Étude de la contamination microbiologique de spas publics au Québec

Les spas (aussi appelés bains à remous) constituent, en raison de la température élevée de l'eau, un écosystème particulier concernant la flore microbienne qu'on peut y retrouver. Nous notons, entre autres, une possibilité plus élevée d'identifier deux bactéries bien adaptées à l'eau chaude et résistantes aux désinfectants, Legionella spp. et Pseudomonas aeruginosa. Plusieurs éclosions de légionellose, une infection qui entraîne souvent une pneumonie sévère, ont été documentées à travers le monde suite à la fréquentation des spas (cependant, jusqu'à maintenant, aucune éclosion de ce type en relation avec les spas n'a été rapportée au Québec). Il est également bien connu que des infections par P. aeruginosa, notamment une affection de la peau nommée folliculite, sont associées à la fréquentation de ces bassins. Cependant, peu d'informations sont disponibles sur la contamination microbiologique des spas, sur les paramètres d'entretien qui permettent d'éviter cette contamination et sur la surveillance de la qualité de l'eau qui doit être faite.

Cette étude visait à déterminer la prévalence de deux bactéries susceptibles d'entraîner des problèmes de santé chez les personnes qui fréquentent les spas, soit Legionella spp. et P. aeruginosa. La prévalence d'Escherichia coli a également été évaluée, un indicateur de salubrité souvent utilisé pour les eaux récréatives. Afin de pallier la lourdeur méthodologique associée à l'analyse de Legionella spp. par culture en microbiologie classique, nous voulions également évaluer la possibilité d'utiliser une méthode moléculaire (PCR temps réel) pour la surveillance de la qualité de l'eau des spas. Finalement, le lien entre l'entretien des bassins et leur contamination microbiologique a été étudié.

Afin de répondre à ces objectifs, l'eau de 95 spas publics de trois régions de la province de Québec (Canada) a été analysée durant l'été 2008. En plus des trois bactéries mentionnées précédemment, plusieurs paramètres physicochimiques (pH, concentration de désinfectant, etc.) ont été mesurés et les responsables des spas ont répondu à un questionnaire sur l'entretien de leur bassin. En fonction des résultats, nous avons créé trois variables microbiologiques d'intérêt, soit la détection de l'une ou l'autre des bactéries étudiées, la détection de P. aeruginosa et la détection de bactéries en concentrations préoccupantes (Legionella spp. supérieure ou égale à 500 unités formant colonie [UFC]/l ou P. aeruginosa supérieure ou égale à 51 UFC/100 ml ou E. coli supérieure ou égale à 1 UFC/100 ml). Nous avons examiné la relation entre, d'une part, la présence de ces bactéries et, d'autre part, les paramètres physicochimiques ainsi que les variables associées à l'entretien du bassin.

Une proportion de 2 % des spas était contaminée par E. coli, 41 % par P. aeruginosa et 22 % par Legionella spp. Des bactéries ont été détectées dans 51 % des spas et nous en avons retrouvées en concentrations préoccupantes dans 25 % des bassins. Concernant Legionella spp., les concentrations obtenues par PCR temps réel et par culture ont été comparées. Une corrélation statistiquement significative a été trouvée entre ces deux méthodes, mais la faible valeur prédictive positive (35 %) du PCR en temps réel limite son utilité pour la surveillance microbiologique.

Les paramètres chimiques variaient beaucoup d'un bassin à l'autre. À titre d'exemple, les étendues des valeurs respectives de chlore libre et de brome total allaient de 0,1 à 33 mg/l et de 0,3 à 35 mg/l, plusieurs résultats étant inférieurs ou supérieurs aux niveaux recommandés. Selon les modèles utilisés, des concentrations de désinfectant ≥ 2 mg/l pour le chlore libre ou ≥ 3 mg/l pour le brome total, un potentiel d'oxydoréduction > 650 mV, un pH < 7,2 ainsi que l'utilisation de chlore plutôt que de brome étaient associés significativement (p ≤ 0,05) à l'absence de P. aeruginosa. Des concentrations de désinfectant ≥ 2 mg/l pour le chlore libre ou ≥ 5 mg/l pour le brome total, un POR > 650 mV ainsi que l'utilisation de chlore plutôt que de brome étaient associées significativement à une absence de contamination microbiologique. Finalement, des concentrations de désinfectant ≥ 2 mg/l pour le chlore libre ou ≥ 3 mg/l pour le brome total, un POR > 650 mV, une vidange et un nettoyage fréquents du spa et une turbidité faible de l'eau étaient des facteurs de protection contre la présence de bactéries en concentrations préoccupantes. Cependant, nous avons détecté P. aeruginosa et Legionella spp. dans respectivement 28 % (15/54) et 15 % (8/52) des spas avec des concentrations de désinfectant supérieures ou égales à 2 mg/l pour le chlore libre ou à 3 mg/l pour le brome total, indiquant ainsi la difficulté de contrôler totalement la flore bactérienne dans ce type de bassin.

Une prévalence de contamination préoccupante dans 25 % des spas n'est pas négligeable. Néanmoins, nous constatons qu'elle peut être prévenue par un entretien et une gestion adéquats axés sur une filtration efficace, un nettoyage fréquent du spa et une bonne concentration de désinfectant. À cet effet, la variation importante des concentrations de chlore libre et de brome total est un autre élément préoccupant qui indique la difficulté de maintenir des concentrations stables dans de telles installations. Seulement quatre spas étaient équipés de systèmes automatisés de désinfection et de contrôle du pH. Il serait pertinent de vérifier quelles sont les barrières à l'utilisation d'une telle technologie.

Puisqu'il semble ardu d'assurer l'absence complète de Legionella spp. dans les spas, il serait préférable pour les personnes sévèrement immunodéprimées (entre autres les personnes sous traitement immunosuppresseur suite à un cancer ou une greffe) d'éviter de fréquenter ces bassins.

Par ailleurs, malgré la bonne volonté de la majorité d'entre eux, plusieurs gestionnaires ne connaissaient pas l'existence du règlement en vigueur au Québec relatif à la qualité de l'eau des piscines et autres bassins artificiels. De plus, seulement quatre responsables affirmaient avoir reçu une formation concernant l'entretien de ces bassins.

À travers le monde, la majorité des règlements traitant des piscines s'applique également aux spas. Considérant la popularité grandissante des spas, des efforts devraient être faits pour adapter les recommandations et les réglementations à ce type de bassin qui abrite un écosystème nettement différent des piscines récréatives. Enfin, des activités d'information, de sensibilisation et de formation des gestionnaires sont nécessaires pour favoriser un meilleur entretien et une meilleure surveillance de la qualité de l'eau de ces installations.

Auteur(-trice)s
Benoît Lévesque
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Denis Gauvin
M. Sc, conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Dany Laverdière
Unité de recherche en santé publique du Centre de recherche du CHUQ
ISBN (électronique)
978-2-550-56588-8
ISBN (imprimé)
978-2-550-56587-1
Notice Santécom
Date de publication