Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 11, numéro 3, octobre 2021

Dans cette veille, l’équipe de lutte contre le tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.

Politiques et législation

L’impact anticipé de l’interdiction des arômes sur les clients des boutiques de vapotage

Contexte

La restriction des liquides aromatisés de vapotage est une mesure envisagée dans plusieurs juridictions, dont le Canada, pour contrer l’augmentation rapide du vapotage chez les adolescents et les jeunes adultes non-fumeurs. L’impact de cette mesure sur les fumeurs qui veulent utiliser les produits de vapotage pour arrêter de fumer reste peu documenté et difficile à anticiper.

Objectifs

Cette étude a analysé les relations entre les préférences de saveurs, le vapotage pour cesser de fumer, la dépendance aux produits de vapotage, la perception des effets néfastes, ainsi que l’intention d’achat et d’utilisation de ces produits dans l’éventualité d’une interdiction des liquides aromatisés de vapotage chez des clients de boutiques spécialisées dans la vente de produits de vapotage. Entre juillet 2019 et mars 2020, les clients de 44 boutiques en Californie ont été approchés pour répondre à un sondage. L’échantillon final compte 276 clients ayant vapoté au cours des 30 jours précédents. Trois participants sur quatre (75 %) avaient fumé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie, 72 % rapportaient avoir arrêté de fumer à l’aide de produits de vapotage, et 78 % vapotaient tous les jours.

Qu'est-ce qu'on y apprend?

  • Les participants qui préféraient les saveurs autres que celle de tabac avaient moins l’intention de continuer à acheter du liquide de vapotage et à vapoter dans le cas où seulement la saveur de tabac serait permise.
  • Les participants qui rapportaient utiliser les produits de vapotage pour cesser de fumer ont indiqué une plus grande intention de continuer à acheter du liquide de vapotage et à vapoter dans le cas où seul l’arôme de tabac serait permis.
  • La préférence pour un liquide aromatisé à une saveur autre que tabac n’était pas associée à la perception de nocivité des produits de vapotage. De plus, la perception de nocivité ne différait pas entre les participants qui vapotaient pour cesser de fumer et ceux qui vapotaient pour d’autres raisons.
  • La dépendance aux produits de vapotage était associée à la perception de nocivité des produits de vapotage, à une plus grande intention de continuer à acheter du liquide de vapotage et à vapoter dans le cas d’une interdiction des arômes.

Peu d’études permettent d’anticiper l’impact d’une interdiction des liquides aromatisés sur les fumeurs et anciens fumeurs utilisant les produits de vapotage à des fins d’arrêt tabagique. Cette étude suggère que les participants ayant déclaré vapoter pour arrêter de fumer semblaient vouloir continuer à acheter les liquides de vapotage aromatisés au tabac et à utiliser les produits de vapotage malgré une interdiction des autres arômes. Bien que l’échantillon ne soit pas représentatif de tous les vapoteurs, notamment ceux qui achètent leurs produits en ligne, cette étude contribue à documenter l’impact potentiel d’une telle mesure sur une clientèle moins étudiée.

Huh J., Yu S., Galimov A., Meza L. R., Galstyan E., Medel D., et coll., Hypothetical flavour ban and intention to vape among vape shop customers: The role of flavour preference and e-cigarette dependence. Tob Control 2021; doi: 10.1136/tobaccocontrol-2020-056321.

Impacts mitigés de l’ajout d’interdictions de vapoter aux interdictions de fumer dans les lieux de travail ou les restaurants aux États-Unis

Contexte

À la suite de l’arrivée de la cigarette électronique sur le marché nord-américain, la prévalence de son usage a rapidement escaladé chez les adolescents et les jeunes adultes. En réponse à cette nouvelle tendance, certains états, comtés et localités aux États-Unis ont ajouté des interdictions de vapoter aux interdictions de fumer déjà existantes dans certains lieux intérieurs tels que les lieux de travail ou les restaurants. Ces mesures visent à protéger les non-vapoteurs contre l’exposition aux composantes toxiques de l’aérosol émis par la cigarette électronique, mais peuvent aussi contribuer à réduire l’usage de ce produit.

Les chercheurs émettent l’hypothèse que les interdictions de fumer dans les lieux de travail et les restaurants pourraient contribuer à augmenter la prévalence de l’usage des produits de vapotage, puisque plusieurs fumeurs utilisent ces produits pour cesser de fumer et d’autres pourraient remplacer l’usage de la cigarette par celui de la cigarette électronique dans les lieux où il est interdit de fumer. Toutefois, ce ne serait pas nécessairement le cas chez les jeunes adultes en raison de leur moindre dépendance à la nicotine.

Objectifs

Cette étude visait à estimer l’impact aux États-Unis d’interdictions de fumer et de vapoter sur l’usage de la cigarette de tabac et la cigarette électronique, de même que sur le renoncement au tabac. Pour ce faire, les auteurs ont analysé les données de cinq vagues (2014‑2018) de l’enquête transversale National Health Interview Survey. Au total, 87 334 participants âgés de 18 à 54 ans ont été inclus dans l’étude. L’adoption d’interdictions de fumer ou de vapoter sur les lieux de travail et dans les restaurants au niveau des états, des comtés ou des localités été déterminée à partir d’une compilation réalisée par l’American Nonsmokers’ Rights Foundation.

Des modèles de régression linéaires multivariés ont été utilisés pour estimer l’association entre l’existence d’interdictions de fumer et de vapoter dans les lieux de travail ou les restaurants et a) la prévalence de l’usage actuel de la cigarette de tabac chez les jeunes adultes de 18-25 ans, b) l’usage récent de la cigarette électronique chez les jeunes adultes de 18-25 ans, c) le renoncement au tabac au cours des 12 mois précédents chez les adultes de 26-54 ans.

Qu'est-ce qu'on y apprend?

  • Les interdictions de fumer sur les lieux de travail seraient associées à des diminutions statistiquement significatives du tabagisme actuel (cinq points de pourcentage) et du vapotage récent (quatre points de pourcentage) chez les 18-25 ans.
  • Les interdictions de fumer sur les lieux de travail augmenteraient d’environ trois points de pourcentage la proportion de 26-54 ans ayant cessé de fumer dans les 12 derniers mois.
  • Le fait d’ajouter des interdictions de vapoter dans les lieux de travail ne génèrerait pas de diminution additionnelle du vapotage récent ou d’augmentation du renoncement au tabac, et pourrait contrer en partie l’association négative observée entre le tabagisme actuel et les interdictions de fumer dans les lieux de travail.
  • Les interdictions de fumer dans les restaurants, qu’elles soient ou non accompagnées d’interdictions de vapoter, ne sont pas statistiquement associées à une réduction du tabagisme actuel ou du vapotage récent, ni à une augmentation du renoncement au tabac.

Bien qu’ils soient produits à partir de données recueillies aux États-Unis et que la situation législative québécoise ne corresponde pas nécessairement à celle des divers États américains, ces résultats fournissent des informations intéressantes pour les décideurs québécois. Ils indiquent tout d’abord que l’adoption d’interdictions de fumer dans les lieux de travail contribue à une réduction significative du tabagisme et du vapotage ainsi qu’à une augmentation du renoncement au tabac, ce qui appuie la pertinence et l’efficacité de cette mesure mise en place depuis plusieurs années au Québec. Ces résultats impliquent aussi que l’émergence du phénomène du vapotage n’aurait pas altéré, aux États‑Unis, l’efficacité des interdictions de fumer comme mesure de lutte contre le tabagisme. En effet, l’hypothèse voulant que les fumeurs aient substitué la cigarette de tabac par la cigarette électronique dans les lieux de travail tout en continuant de fumer la cigarette à la maison n’est pas soutenue par les données de cette étude, les interdictions de fumer étant plutôt associées à une diminution de la prévalence de l’usage des deux produits.

Les résultats suggèrent toutefois qu’il n’y aurait pas de valeur ajoutée à interdire de vapoter lorsqu’une interdiction de fumer est déjà présente, cette mesure n’étant pas statistiquement associée à une diminution supplémentaire du vapotage récent chez les jeunes adultes de 18-25 ans. Les auteurs précisent finalement ne pas être en mesure d’invalider l’hypothèse voulant que les interdictions de vapoter atténuent l’impact des interdictions de fumer sur la prévalence du tabagisme actuel au sein de ce groupe d’âge, ce qui ne constituerait pas un bénéfice pour la santé publique.

Friedman A. S., Oliver J. F., Busch S. H., Adding vaping restrictions to smoke-free air laws: associations with conventional and electronic cigarette use. Addiction 2021; 116:2198-2206.

Cigarette électronique

Quelles sont les considérations à prendre en compte au sujet des risques et bénéfices des cigarettes électroniques?

Contexte

La cigarette électronique, créée au début des années 2000, fait toujours l’objet d’intenses débats au sein de la communauté scientifique. Alors que ses détracteurs s’inquiètent des risques encourus chez les jeunes, ses supporteurs mettent l’emphase sur son potentiel d’aide à l’arrêt tabagique. Plusieurs organisations de santé américaines se sont concentrées sur les risques de la cigarette électronique chez les jeunes, influençant ainsi fortement la couverture médiatique et la compréhension, par le grand public, des divers enjeux reliés à ce produit. Selon Wackowski et coll. (2021), 70 % des articles publiés dans les médias américains entre 2015 et 2020 portaient sur les risques du vapotage chez les jeunes contre à peine 37 % sur les bénéfices potentiels chez les fumeurs.

Objectifs

L’objectif de cet article est de revoir les effets de la cigarette électronique sur la santé, les inquiétudes concernant le vapotage chez les jeunes, la probabilité que les produits de vapotage augmentent le renoncement au tabac chez les fumeurs, et le besoin de prendre en compte ces diverses considérations. Les 15 auteurs de cet article sont tous d’anciens présidents de la Society for Research on Nicotine and Tobacco (SRNT).

Qu'est-ce qu'on y apprend?

Effets sur la santé
  • Selon les National Academies of Sciences, Engineering and Medicine et le British Royal College of Physicians, les produits de vapotage seraient moins néfastes pour la santé que les produits du tabac de combustion, bien qu’ils ne soient pas dépourvus de risques pour la santé.
  • Des chercheurs ayant réalisé des études sur des cellules ou chez des animaux ont observé des effets néfastes de l’aérosol de cigarette électronique. Cependant, il est difficile d’extrapoler ces résultats à l’humain.
  • Le vapotage peut aggraver l’asthme, la bronchite et la toux, mais quelques études rapportent que les fumeurs souffrant d’asthme ou de maladie pulmonaire obstructive chronique voient leurs symptômes s’améliorer quand ils substituent leur cigarette de combustion par la cigarette électronique.
  • Les effets aigus causés par les produits de vapotage observés lors d’études chez l’humain ne prédiraient pas nécessairement la survenue de maladies. À titre d’exemple, la cigarette électronique modifierait les tests de fonction endothéliale, un phénomène souvent observé dans la maladie cardiovasculaire. Or, lorsque les fumeurs transitent vers les produits de vapotage, la fonction endothéliale s’améliore.
  • Plusieurs chercheurs ayant conclu que vapoter est moins nocif que fumer la cigarette se basent sur les arguments suivants, soit qu’on retrouve : a) un nombre de composantes chimiques beaucoup moins grand dans l’aérosol des produits de vapotage, b) une concentration moins élevée des composantes toxiques dans les cigarettes électroniques, c) des niveaux de biomarqueurs reliés aux composantes toxiques beaucoup moins élevés chez les utilisateurs exclusifs de cigarettes électroniques que chez les fumeurs de cigarettes de tabac, et d) des tests de fonction pulmonaire et vasculaire indiquant une amélioration chez les fumeurs ayant substitué leurs cigarettes de combustion par des produits de vapotage.
Principales inquiétudes concernant le vapotage chez les jeunes
  • Les produits de vapotage peuvent rendre les jeunes dépendants de la nicotine. Cependant, selon des données recueillies auprès de plus de 86 000 jeunes étudiants américains (Jackson et coll., 2021), la hausse de prévalence de l’usage de produits de nicotine observée entre 2012 et 2019 ne s’est pas traduite par une augmentation similaire de la dépendance à la nicotine.
  • Selon des études prospectives, les jeunes vapoteurs n’ayant jamais fumé de cigarettes de tabac seraient plus à risque de s’initier au tabagisme, ce qui pourrait suggérer un phénomène de « passerelle ». Par contre, certains chercheurs croient que cette relation serait due à des facteurs communs comme le fait que les jeunes vapoteurs soient plus sujets à avoir des comportements à risque. D’autres chercheurs font observer que plusieurs facteurs confondants comme l’usage de substances psychoactives ne sont pas considérés lors des analyses.
  • Les études chez les animaux révèlent que la nicotine pourrait affecter la maturation de certaines parties du cerveau reliées aux processus décisionnels menant ainsi à un comportement impulsif, des déficits cognitifs et une plus grande propension à faire usage de drogues. De plus, il existe des données selon lesquelles des changements sont observés dans les cerveaux d’adolescents qui fument, lesquels changements sont interprétés comme reflétant les effets néfastes retrouvés dans les études animales. Or, la validité de telles extrapolations est encore spéculative selon certains chercheurs, car elle ne tient pas compte de déterminants comme des facteurs génétiques, l’influence de l’abus d’autres substances et le rôle de problèmes neuropsychiatriques.
Vapotage et arrêt tabagique
  • Selon deux études contrôlées randomisées et deux recensions systématiques décrites par les auteurs, les produits de vapotage seraient plus efficaces que les produits de remplacement de la nicotine ou que les produits de vapotage sans nicotine comme outil d’aide à l’arrêt tabagique. Cependant, le US Preventive Services Task Force estime que les données probantes ne sont pas assez robustes pour les recommander dans ses lignes directrices publiées en 2021.
  • Les études populationnelles semblent confirmer les données des études randomisées selon lesquelles les produits de vapotage doubleraient presque les taux de renoncement au tabac.
  • Une méta-analyse fréquemment citée rapporte que les probabilités de cesser de fumer seraient plus faibles chez les fumeurs qui utilisent les produits de vapotage (Kalkhoran et Glantz, 2016). Toutefois, cette analyse a combiné des essais cliniques, des études de cohorte et des études transversales, une pratique inappropriée lors de la réalisation de méta-analyses.
  • Aux États-Unis, depuis plusieurs années, les ventes de cigarettes déclinent de 2 % à 3 % annuellement. Cependant, on a observé une diminution plus rapide des ventes de cigarettes pendant que les ventes de produits de vapotage augmentaient. À la suite de l’épidémie des maladies respiratoires associées aux produits de vapotage en 2019, et après la mise en place de restrictions de ventes de cigarettes électroniques, les ventes de produits de vapotage ont baissé et celles de cigarettes de tabac ont augmenté.
Stratégies permettant un équilibre entre les risques et les bénéfices potentiels des produits de vapotage

Les auteurs estiment que les bénéfices potentiels de la cigarette électronique comme outil d’aide à l’arrêt tabagique méritent autant d’attention que les risques encourus par les jeunes. Aussi, en plus des mesures reconnues efficaces pour le renoncement au tabac, certaines mesures additionnelles sont proposées.

  • Taxer davantage les produits du tabac combustibles que les produits de vapotage.
  • Plutôt que de bannir toutes les saveurs des produits de vapotage, permettre la vente de produits aromatisés uniquement dans les points de vente restreints aux adultes.
  • Développer des messages différentiels sur les produits de vapotage qui cibleraient les jeunes (risques) et les fumeurs (bénéfices potentiels).
  • Interdire toute promotion des produits de vapotage ciblant les jeunes et les jeunes adultes.
  • Réduire la concentration de nicotine dans les cigarettes de tabac à des niveaux ne pouvant pas maintenir une dépendance, tout en s’assurant de rendre accessibles des produits de nicotine moins nocifs.
Critique de Samet et Barrington-Trimis

Dans un éditorial associé à cet article, deux auteurs s’interrogent sur ce qu’ils qualifient d’intergenerational trade-off entre les bénéfices à court terme potentiels pour les fumeurs plus âgés et les effets néfastes inconnus à plus long terme chez les jeunes. Selon eux, la dépendance à la nicotine des jeunes est une issue inacceptable dans une approche de réduction des méfaits chez les adultes. Pour le moment, les données ne permettent pas de déterminer si l’accès aux produits de vapotage dans les points de vente permet de réduire l’usage du tabac chez les adultes sans augmenter la dépendance à la nicotine chez les jeunes. Seulement la recherche dans la « vraie vie » permettra de répondre à cette question cruciale.

Balfour D. J., Benowitz N. L., Colby S. M., Hatsukami D. K., Lando H. A., Leischow S. J., et coll., Balancing consideration of the risks and benefits of e-cigarettes. Am J Public Health 2021;(0):e1-e12.
Samet J. M., Barrington-Trimis J., E-cigarettes and harm reduction: An artificial controversy instead of evidence and a well-framed decision context. Am J Public Health 2021;(0):e1-e3.

Renoncement au tabac

Interventions de renoncement au tabac : un avenir prometteur à travers des technologies numériques existantes

Contexte

Les interventions utilisant une ou des technologies numériques permettent d’offrir aux personnes souhaitant arrêter de fumer des alternatives aux interventions offertes au téléphone ou en personne, tout en étant accessibles selon des modalités plus souples. Elles sont accessibles via un téléphone portable conventionnel, un téléphone intelligent (smartphone), une tablette numérique ou un ordinateur. Ces interventions préconisent habituellement quatre modes de transmission des messages : les messages texte, les applications mobiles, les sites Web et les courriels. Certaines interventions peuvent combiner plusieurs modes de transmission, par exemple un site Web accompagné de l’envoi de courriels ou encore, un site Web associé à une application mobile ou à des messages texte.

Objectifs

Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) a récemment analysé l’efficacité des interventions de renoncement au tabac utilisant les technologies numériques. Seuls les résultats provenant d’essais randomisés contrôlés, avec un suivi minimum de six mois, ont été examinés dans le cadre de cette revue systématique avec méta-analyse. Au total, 19 études publiées entre 2007 et 2018 et effectuées auprès de fumeurs de tous âges ont été retenues par les auteurs.

Qu'est-ce qu'on y apprend?

  • Les messages texte et les interventions mixtes combinant divers modes de transmission, soit les sites Web, courriels et/ou messages texte, seraient plus efficaces en termes de renoncement au tabac que les interventions témoins. La plupart des interventions témoins fournissaient de la documentation d’autoassistance et des conseils généraux en lien avec le renoncement au tabac (en format papier ou Web).
  • Les interventions utilisant une ou des technologies numériques offrant des modalités de personnalisation s’avèrent également plus efficaces que les interventions témoins.
  • Les interventions basées sur des sites Web ont été efficaces pour augmenter l’abstinence au tabac comparativement aux interventions témoins, mais les changements n’étaient pas significatifs.

Recommandations

  • Le NICE recommande de prioriser les interventions utilisant les messages texte, car elles demeurent plus faciles à implanter et à adapter aux interventions actuellement en place. Les messages texte sont également accessibles à un large éventail d’individus et ne nécessitent pas un appareil technologique dernier cri pour fonctionner adéquatement.
  • Comme les interventions disponibles par téléphone et en personne sont reconnues efficaces et peuvent être préférées par certaines personnes, le NICE recommande que les interventions utilisant une ou des technologies numériques soient offertes en complément à ces dernières.
  • Le NICE recommande de baser la personnalisation des interventions sur les caractéristiques individuelles des fumeurs en début d’intervention, dont le choix de la date d’arrêt, le nombre de cigarettes fumées et les raisons motivant l’abandon.
  • Bien que les preuves d’efficacité soient insuffisantes pour statuer sur l’efficacité des interventions ciblant les groupes socioéconomiquement défavorisés, le NICE recommande tout de même de les adapter à ces groupes, car leurs besoins et leur utilisation seront différents de ceux des autres populations.
  • La qualité de l’évidence relative à ces recommandations varie, selon le NICE, de modérée à très basse. Les recommandations émises devraient, à cet égard, être interprétées avec précaution.

Une revue systématique publiée par l’organisme Cochrane (Whittaker et coll., 2019) a également évalué l’efficacité des interventions utilisant les messages texte et les applications mobiles. Selon cette revue, les interventions utilisant les messages texte augmentent le taux de renoncement au tabac de 54 %, lorsque comparées à aucun soutien ou à un soutien minimal (liens vers des sites Web, soins habituels d’un clinicien, etc.). Les messages texte haussent également le taux de renoncement de 59 %, lorsqu’ajoutés à une intervention de renoncement au tabac. Par rapport aux interventions utilisant une application mobile pour téléphone intelligent, les analyses n’ont fourni aucune preuve qu’elles améliorent la probabilité de renoncer au tabac lorsque comparées à des applications de moindre intensité ou à une assistance minimale sans application mobile.

National Institute for Health and Care Excellence. National Institute for Health and Care Excellence. Behaviour change: digital and mobile health interventions. Evidence review A: smoking behaviour. London, UK: National Institute for Health and Care Excellence, 2020.

Prévention du vapotage

La prévention du vapotage par le biais des réseaux d’amis de pairs leaders

Contexte

Le recours aux pairs leaders dans le cadre d’interventions de prévention du tabagisme est fréquent et la pertinence de cette pratique est reconnue dans la littérature scientifique. Leur implication peut varier grandement d’un programme à l’autre, mais ils agissent souvent comme soutien aux enseignants qui mettent en œuvre une intervention, ou encore comme modérateur à des discussions structurées ou informelles.

Objectifs

L’intervention dont il est question dans cette étude pilote, Above the Influence of Vaping, est un peu différente. Elle mise sur le potentiel d’élèves, choisis par leurs pairs, à diffuser des messages de prévention à travers leurs réseaux d’amis et à réaliser des activités de sensibilisation. Ces pairs leaders (PL), ainsi que les membres du personnel identifiés pour les soutenir, sont formés sur différents aspects du vapotage et sur le rôle des relations de soutien pour résister à la pression des pairs. Par la suite, les PL (= 50) développent quatre campagnes de sensibilisation à partir des ressources mises à leur disposition.

Dans cette étude pilote, les auteurs explorent la composition des réseaux d’élèves à faible risque de vapoter et ceux à risque élevé (proximité avec des amis à faible risque, avec des amis qui ont vapoté au cours des 30 jours précédents, avec des amis PL, présence d’un adulte de confiance dans la vie de l’élève et des amis de son réseau, etc.). Les auteurs mesurent également le niveau de diffusion de l’intervention.

Des élèves de la 8e année (13-14 ans) de trois écoles de l’État de New York (= 377) ont répondu à un questionnaire avant l’intervention en 2019 et à nouveau 12 à 16 semaines plus tard. Ce questionnaire portait sur l’usage de produits de vapotage au cours des 30 jours précédents, sur la susceptibilité à utiliser ces produits dans la prochaine année, ainsi que sur l’attitude à l’égard du vapotage. Les élèves, incluant les PL, nommaient jusqu’à sept amis proches et un adulte à l’école sur lequel ils pouvaient compter, ce qui permettait aux chercheurs de construire les réseaux de relations. L’exposition à la campagne et la participation à une activité étaient également mesurées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Le recours aux PL dans cette intervention permet effectivement une bonne diffusion des messages de prévention à travers leurs liens d’amitié. De fait, environ 80 % des élèves à risque de vapoter dans la prochaine année et des non-vapoteurs résolus se souviennent avoir été exposés à l’intervention après cette dernière.
  • Toutefois, les élèves proches des PL sont plus susceptibles d’être des non-vapoteurs résolus au départ, et ces derniers ont davantage participé aux activités que les élèves à risque (39 % comparativement à 27 %).

Cette étude pilote permet de mettre en lumière des observations qui pourraient contribuer à améliorer ce type d’interventions. D’une part, les auteurs observent que les élèves à risque qui avaient plus d’amis PL étaient plus susceptibles de devenir des non-vapoteurs résolus au suivi de 12 à 16 semaines. Ainsi, il semble particulièrement important de miser sur des PL en lien avec des élèves à risque ou qui vapotent, plutôt que des PL entourés d’amis non-vapoteurs résolus. D’autre part, les auteurs constatent que les élèves à risque et les vapoteurs récents étaient significativement plus susceptibles d’être isolés des adultes. Cela peut traduire un plus faible sentiment d’appartenance à l’école et une moins grande propension à compter sur les membres du personnel en cas de besoin, d’où l’importance d’insister sur le renforcement des liens avec des membres du personnel disposés à soutenir ces jeunes et les aider à résister aux pressions du vapotage.

Soulignons pour finir que cette étude pilote comprend un nombre relativement limité d’élèves et n’avait pas comme objectif principal d’évaluer l’efficacité de l’intervention. Par ailleurs, les impacts de la diffusion des messages préventifs à un niveau outrepassant les liens directs d’amitié pourraient possiblement être perceptibles lors d’un suivi à plus long terme.

Wyman P. A., Rulison K., Pisani A. R., Alvaro E. M., Crano W. D, Schmeelk-Cone K., et coll. Above the influence of vaping: Peer leader influence and diffusion of a network-informed preventive intervention. Addict Behav, 2001; 113:106693.


Rédacteurs

Benoit Lasnier
Michèle Tremblay
Zineb Khalladi
Sébastien O’Neill
Léa Gamache

Équipe de lutte contre le tabagisme, Unité Habitudes de vie/Municipalités en santé
Direction du développement des individus et des communautés

Coordonnateur
Benoit Lasnier

Réviseurs
Annie Montreuil
Benoit Lasnier
Michèle Tremblay
Léa Gamache

Mise en page et révision
Marie-Cloé Lépine

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Cette veille a été réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).