Les conséquences sur la santé

En milieu autochtone, les conséquences de la violence sur la santé s’ajoutent au fardeau de l’état de santé de la population déjà défavorable, et compromettent le développement des enfants et celui des communautés. Par exemple, lors d’épisodes de violence, l’entourage peut être sollicité pour héberger les victimes, leur offrir un soutien moral ou un soutien financier momentané. Les conditions de logement souvent défaillantes dans ces communautés peuvent alors accroître les vulnérabilités associées à la surpopulation[1]. Dans certains cas, la sécurité et l’intégrité des familles, de l’entourage et du voisinage peuvent aussi être menacées par l’éclatement des attentes et des rôles de chacun lorsque des proches tenteraient de s’interposer dans le conflit pour punir, ou au contraire, protéger les agresseurs [90]. La violence peut également accroître le sentiment d’anxiété et de peur dans le voisinage, certaines personnes plus que d’autres cherchant à s’isoler davantage [67].

« [Dans le contexte du deuil intergénérationnel non résolu] les principaux obstacles à la divulgation comprennent la suspicion à l’égard du système de justice, le manque de ressources et les questions de pouvoir. […] Le fait de vivre dans une réserve peut placer les victimes dans des situations d’impuissance et de peur, ce qui engendre une forte crainte de parler. Ils peuvent craindre les conséquences pour eux-mêmes et leur famille (p. ex. accès limité aux services et aux programmes). » [traduction libre] [107]

La violence a également des conséquences indéniables sur les plus vulnérables. Ainsi, les sévices et les carences affectives subis dans l’enfance ont des impacts majeurs sur le développement des enfants. Elle les expose à une plus grande vulnérabilité et les rend plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé physique et psychologique plus tard dans leur vie [108,109]. De plus, certains enfants exposés à la violence peuvent reproduire les abus auxquels ils sont confrontés, participant ainsi à leur tour à la transmission de la violence [90]. Les facteurs contributifs à la reproduction de la violence par les enfants autochtones ont d’ailleurs été discutés lors des travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada [50]. L’analyse des témoignages des survivants des pensionnats laisse comprendre que face au trauma, l’apprentissage social de la violence peut se faire en réaction aux abus subis, en riposte à la violence faite aux autres ou encore à la suite de la modélisation du comportement des agresseurs. De plus, la fréquence de la violence, l’absence de mesures correctives et, dans certains cas, la déficience du soutien familial et social contribuent à la normalisation de la violence et accentuent le risque de sa transmission [39].

La violence peut également entraîner des victimes à adopter des comportements autodestructeurs qui peuvent nuire à leur santé, comme l’abus d’alcool et de drogues et l’automutilation [31,88,90,110]. La consommation abusive d’alcool et de drogues est largement associée à la violence interpersonnelle et auto-infligée vécue dans les milieux autochtones [6,30–32,50,51,67,77,82,87,90,93,111]. Pourtant, cette association n’est pas propre aux milieux autochtones. Comme le souligne l’OMS, il existe des liens étroits entre la consommation d’alcool et la violence interpersonnelle dans la mesure où chacune exacerbe les effets de l’autre. La consommation nocive de l’alcool est également souvent citée comme une méthode employée par certaines personnes pour faire face à des expériences de violence [112].

L’adoption de comportements à haut risque est également présente chez certains Autochtones qui habitent ou séjournent en milieu urbain [31,46]. Loin du soutien social et familial, face aux défis de la ville et confrontées à des problématiques de santé particulières, certaines personnes se voient poussées vers l’itinérance, ce qui les expose davantage à un risque de faire face à la violence. D’autres, en particulier des femmes, peuvent également faire face à des défis importants qui mettent en danger leur sécurité. Des agresseurs peuvent par exemple tirer profit de la mobilité des femmes entre leur communauté d’origine et la ville pour s’en prendre à elles. Certaines femmes peuvent également devenir des proies faciles à l’exploitation sexuelle et à la traite humaine [46,47,69,106].

  1. Pour approfondir l’impact des conditions de logement sur la vulnérabilité des personnes qui cherchent à fuir une situation de violence et leur entourage, le lecteur est invité à consulter le Portrait de l’itinérance dans les communautés des Premières Nations [106].