Dosage biologique (fiche technique)

Dosage biologique

Les données disponibles montrent que le dosage biologique des PFAS n’est pas indiqué en clinique pour les personnes de la population générale. Les résultats du dosage biologique ne permettent pas d’orienter les conseils sur l’exposition et le traitement ou de prédire de futurs problèmes de santé. Étant donné les incertitudes sur certains effets à la santé et les concentrations sériques auxquelles ces effets se produisent ainsi que les difficultés d'interprétation des tests de dosage biologique des PFAS, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) estime qu’à l’heure actuelle les données ne justifient pas que les cliniciens fassent le dosage biologique de ces substances.

Utilité du dosage biologique des PFAS en contexte québécois

Sur le plan populationnel, certains critères existent afin d’expliciter les avantages et les inconvénients d’utiliser à large échelle des tests paracliniques comme le dosage biologique des PFAS. Ces critères ont trait à la maladie ciblée (p. ex. l’incidence, la prévalence, la sévérité), au test paraclinique (p. ex. la validité, la fiabilité, la disponibilité et l’accessibilité) et aux options pour le dépistage/diagnostic (p. ex. la validité, la précocité, le caractère invasif) et le traitement (p. ex. l’efficacité et la disponibilité).

Le résultat du dosage biologique des PFAS ne renseigne pas sur la source ni sur la période d'exposition (p. ex. si elle est toujours actuelle). Il ne permet donc pas d’établir une stratégie ciblée afin de limiter l’exposition. Par ailleurs, de nombreuses limites existent actuellement quant à l’utilisation élargie du dosage biologique des PFAS.

Citons notamment :

  • L’incertitude quant aux effets cliniques reliés à l’exposition;
  • L’absence de valeur seuil valide reconnue pour interpréter le résultat du test et quantifier le risque de maladie chez l’individu, lié au manque d’informations sur les niveaux de concentration produisant des effets cliniques mesurables pour les différents composés et les mélanges;
  • Le coût du test et la faible validité démontrée de certains tests de dépistage subséquents pour les maladies ciblées.

Utilité pour l'individu

Les informations disponibles ne permettent pas de déterminer de bénéfices à utiliser le dosage biologique avec comme seul objectif d’explorer une imprégnation biologique chez un patient, sans plus d’informations disponibles sur une potentielle exposition environnementale ou occupationnelle importante. Les avantages potentiels seraient alors limités et les inconvénients réels. 

Pour une personne chez qui une forte exposition a été documentée, avant de considérer un dosage biologique des PFAS, il est important de prendre en compte d’une part les avantages et la valeur ajoutée et, d’autre part, les inconvénients de se soumettre à un tel test et aux investigations subséquentes qui pourraient en résulter. Des personnes fortement exposées sont, par exemple, celles consommant une eau avec une importante contamination avérée ou des travailleurs dans une industrie utilisant ces produits (NASEM, 2022). Pour ces personnes plus fortement exposées, selon les connaissances actuelles, une caractérisation de l’environnement à risque ainsi que des conseils visant la réduction de l’exposition devraient suffire. La population générale peut également bénéficier de ces conseils visant la réduction de leur exposition (voir la fiche Sources d’exposition aux PFAS). 

Les avantages et les inconvénients de procéder à un dosage biologique des PFAS chez un patient donné doivent idéalement faire l’objet d’une discussion entre ce patient et un clinicien qualifié à ce sujet afin de faciliter une prise de décision éclairée. Les cliniciens doivent prendre en compte les éléments suivants dans leur décision de faire tester ou non un patient : 1) l’histoire de l’exposition, 2) les résultats de dosage des PFAS dans les matrices environnementales auxquelles le patient est exposé 3) la disponibilité du test pour la ou les substances en question et 4) si les résultats peuvent permettre une diminution de l’exposition. Des facteurs uniques au patient peuvent être pris en compte (ATSDR, 2024). Un intérêt médico-légal pour confirmer et quantifier son exposition pourrait justifier le recours au test. Toutefois, la réalisation de ce test pourrait comporter des inconvénients, par exemple, les difficultés d’interprétation du test de dosage des PFAS, les effets iatrogéniques possibles des investigations pour le dépistage ou le diagnostic ainsi que l’augmentation du stress lié aux craintes relatives aux effets néfastes des PFAS.

Utilité pour la population

Des mesures sanguines ou sur d’autres matrices corporelles faites dans le cadre de projets de biosurveillance populationnelle (p. ex. l’Enquête canadienne sur les mesures de santé [ECMS]; voir la fiche Sources d’exposition aux PFAS) ou dans un milieu de travail à risque pourraient être utiles afin de générer des données d'exposition dans différents lieux, groupes de personnes et sur plusieurs années. Ces données pourraient permettre de valider les effets populationnels à long terme de certaines mesures de contrôle communautaires, comme l’interdiction d'utilisation de ces produits (voir la fiche Limiter l’exposition aux PFAS). Le dosage biologique des PFAS pourrait aussi être effectué dans le domaine de la recherche.

Conduite à tenir en fonction des résultats des tests

Étant donné l’exposition généralisée de la population à ces composés depuis de nombreuses années, la plupart des personnes présentent des niveaux détectables de PFAS dans leurs matrices biologiques. La relation entre les concentrations sériques de PFAS et les différents effets physiologiques est de mieux en mieux documentée pour les PFAS les plus étudiées (p. ex. les PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA). Ces dernières sont actuellement moins utilisées, mais elles persistent dans l’environnement (voir la fiche Sources d’exposition aux PFAS). Malgré cela, la signification clinique de ces effets physiologiques (p. ex. la diminution modeste d’anticorps pour certaines PFAS ou l’augmentation détectable d’enzymes hépatiques pour d’autres) demeure parfois incertaine. De plus, les effets possiblement néfastes des PFAS émergentes, qui continuent à être utilisées et qui peuvent se retrouver dans les matrices biologiques, sont moins bien documentés

Ces contraintes rendent difficile l’établissement de valeurs seuils valides pour guider l’interprétation des résultats des tests biologiques. Il n’existe actuellement pas de ligne directrice canadienne sur les quantités sériques en PFAS à respecter. Les résultats du dosage biologique ne permettent pas d’orienter le traitement ou de prédire de futurs problèmes de santé. Par ailleurs, il n’existe pas de traitement médical approuvé pour réduire la charge corporelle en PFAS (ATSDR, 2024).

En l’absence de telles valeurs, les données de biosurveillance populationnelle ou, si elles ne sont pas disponibles, celles d'études épidémiologiques sur des populations similaires, peuvent servir afin de comparer les résultats des tests. Cela permettrait de savoir si l’exposition du patient est élevée par rapport à celle de la population générale (ATSDR, 2019). Cela ne renseigne cependant pas le patient sur le risque de maladie encouru lié à un niveau corporel donné de PFAS.

Sur la base de certains effets physiologiques et cliniques observés à la suite de l’exposition aux PFAS, les National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM, 2022) des États-Unis ont proposé des lignes directrices afin d’interpréter les résultats des dosages sériques. Elles considèrent la somme de sept PFAS et permettent de classer les résultats en trois catégories selon deux seuils (somme des PFAS sériques de moins de 2 ng/ml : somme égale ou supérieure à 2 ng/ml et inférieure à 20 ng/ml; somme de 20 ng/ml ou plus). Les NASEM proposent une conduite clinique préventive particulière pour chacune de ces catégories comportant des tests de dépistage/diagnostiques qui diffèrent de la pratique clinique préventive usuelle. Ces recommandations d’experts des NASEM (2022) se basent sur des études épidémiologiques sur les effets à la santé associés aux PFAS pour proposer des investigations supplémentaires. Elles ne font pas partie des pratiques standards de dépistage selon l’âge établi pour la population canadienne et états-unienne (ATSDR, 2019). Elles ne répondent pas non plus nécessairement aux critères détaillés plus haut pour réaliser un test de dépistage dans la population ou pour un individu avec des niveaux sériques jugés élevés en PFAS

  • Pour le cancer du rein1, la recherche de sang dans les urines chez les personnes de plus de 45 ans constitue le test de dépistage paraclinique suggéré par les NASEM (2022). Elles précisent que ce test ne possède pas une bonne spécificité pour la détection du cancer du rein. La prévalence populationnelle de ce cancer est très faible, ce qui diminue la valeur prédictive positive (VPP) du test de dépistage avec l’analyse d’urine. Ce dépistage comporte également des inconvénients, comme l’utilisation éventuelle de tests diagnostic coûteux (p. ex. la tomodensitométrie) avec des effets secondaires potentiels (annexe 1). La palpation abdominale à la recherche d’une masse affiche quant à elle une faible sensibilité pour la détection du cancer du rein. Elle pourrait donc entraîner de la fausse réassurance; 
  • Pour le cancer testiculaire, aucun questionnaire ou examen clinique ne permet de le détecter précocement de façon valide. De plus, la détection précoce ne garantit pas un meilleur pronostic selon les informations disponibles (NASEM, 2022). L’utilisation d’une imagerie par ultrasons dans ce contexte peut aussi engendrer des coûts supplémentaires pour le système de soins. L’U.S. Preventives Services Task Force ne recommande donc pas le dépistage du cancer testiculaire; 
  • Pour la colite ulcéreuse, les NASEM (2022) suggèrent de repérer la symptomatologie concordante avec un questionnaire au patient, outil qui n’est pas validé pour le sujet; 
  • Finalement, pour la dysthyroïdie, faute de preuves suffisantes, les organisations qui édictent les lignes directrices de dépistage canadiennes et américaines ne recommandent pas de la dépister chez les patients asymptomatiques, puisqu’il n’est pas démontré que cela modifie le pronostic de la maladie.

Étant donné les incertitudes sur certains effets à la santé, les concentrations sériques auxquelles ils se produisent et les difficultés d'interprétation de ces tests, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) considère qu’à l’heure actuelle, les données ne justifient pas que les cliniciens fassent le dosage biologique des PFAS. Toutes les personnes soucieuses de leur exposition aux PFAS peuvent bénéficier de conseils prodigués par une organisation de santé publique ou par un clinicien habilité quant à la réduction de leur exposition (voir la fiche Façons de limiter l’exposition). 

Les personnes symptomatiques continuent d’être traitées pour leur condition clinique selon les pratiques standards usuelles de soins et en considérant l'ensemble de leurs facteurs de risque. Les personnes asymptomatiques bénéficient des pratiques standards de dépistage selon l’âge établi pour les populations canadiennes et états-uniennes. Les raisons édictées plus haut ne justifient pas de procéder à d’autres investigations en contexte préventif. 

D’autres regroupements de chercheurs et de cliniciens états-uniens proposent également le dosage sérique des anticorps des maladies évitables par la vaccination. Pour l’instant, il faut éviter cette pratique, puisque comme précisé par von Holst et al. (2021), on observe une diminution des anticorps en réponse à la vaccination, mais sans effet démontré dans les études sur l’efficacité vaccinale ou la diminution de la protection conférée par le vaccin. De plus, il n’y a pas d’intervention indiquée à la suite d’une constatation d’une diminution d’anticorps sérique, la revaccination n’étant pas recommandée sur cette base.

Par ailleurs, l’IARC (2024) a statué que les PFOA sont un cancérogène de groupe 1 et les PFOS un cancérogène de groupe 2B. Par contre, selon l’IARC (2024), les évidences sont encore limitées à savoir si les PFOA contribuent au cancer du rein ou des testicules chez l’humain. Zahm S, Bonde JP, Chiu WA, et al. Carcinogenicity of perfluorooctanoic acid and perfluorooctanesulfonic acid. Lancet Oncol. 2024 Jan;25(1):16-17. doi: 10.1016/S1470-2045(23)00622-8. Epub 2023 Nov 30.

Méthodes analytiques pour le dosage biologique des PFAS

Les PFAS peuvent être analysées dans différentes matrices biologiques (sérum, plasma, sang, urine, lait, etc.) (NASEM, 2022). Le sérum et le plasma sont comparables pour la mesure, entre autres, du PFOA et du PFOS. Il s’agit des meilleures matrices pour la mesure de certaines PFAS à plus longue chaîne et ayant une longue demi-vie biologique (p. ex. PFOA et PFOS) (NASEM, 2022). L’urine peut s’avérer un choix pertinent pour la mesure de celles à plus courte chaîne et demi-vie (p. ex. PFBA et PFBS) (ITRC, 2022; OECD, 2011, 2013). Il demeure cependant de l’incertitude quant aux matrices à privilégier pour mesurer les PFAS avec des demi-vies plus courtes. Certaines PFAS sont détectées majoritairement dans certaines matrices (p. ex. PFHxA dans le sang total) (Poothong et al., 2017). Le nombre de composés analysés varie selon les méthodes analytiques utilisées. 

Les méthodes analytiques disponibles pour les matrices corporelles présentent certaines limites, entre autres quant à leur sensibilité et au coût des analyses. Les résultats doivent être interprétés en fonction de ces limites et de celles liées aux composés analysés et aux matrices sélectionnées (NASEM, 2022). Il est important de sélectionner des laboratoires et des méthodes qui rencontrent des critères d’assurance et de contrôle de la qualité établis afin d’assurer la validité des résultats (ISO, 2017). 

Le Centre de toxicologie du Québec (CTQ) offre l’analyse d’une dizaine de ces composés dans le sérum et le plasma. La recherche dans ce domaine se poursuit afin de cibler les composés prioritaires auxquels la population est exposée. Le CTQ poursuit ses travaux sur le développement de nouvelles méthodes analytiques pour les PFAS émergentes.

Références

  1. Agency for Toxic Substances and Disease Registry. (2019). PFAS: an overview of the science and guidance for clinicians on per-and polyfluoroalkyl substances (PFAS).
  2. Agency for Toxic Substances and Disease Registry. (2024). PFAS Information for Clinicians-2024.
  3. International Organization for Standardization. (2017). General requirements for the competence of testing and calibration laboratories.
  4. Interstate Technology & Regulatory Council. (2022). Per-and Polyfluoroalkyl Substances Technical and regulatory Guidance.
  5. National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. (2022). Guidance on PFAS testing and health outcomes.
  6. Organisation for Economic Co-operation and Development. (2011). OECD portal on perfluorinated chemicals.
  7. Organisation for Economic Co-operation and Development. (2013). Synthesis paper on per- and polyfluorinated chemicals (PFCs).
  8. Poothong, S., Thomsen, C., Padilla-Sanchez, J. A., Papadopoulou, E. et Haug, L. S. (2017). Distribution of novel and well-known poly- and perfluoroalkyl substances (PFASs) in human serum, plasma and whole blood. Environ. Sci.Technol., 51, 13388-13396.
  9. von Holst, H., Nayak, P., Dembek, Z., Buehler, S., Echeverria, D., Fallacara, D. et John, L. (2021). Perfluoroalkyl substances exposure and immunity, allergic response, infection, and asthma in children: review of epidemiologic studies. Heliyon, 7(10), e08160. 

Auteurs :
Caroline Huot, Stéphane Perron et Julien Michaud-Tétreault, Institut national de santé publique du Québec.

Révision scientifique :
Stéphane Caron, Éric Gaudreau, Fabien Gagnon, Pierre Dumas et Vicky Huppé (Institut national de santé publique du Québec),
Sonia Boivin (Direction de santé publique de l’Estrie)
Julie Brodeur et Yun Jen (Direction de santé publique de Montréal)
Gille Delaunais (Direction de santé publique de l’Outaouais)
Christiane Dupont (ministère de la Santé et des Services Sociaux)
Michel Savard (Direction de santé publique des Laurentides)
Yannick Auclair, Julie Brunet et Julie Lessard (Institut national d’excellence en santé et services sociaux)
Marc-André Verner (Université de Montréal)
Jin Hee Kim, Vince Spilchuk, Rena Chung, Alvin Ching et Wai Leung (Public Health Ontario).

Citation suggérée pour la présente fiche :
Caroline Huot, Stéphane Perron et Julien Michaud-Tétreault. (2023). Dosage biologique. Dans Les substances per et polyfluoroalkylées (PFAS). Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/pfas/dosage-biologique.

Dernière mise à jour :