Veille analytique en santé cognitive, octobre 2020

Pour cette première veille analytique destinée aux intervenants en santé publique, l'équipe de Vieillissement en santé s'est intéressée aux interventions individuelles prometteuses pour maintenir une bonne santé cognitive chez les personnes de 50 ans et plus.


Activité physique

Les interventions en ligne sont-elles efficaces pour promouvoir la pratique de l'activité physique chez les personnes âgées de 50 ans et plus?

Contexte

La littérature portant sur l’utilité de la télésanté (l’utilisation des technologies de l’information pour promouvoir la santé des participants) est limitée. Elle ne permet pas encore d’établir si cette approche est réellement bénéfique pour promouvoir la pratique de l’activité physique auprès des populations plus âgées. Ce sont les raisons pour lesquelles cette revue systématique a été réalisée.

Objectifs

L’objectif de cette revue systématique est de clarifier l’efficacité des interventions de télésanté quant à la promotion de la pratique de l’activité physique chez les personnes âgées, en rassemblant et en interprétant les résultats d’études interventionnelles avec groupe contrôle.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Dans l’ensemble, les résultats de cette publication appuient l’hypothèse selon laquelle l’utilisation de stratégies de télésanté puisse améliorer l’efficacité des techniques conventionnelles de changement de comportement. Les interventions utilisant cette technologie se sont montrées efficaces pour augmenter le temps et l’énergie dépensée par les aînés dans leur pratique d’activité physique, particulièrement pour la marche. À la vue des résultats, les auteurs recommandent que les stratégies de télésanté soient incluses dans les lignes directrices concernant la pratique de l’activité physique chez une clientèle de 50 ans et plus.

Les stratégies d’intervention recensées incluent : des conseils automatisés (par ordinateur, personnalisés ou non), des conseils rédigés par des experts (personnalisés ou non), la tenue d'un journal d'activité physique, des ressources en ligne contenant des renseignements généraux, des plateformes de soutien social, le port d'un appareil de rétroaction sur l'activité physique (ex.: téléphone intelligent), des démonstrations vidéo préenregistrées, des jeux vidéo axés sur l'activité physique et des témoignages vidéo de gens actifs.

Les comportements d’activité physique mis en relation avec ces stratégies sont : la marche, des exercices d’endurance, d’étirement, de flexibilité, d’équilibre, de mobilisation ou de résistance et des programmes d’exercices personnalisés.

Limites

Bien que cet article propose une catégorisation des stratégies utilisées à travers la littérature, les analyses réalisées ne permettent pas d’isoler l’efficacité d’une stratégie comparativement à une autre. La majorité des interventions rapportent seulement des données portant sur les effets à court terme des interventions. Aucune information n’a été rapportée quant à la région géographique de réalisation des études. L’âge moyen de certains échantillons étaient plus près de 80 ans et le fait que certains participants présentaient un état de santé particulier affecte à quel point les résultats sont généralisables à l'ensemble de la population. L’intensité de l’activité physique pratiquée par les participants (faible, modérée ou élevée) n’est pas mentionnée.

Kwan, R. Y. C., Salihu, D., Lee, P. H., Tse, M., Cheung, D. S. K., Roopsawang, I., & Choi, K. S. (2020). The effect of e-health interventions promoting physical activity in older people: a systematic review and meta-analysis. European Review of Aging and Physical Activity, 17(1), 1-17.


Saine alimentation

Est-ce que l'enseignement de la saine alimentation contribue à la consommation de fruits et légumes des personnes plus âgées?

Contexte

Une alimentation malsaine est un facteur de risque majeur de maladies non transmissibles et de déficiences nutritionnelles. Plusieurs interventions ont été proposées pour améliorer les habitudes alimentaires des personnes âgées. L’évaluation de l’efficacité des interventions est à préciser.

Objectifs

Le principal objectif de cette revue systématique d’essais randomisés est d’évaluer l’efficacité d’intervention visant à modifier les habitudes alimentaires grâce à des séances d’enseignement nutritionnel chez des personnes âgées de 60 ans et plus.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Seules les séances d’enseignement nutritionnel portant sur la consommation de fruits et légumes et sur la consommation de fibres alimentaires se sont montrées efficaces. Les interventions réalisées en groupe avec un suivi de plus de 6 mois ont démontré une efficacité supérieure.

Les interventions recensées ont dispensé de l’enseignement nutritionnel en séances individuelles ou en groupe. À la suite des interventions, les participants conservaient les outils (livre, exercices pour gérer ses objectifs, exemples d’activité physique, recettes, plans de repas, menus, feuilles de rétroaction, messages importants à retenir, listes d’épicerie saisonnières, bulletin d’information et des échantillons). Certaines interventions incluaient des suivis téléphoniques effectués afin d’offrir des recommandations personnalisées et de favoriser l’adhésion.

Les interventions favorisaient les comportements alimentaires ayant comme résultat l’augmentation de la consommation : des fruits et légumes, des fibres alimentaires, des produits laitiers, des poissons, des protéines, de l’huile d’olive vierge, des noix, des acides gras mono- et polyinsaturés.

Limites

Plusieurs études ont été réalisées auprès de personnes présentant une problématique de santé particulière telles que le diabète de type 2 ou une maladie cardiaque. Certains échantillons présentaient une petite taille (e.g. 23 participants) et une rigueur méthodologique faible. La méthodologie employée varie aussi d’une étude à l’autre rendant difficile la comparaison de l’efficacité des interventions.

Neves, F. J., Tomita, L. Y., Liu, A. S. L. W., Andreoni, S., & Ramos, L. R. (2020). Educational interventions on nutrition among older adults: A systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials. Maturitas.

 

Participation sociale

Quels sont les facteurs facilitants et les barrières au maintien d’une initiative de participation sociale? Le cas d’une intervention musicale.

Contexte

Aux États-Unis, les personnes âgées sont un sous-groupe de la population qui croît en importance et en diversité. Les auteurs de cette étude ont évalué une intervention visant le maintien de la participation de personnes âgées de diverses origines ethniques à des activités de chorale. Dans le but d’évaluer les conditions favorables à la poursuite du programme, cinq des douze chorales de l’étude initiale ont reçu du financement pour poursuivre leurs activités pour une période supplémentaire de six mois. (Voir Community of Voices pour plus de détails).

Objectifs

Une première étude avait porté sur les bienfaits de la participation à une activité de chorale. Afin qu’elles poursuivent leurs activités, les chercheurs ont offert à cinq des douze chorales un soutien financier, mais sans soutien technique de leur part. L’étude qualitative dont l’objectif était de rapporter les facteurs facilitants et les obstacles au maintien de la participation à une activité de chorale a été réalisée en recueillant les témoignages de personnes âgées, des professionnels de la musique et des administrateurs.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

De façon générale, les personnes âgées ayant participé à la chorale ont ressenti un fort sentiment de bien-être, des émotions positives, un sentiment de connexion et un soutien social important. Les facteurs facilitants et les obstacles à la participation, mais aussi à la poursuite des activités de chorale une fois l’étude terminée se retrouvent à travers trois catégories, présentées ci-après :

Intrapersonnel : Alors qu’un sentiment de bien-être et des émotions positives ont facilité la participation à la chorale, des problèmes de santé majeurs et des émotions négatives ont conduit des participants à interrompre leur participation.

Interpersonnel: Les relations participant-autres membres de la chorale et participant-directeur musical ont influencé l’engagement. Un sentiment de connexion, d’être partie prenante et de s’identifier au groupe ainsi qu’un sentiment de soutien social ont facilité le maintien de l’engagement à la chorale. Des interactions sociales négatives et des conflits d’horaire, en particulier en lien avec des responsabilités familiales des participants, ont représenté des obstacles.

Organisationnel: Des chorales très bien structurées, claires et adaptées à une clientèle plus âgée, le professionnalisme et les talents de pédagogue du directeur de chorale, un espace de répétition confortable et un centre communautaire soutenant et aidant où les personnes âgées se sentent bien, ont agi à titre de facilitateurs. Des problèmes liés au transport, à des changements d’horaire à la dernière minute et aux communications avec le directeur de chorale ou avec le centre communautaire, ont représenté des obstacles. Un coordonnateur, non-membre de la chorale ni directeur musical, a été proposé pour pallier ces problèmes. Les administrateurs ont tous souligné que le financement était essentiel au maintien des activités.

Limites

L’absence d’information et de comparaison avec les participants des autres groupes n’ayant pas reçu de financement supplémentaire pour poursuivre leurs activités constitue une limite. La désirabilité sociale a pu influencer les participants dans leurs réponses et biaiser les résultats de l’étude.

Allison, T. A., Johnson, J. K., Stewart, A. L., Portacolone, E., Simpson, M., McSpadden, S., Sherman, S., & Napoles, A. M. (2020). Sustaining community choirs for diverse older adults after completion of the Community of Voices trial: A multi-stakeholder, multi-site qualitative study


Stimulation cognitive

Chez les aînés, l’art conceptuel peut-il être utilisé comme outil lors d’une intervention en santé cognitive visant à diminuer les risques de démence?

Contexte

La prévalence de la démence devrait tripler entre 2010 et 2050. Les répercussions associées à la démence sont multiples et étendues. Elles entrainent des coûts d’une importance similaire à ceux des maladies du cœur ou du cancer.

Très peu d’études se sont penchées sur la relation entre l’art et la santé cognitive. Dans le but de développer des interventions promouvant la santé cognitive, un projet pilote s’est penché sur la relation entre l’art conceptuelle et le fonctionnement cognitif.

Le programme, appelé The Mind is a Muscle II, d’une durée de 12 semaines, offert à raison d’une séance de 2h par semaine, a pris place dans un centre communautaire. Il a été offert par deux intervenants qualifiés. Cinq projets artistiques ont été complétés par les participants. Chaque projet comportait trois étapes; présentation de la théorie artistique, présentation des processus cognitifs utilisés dans le projet, production d’une création artistique originale par les participants, en lien avec la théorie présentée.

Objectifs

Cette étude pilote examine si des personnes âgées de 60 ans et plus, sans diagnostic de problème de santé cognitive, ayant participé à une intervention visant la promotion de la santé cognitive à travers l’art conceptuel sur une période de 12 semaines, présentent une amélioration de leurs fonctions cognitives et de leur bien-être psychosocial.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

En dématérialisant le processus de création artistique (c.-à-d. en mettant l’accent sur les idées que l’artiste souhaite communiquer par rapport à la production physique et à son aspect esthétique), l'art conceptuel rend la création artistique plus accessible aux personnes âgées ou à celles qui n’ont pas accès à des fournitures artistiques traditionnelles (ex. canevas, chevalet, pinceaux, peinture, etc.).

Les résultats de l’étude indiquent une amélioration statistiquement significative des fonctions exécutives, de la flexibilité cognitive, de la satisfaction à l’égard de la vie, mais pas de la réserve cognitive. Une exploration qualitative des perceptions des participants quant aux retombées de l’intervention a révélé que, dans l’ensemble, les aînés ont l’impression d’avoir acquis des compétences et des connaissances qui ont favorisé « leur croissance personnelle et leurs apprentissages ». Ils rapportent avoir développé leur ouverture d’esprit et leur sens critique, avoir été mis au défi de façon positive et avoir une meilleure compréhension de la notion de santé cognitive. Les participants ont aussi mentionné que le matériel pédagogique était stimulant et pertinent. 

Parmi les facteurs ayant facilité le succès du programme, on retrouve la proximité physique entre le lieu de résidence et le lieu d’intervention (immeuble voisin), le fait que l’activité favorisait la participation sociale, le fait que la thématique de l’activité tournait autour de la santé cognitive et du vieillissement (sujets jugés intéressants par les participants) et des instructeurs qualifiés tant en art qu’en pédagogie de l’art.

Limites

Cette étude est un projet pilote qui comportait un échantillon restreint. De plus, la durée des bienfaits documentés semble incertaine pour les fonctions exécutives. Le nombre et la durée optimale des séances sont à déterminer.

Brown, C. J., Chirino, A. F. C., Cortez, C. M., Gearhart, C., & Urizar, G. G. (2020). Conceptual Art for the Aging Brain: Piloting an Art-Based Cognitive Health Intervention. Activities, Adaptation & Aging, 1-31. 


Rédacteurs

Alexandre Castonguay, conseiller scientifique spécialisé
Cinthia Maheu, conseillère scientifique

Collaborateurs
André Tourigny, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive
Denise Aubé, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive
Réal Morin, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive

Sous la coordination de
Roseline Olivier-Pilon, chef d’unité scientifique

Mise en page et révision
Louise Allard, agente administrative

Équipe vieillissement en santé
Unité des stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé cognitive.