandon de la mise en culture des prélèvements, empêchant ainsi de surveiller l’émergence de la résistance aux antibiotiques, pendant qu’on observe l’émergence de la résistance de N. gonohhoeae à la ciprofloxacine sur le territoire québécois.

L’excellent taux de réponse obtenu à chacun des trois questionnaires souligne à notre avis l’existence du lien de confiance qui existe depuis des années entre le LSPQ et les laboratoires interrogés.

Il est clair que la mise au point d’outils de détection génique de plusieurs pathogènes présente de nombreux avantages et offre de nouvelles opportunités de dépistage. Les coûts d’implantation des TAAN sont cependant importants et ce sont donc en premier lieu les laboratoires qui ont un grand volume de demandes de recherches qui installent l’appareillage nécessaire.

Une fois cela fait, il devient facile d’offrir la détection à la fois de C. trachomatis et de N. gonorrheae sur le même prélèvement. Or, un grand nombre de prélèvements sont faits pour la recherche par PCR de C. trachomatis. Certains experts nous ont rapporté qu’il peut devenir plus onéreux de modifier la routine d’analyse pour ne rechercher que le C. trachomatis. Cela fait en sorte que plusieurs recherches de N. gonorrhoeae sont faites inutilement et sans qu’elles n’aient été demandées. Sachant aussi que les résultats faussement positifs sont inévitables, cette pratique nous semble questionnable.

Cette même pratique ainsi que le fait que la présence de symptômes facilite la prise d’un prélèvement pour mise en culture chez l’homme, expliquent probablement en large partie le fait que la positivité trouvée par PCR soit nettement inférieure à celle observée pour la mise en culture.

On remarque aussi que la sensibilité à la ciprofloxacine est déterminée pour la majorité des souches identifiées par mise en culture, que ce soit localement, dans un autre laboratoire ou au LSPQ. Depuis janvier 2005, le LSPQ a intensifié sa surveillance de la résistance à la ciprofloxacine, ce qui a incité certains laboratoires à inclure cet antibiotique dans leurs antibiogrammes.

Environ les deux tiers des laboratoires (68,8%) fournissent gratuitement à leurs utilisateurs le matériel nécessaire au prélèvement et à son transport en vue de la mise en culture pour la recherche du N. gonorrhoeae.

Les régions sociosanitaires les plus éloignées (Terres-Cries-de-la-Baie-James et Nunavik) acheminent les spécimens qui leurs sont soumis vers de plus grands centres. Le N. gonorrhoeae pouvant perdre sa viabilité durant le transport, il devient préférable dans de tels contextes d’opter pour les TAAN, la performance de celles-ci n’étant pas fonction de la viabilité de la souche.

De nouvelles données seraient nécessaires afin de déterminer plus adéquatement les procédures concernant le prélèvement, la conservation et le transport des échantillons, selon le type de spécimens choisi. Il serait ici nécessaire de questionner les cliniciens afin de connaître les limites d’accessibilité réelles ou perçues à une technique ou à l’autre. Il nous est ici impossible de nous faire une idée à savoir si ces contraintes forment une barrière ou non à la mise en culture de prélèvements.

Auteur(-trice)s
Marc Dionne
Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-49018-0
ISBN (imprimé)
978-2-550-49017-3
Notice Santécom
Date de publication