Le dépistage de la surdité chez le nouveau-né : évaluation des avantages, des inconvénients et des coûts de son implantation au Québec

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) demandait à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de produire un avis scientifique pour l'éclairer sur la pertinence de déployer, au Québec, un programme de dépistage universel de la surdité néonatale. Pour le soutenir dans la production d'un tel avis, l'INSPQ a réuni un groupe de douze personnes choisies pour leur expertise des domaines cliniques et de santé publique pertinents à la problématique du dépistage de la surdité chez le nouveau-né. Le présent document constitue la réponse offerte par le comité au mandat qui lui a été confié par l'INSPQ. Le comité a choisi de répondre au mandat en privilégiant l'appréciation des avantages, des inconvénients et des coûts d'un programme de dépistage. Le comité s'est efforcé de produire les estimations les plus fiables possible des effets de différentes approches de dépistage. Il a aussi choisi d'appliquer à la proposition de mettre en place un programme de dépistage universel un ensemble complet de critères d'analyse.

La surdité néonatale est une déficience sensorielle présente à la naissance. Cette incapacité auditive est invisible chez le nouveau-né et passe habituellement inaperçue aux yeux des parents et de la famille. La surdité et la période de privation sensorielle qui y sont associées, entravent ou empêchent la stimulation auditive et altèrent le cours du développement du nouveau-né. Par ailleurs, la surdité touche économiquement toute la famille. Les parents peuvent devoir quitter ou refuser un emploi en raison de la présence d'un enfant sourd ou malentendant dans leur famille. L'accès à un traitement hâtif est associé à une proportion moindre d'abandon ou de refus d'emploi.

Les mesures de dépistage envisagées sont fiables, précises, rapides et faciles à utiliser avec une population de nouveau-nés. Lorsqu'ils sont utilisés en séquence, ces tests de dépistage atteignent des performances intéressantes qui permettent de réduire le plus possible les références inutiles, tout en permettant de dépister une proportion importante des nouveaunés affectés.

Les mesures diagnostiques, basées principalement sur une réponse électrophysiologique, offrent d'excellentes performances. Elles fournissent de plus les informations nécessaires à la sélection et aux premiers ajustements des aides auditives qui constituent l'option de traitement la plus fréquente. Il n'existe pas de preuve irréfutable de l'efficacité des traitements offerts aux enfants sourds ou malentendants et à leur famille. Toutefois, les experts de ce comité sont d'avis qu'il ne serait pas éthique de suspendre des traitements aux enfants sourds ou malentendants ou de ne pas en proposer sous prétexte qu'on ne dispose pas d'un niveau de preuve suffisant quant à leur efficacité sur le développement ultérieur de la parole et du langage. Les experts rappellent qu'une déficience physique visible serait vite traitée même si elle n'était pas associée à un gain ultérieur de santé démontré plus grand en raison de cette intervention hâtive.

Le dépistage néonatal offert actuellement au Québec se distingue par un ensemble d'activités non coordonnées, surtout de type « ciblé » appliquées à des nouveau-nés présentant des facteurs de risque de surdité. On ne dispose d'aucune donnée permettant d'évaluer la performance de ces activités.

Le principal avantage du dépistage est de permettre la détection et le traitement précoce d'un grand nombre d'enfants atteints de surdité. Les estimations les plus fiables possible démontrent qu'un programme universel bien structuré, avec une organisation et des ressources adéquates, un système d'information dédié et des mécanismes fonctionnels d'assurance de la qualité, atteignent ce but. Au total, cette approche permettrait de détecter précocement 72 bébés sur les 84 cas de surdité qu'on estime être présents dans une cohorte annuelle de naissances au Québec. Cela constitue un taux d'efficacité de détection de 86 %. La grande majorité de ces bébés, soit 90 %, verront leur diagnostic confirmé avant l'âge de six mois et un pourcentage tout aussi élevé de bébés aura, à 7½ mois, initié des traitements incluant l'ajustement d'aides auditives.

Sur le plan des inconvénients, le principal effet négatif du dépistage est celui rattaché au nombre de bébés qui obtiennent des résultats «nbsp;anormauxnbsp;» en dépit d'une audition qui s'avère finalement dans les limites de la normalité (faux positifs). Les familles de 1 945 bébés référés en audiologie subiront des dérangements et certains d'entre eux, une période d'inquiétude. Il est possible de réduire l'ampleur de ces inconvénients en informant adéquatement les parents de la signification d'un résultat anormal au test de dépistage et en leur assurant un accès rapide et efficace à l'examen diagnostic.

Une analyse économique a permis de comparer les coûts et les gains sociaux de l'approche universelle et du statu quo. Les résultats montrent que le gouvernement encourra des dépenses supplémentaires de 4 891 106 $ (dollars de 2001), dont 4,2 millions de dollars au seul chapitre des coûts du dépistage. Ces coûts seront compensés par des gains pour les enfants sourds ou malentendants et leur famille de 6 617 233 $ ce qui laisse un surplus net d'au moins 1 726 127 $. La comparaison entre l'approche ciblée et le statu quo montre que le gouvernement encourra des dépenses supplémentaires de 240 534 $ (dollars de 2001), dont environ 160 000 $ au chapitre des coûts du dépistage. Ces coûts seront compensés par des gains pour les enfants sourds ou malentendants et leur famille de 737 037 $ ce qui laisse un surplus net d'au moins 496 503 $.

L'évaluation de l'équilibre entre les avantages, les inconvénients et les coûts d'un programme de dépistage universel apparaît favorable. Le rendement supérieur de la stratégie universelle en terme de nombre de nouveau-nés sourds ou malentendants dépistés et traités de façon précoce à un coût acceptable, permettant de générer des retombées sociales positives, favorise cette approche comme modèle d'un éventuel programme québécois.

Les obstacles à l'implantation d'un programme de dépistage universel de la surdité néonatale ont déjà été contournés par des programmes pionniers qui ont su composer avec leur présence. Les obstacles propres à la réalité québécoise ont déjà été confrontés par au moins un autre programme de dépistage, celui du cancer du sein, qui s'adresse à toutes les femmes de 50 ans et plus sur l'ensemble du territoire. Le réseau québécois des services de santé dispose de ressources humaines, techniques et d'expertise en santé publique pouvant soutenir et guider l'implantation d'un programme universel de dépistage de la surdité.

Sur la base de l'ensemble des considérations, le comité recommande que le MSSS instaure dans le réseau de la santé un programme visant à offrir à tous les parents dont l'enfant naît au Québec des tests pour le dépistage de la surdité dans les premiers jours de vie. Ce programme de dépistage universel devrait couvrir l'ensemble des activités allant de l'information aux parents pour le consentement aux tests, en passant par les tests euxmêmes, les investigations diagnostiques jusqu'à l'ajustement d'aides auditives lorsque cela est approprié et l'admission dans un programme de réadaptation. Le comité recommande au MSSS d'élaborer un cadre de référence pour établir l'organisation et le mode de fonctionnement du programme, ses critères, ses normes de qualité ainsi que ses modalités d'évaluation.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-51704-
ISBN (imprimé)
978-2-550-51704-7
Notice Santécom
Date de publication