Changements à la direction médicale du Centre antipoison du Québec

Auteur(s)
Pierre-André Dubé
B. Pharm., Pharm. D., M. Sc., C. Clin. Tox., Pharmacien-toxicologue, Institut national de santé publique du Québec
Anne Letarte
infirmière clinicienne, Conseillère en soins infirmiers, Centre antipoison du Québec

Introduction

Selon des données américaines publiées en septembre 2012, le retour sur l’investissement, c’est-à-dire les économies engendrées sur les soins médicaux et sur la perte de productivité, pour chaque dollar de financement par année octroyé à un centre antipoison est de 13,39 $ US(1). Il est donc démontré hors de tout doute que les centres antipoison apportent un soutien et une expertise importants aux systèmes de soins de santé et de services sociaux. Le Centre antipoison du Québec (CAPQ) ne fait pas exception à cette règle. Le CAPQ est une entité unique d’expertise en toxicologie aiguë au Québec. Il a été créé en 1986 afin d’offrir gratuitement des services, 24 heures par jour et 7 jours par semaine, au grand public et aux professionnels de la santé aux prises avec des situations urgentes d’empoisonnement. Jusqu’au 30 juin 2015, soit durant 29 ans, la direction médicale du CAPQ a été assumée par le Dr René Blais. Toutefois, il a quitté ses fonctions pour une retraite bien méritée. L’arrivée de la Dre Maude St‑Onge à la tête de la direction médicale du centre, le 1er juillet 2015, laisse présager ainsi de possibles changements aux façons de faire du CAPQ. Cet éditorial a pour objectif de présenter brièvement, sous la forme d’un interview, le directeur médical sortant et la directrice médicale entrante.

René Blais

Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour la toxicologie?

« Durant mes études médicales, j’avais une passion pour les mécanismes d’action, la physiologie, et la pharmacologie bien sûr! J’avais besoin de comprendre. J’ai d’ailleurs compris qu’on peut sauver une vie avec un médicament, mais qu’on peut aussi tuer le patient si ce médicament est mal utilisé. Et Paracelse a fait le reste : « C’est la dose qui différencie un remède d’un poison ». À l’époque, on ne nous enseignait pour ainsi dire aucune notion de toxicologie à l’université. Lorsque j’ai commencé à exercer aux urgences du Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), j’ai naturellement hérité de la mise à jour des antidotes dans le service. Je me souviens d’ailleurs d’avoir fait une demande au comité de pharmacologie pour ajouter au formulaire de l’hôpital un nouveau médicament appelé naloxone… Mon intérêt marqué pour la pharmacologie et la médecine d’urgence ainsi que la présence à l’intérieur du CHUL de l’un des trois centres antipoison québécois ont fait que la toxicologie médicale est devenue progressivement une passion. »

Quelle est votre plus grande fierté à propos du Centre antipoison du Québec?

« C’est sans l’ombre d’un doute d’avoir contribué à le rendre de plus en plus incontournable pour la population ainsi que pour un grand nombre de professionnels de la santé de différentes spécialités. Au début, nous avions une crédibilité à acquérir, car nous étions peu connus. Nous avons donc bâti une équipe dont la compétence est maintenant reconnue partout. Malgré le roulement élevé de personnel, il est toujours resté au CAPQ un noyau de passionnés qui ont su transmettre leur enthousiasme et leur curiosité scientifique aux recrues. Nous pouvons aussi être fiers qu’au-delà de 300 médecins résidents de diverses spécialités aient effectué un stage au CAPQ au fil des ans, ce qui a facilité la création de liens à la grandeur de la province. Aujourd’hui, les coroners investigateurs vérifient que le CAPQ a été consulté, et les intervenants en santé publique reconnaissent et apprécient notre expertise, tout comme les autres organismes au service du public (corps policiers, médias, réseaux de garderies, etc.). »

Quels sont les enjeux futurs du Centre antipoison du Québec?

« Depuis sa création, les efforts ont surtout été axés sur le développement d’une équipe compétente et la création de liens avec les différents partenaires de la province. Un peu comme c’est le cas pour une petite entreprise, le CAPQ a acquis une belle maturité en améliorant son produit. Le temps est maintenant venu d’élargir ses horizons, entre autres choses, en développant la toxicologie clinique au chevet. S’il survenait un événement de nature toxique impliquant un très grand nombre de personnes (acte malveillant, accident industriel, etc.), le Québec ne tirerait pas facilement son épingle du jeu. Il faut donc que les forces en présence (CAPQ, INSPQ, santé publique, centres hospitaliers) convergent afin d’être prêtes le moment venu. Un autre défi sera de préserver les acquis, car tous ne semblent pas convaincus qu’un dollar investi dans un centre antipoison en fait économiser treize en moyenne. »

Maude St-Onge

Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour la toxicologie?

« La toxicologie est une science en pleine évolution qui englobe tant les aspects individuels que les aspects populationnels. Elle est souvent le symptôme de comportements ou d’états d’âme sociaux (ex. : tentatives de suicide, abus de substances, négligence) qui nous amènent à cheminer sur le plan personnel. La toxicologie est la science devant laquelle on s’incline en réalisant que toutes les années d’une vie ne suffiront jamais pour en maîtriser les subtilités. Finalement, la présence d’un mentor tel que le Dr René Blais a, bien entendu, inspiré mes passions. »

Pourquoi avez-vous choisi de travailler au Centre antipoison du Québec?

« Le CAPQ est un joyau provincial soutenu par l’enthousiasme et la passion d’une équipe dynamique. Chef de file en toxicologie aiguë au Québec, le CAPQ est l'un des rares organismes accompagnant le patient du domicile au centre hospitalier. Cela permet non seulement de diminuer significativement le nombre de consultations en centre hospitalier, mais également de guider les professionnels de la santé dans l’évaluation et la prise en charge des intoxications aiguës. Faire partie de l’équipe du CAPQ permet de rester à l’affût de l’émergence d’épiphénomènes et d’intervenir de manière proactive de concert avec plusieurs collaborateurs. Travailler au sein de cet organisme donne l’occasion d’avoir un impact concret sur la création de connaissances par la mise sur pied de projets de recherche et la participation à ces derniers ainsi que sur le transfert des connaissances, en offrant des stages aux professionnels de la santé, des conférences, des formations, etc. C’est avec la même fierté que je porterai le flambeau tenu par le Dr René Blais pendant toutes ces années. »

Quelle est votre vision pour le futur du Centre antipoison du Québec?

« Le maintien des acquis sera certes une priorité. Cependant, nous désirons nous rapprocher des patients en intégrant davantage des technologies comme la télémédecine. L’objectif serait de faciliter l’évaluation et la prise en charge des patients tout en utilisant les ressources plus judicieusement (diminution du nombre de transferts, du temps de consultation). Si l’occasion se présente, le CAPQ pourrait faciliter la mise en place et l’encadrement de services de toxicologie clinique au chevet afin d’encourager la diffusion d’une expertise en toxicologie tout en ayant pour objectif d’améliorer la qualité des soins et de diminuer la durée du séjour en centre hospitalier. Sur le plan de la formation, différents outils facilitant le transfert des connaissances seront considérés. L’intégration de la recherche sera d’une importance cruciale pour évaluer si les approches utilisées ou les projets-pilotes testés atteindront les objectifs. Le CAPQ a aussi le potentiel de contribuer significativement à l’avancement des connaissances de manière à améliorer l’efficience de l’évaluation et de la prise en charge des patients intoxiqués. Finalement, le CAPQ doit maintenir une collaboration étroite avec les acteurs clés impliqués en toxicologie, notamment pour des projets d’envergure comme l’établissement d’une base de données canadienne. Les possibilités pour établir ou consolider de nouveaux liens seront saisies afin de faire rayonner ce joyau provincial. »

Conclusion

Le Dr René Blais a participé à la naissance du CAPQ et a assuré sa croissance en s’appuyant sur une équipe d’infirmières et de toxicologues compétents. Il a été le mentor qui a permis le développement et le maintien des compétences des infirmières du CAPQ de même que celles de plusieurs médecins et pharmaciens du Québec. Il a fait en sorte que le CAPQ soit maintenant un service reconnu et incontournable non seulement auprès des professionnels de la santé du Québec, mais aussi auprès d’organismes de santé publique et de sécurité civile. Récipiendaire de nombreux prix et distinctions, le Dr Blais a fait croître la notoriété du CAPQ. Il faut le remercier pour sa passion, son engagement et son dévouement envers l’équipe du CAPQ et ses collaborateurs. Ses nombreux amis, collègues et admirateurs lui souhaitent une très belle retraite!

La Dre Maude St-Onge pourra sans l’ombre d’un doute propulser une équipe mature d’infirmières et de toxicologues vers de nouveaux sommets. L’avenir du CAPQ est donc entre de bonnes mains. Cette jeune médecin arrive avec toute sa fougue, sa passion, ses idées, son engagement et sa grande sensibilité. On voit poindre à l’horizon des façons de travailler différentes, une diversification de l’offre d’enseignement, l’arrivée de la recherche clinique et de l’emploi de technologies novatrices. Elle sera certainement une excellente ambassadrice du CAPQ. Bienvenue à la Dre Maude St‑Onge et à son dynamisme légendaire!

Le Dr René Blais a largué les amarres et a mené à bon port le CAPQ à travers vents et marées. C’est maintenant à la Dre Maude St-Onge de conduire le CAPQ vers de nouvelles destinations.

Pour toute correspondance

Pierre-André Dubé
Institut national de santé publique du Québec
945, avenue Wolfe, 4e étage, Québec (Québec)  G1V 5B3
Téléphone : 418 650-5115, poste 4647
Télécopieur : 418 654-2148
Courriel : [email protected]

Référence

  1. The Lewin Group., inc. Final report on the value of the poison center system. The Lewin Group, Inc.; 2012.

Dubé PA, Letarte A. Changements à la direction médicale du Centre antipoison du Québec. Bulletin d’information toxicologique 2015;31(3):1-4. [En ligne] https://www.inspq.qc.ca/toxicologie-clinique/changements-la-direction-m…

Numéro complet (BIT)

Bulletin d'information toxicologique, Volume 31, Numéro 3, septembre 2015