Prions et farines carnées destinées à l'alimentation porcine : risques pour la santé humaine

Les prions sont des protéines constituantes naturelles des cellules animales. Pour des raisons encore inconnues, il existe des prions «nbsp;pathogènesnbsp;», formes altérées des prions normaux, qui, lorsqu'ils atteignent le cerveau, forment des lésions entraînant une encéphalopathie. Cette dernière, selon l'espèce animale, se manifeste par une gamme de symptômes neurologiques, locomoteurs, comportementaux et cognitifs. La MCJ (maladie de Creutzfeldt-Jakob) est probablement la maladie à prions la plus connue chez l'humain. Les protéines prions anormales sont très réfractaires aux méthodes habituelles de désinfection, car elles résistent fort bien à la majorité des méthodes courantes d'inactivation chimique et physique (désinfectants et stérilisation) tout en demeurant stables à une gamme étendue de pH et de températures.

Les EST (encéphalopathies spongiformes transmissibles) sont des maladies humaines et animales dégénératives du système nerveux central, dont l'évolution est toujours fatale. Ces encéphalopathies ont comme caractéristique d'être transmissibles, du moins sur une base expérimentale, entre un certain nombre d'espèces animales. Depuis le milieu des années 1980, une nouvelle EST spécifique aux bovins, l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), peut être transmise aux humains et engendrer une symptomatologie similaire à la MCJ (maladie de Creutzfeldt-Jakob); cette nouvelle forme a été appelée nvMCJ (nouvelle variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob).

Puisque l'ESB peut se transmettre à l'homme par ingestion de produits d'origine animale, provenant de ruminants contaminés, la présence de prions chez un troupeau de bovins d'élevage est devenue une préoccupation de santé publique. Dans ce contexte, les aliments utilisés pour nourrir le bétail peuvent constituer une source potentielle d'introduction, dans la chaîne alimentaire, de certains agents pathogènes, notamment des prions. Cette situation s'explique dans la mesure où, depuis les années 1970, de nombreuses espèces animales d'élevage reçoivent des aliments qui sont en partie préparés avec des farines de viande et d'os (FVO) parfois appelées farines animales ou carnées. Ces dernières sont obtenues à partir de carcasses ou de sous-produits animaux non utilisables pour l'alimentation humaine.

Au moment de la rédaction du présent rapport (printemps 2007), au Canada, il est présentement interdit de nourrir des ruminants (boeufs, moutons, chèvres, cerfs, wapitis et autres espèces de ce groupe) avec la plupart des protéines de mammifères, à l'exception du lait et de ses dérivés, de la gélatine, du gras ou des produits sanguins; par contre, toutes les protéines provenant des porcs et des équins sont acceptées dans l'alimentation des ruminants. Par ailleurs, toutes les espèces animales, autres que les ruminants, peuvent être alimentées avec n'importe quelle protéine de mammifères, incluant les protéines issues des ruminants. Cet état de fait a engendré la crainte que des FVO provenant de résidus de bovins potentiellement contaminés avec le prion de l'ESB pourraient infecter des animaux comme le porc, chez qui leur utilisation est permise. Cette crainte persiste malgré le fait qu'aucune encéphalopathie porcine n'ait été rapportée. De plus, le Canada est un pays où l'incidence d'encéphalopathie spongiforme bovine est très faible : six cas ont été identifiés entre le début de l'éclosion de l'ESB au Royaume-Uni (en 1986) et juin 2007. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'importation de farines d'origine animale produites à l'extérieur du Canada est interdite ou sévèrement réglementée.

Le présent rapport est basé sur une revue de la littérature scientifique à jour et provenant de sources sûres. Le document comporte cinq chapitres. Le premier résume tout d'abord les connaissances actuelles sur la nature des prions et présente les mécanismes généraux de leur transmission; suivent deux chapitres qui décrivent les encéphalopathies animales et humaines transmissibles. Le chapitre quatre est consacré à la description des FVO : il présente d'abord les généralités concernant les FVO (composition, préparation et quantités produites), puis de l'information plus spécifique quant à leur emploi en élevage porcin. Subséquemment sont présentés les résultats d'essais de transmission expérimentale des prions de l'ESB aux porcs, de même que les principales législations en regard de l'utilisation des farines, telles que mises de l'avant par les pays concernés par l'ESB. Dans le dernier chapitre, le rapport fait une synthèse des connaissances afin d'estimer le risque de transmission du prion de l'ESB aux porcs et le risque de transmission à l'humain découlant de la consommation de porc contaminé le cas échéant.

De l'analyse de la littérature scientifique parue jusqu'en juin 2007 et d'un certain nombre de spécialistes consultés, il appert que la probabilité que les porcins soient infectés après avoir consommé des FVO est presque nulle. De plus, la probabilité qu'un porc infecté puisse développer une encéphalopathie d'origine alimentaire et que cette infection puisse se transmettre ultérieurement à un humain paraît presque inexistante. Ce constat nous permet de conclure, pour l'instant, que la consommation de FVO par des porcs ne constitue, selon l'état des connaissances actuelles, qu'un risque infime pour la santé publique à l'égard d'une éventuelle contamination humaine par des prions pathogènes.

Auteur(-trice)s
Marie-Alix D'Halewyn
Institut national de santé publique du Québec
Pierre Chevalier
Ph. D., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (électronique)
978-2-550-51048-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-51049-9
Notice Santécom
Date de publication