Logigramme d’aide à la décision pour la présence des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans l’eau potable

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA ou PFAS) forment une famille chimique complexe regroupant des milliers de composés organiques fluorés1. Les PFAS proviennent exclusivement de l’activité humaine et sont utilisées dans une grande variété de produits de consommation et de procédés industriels. Elles sont très persistantes et omniprésentes dans l’environnement, souvent sous forme de mélange variable comprenant plusieurs composés. Compte tenu des effets toxiques qui ont été associés à certaines PFAS et des incertitudes actuelles concernant les niveaux d’exposition présentant un risque pour la santé humaine, plusieurs initiatives internationales visent l’interdiction ou la restriction d’utilisation de ces substances pour diminuer l’exposition de la population. De plus, certaines contaminations locales ou ponctuelles peuvent s'ajouter à cette pollution diffuse par les PFAS et atteindre les eaux souterraines et de surface servant d’alimentation en eau potable. Dans certains de ces cas, selon l’ampleur de la contamination, l’eau potable peut représenter une source d’exposition non négligeable par rapport à l’alimentation.  

Au Québec, il n’existe actuellement aucune norme qui réglemente la présence de PFAS dans l’eau. Toutefois, un nombre grandissant d’organisations et de juridictions sanitaires à travers le monde propose des valeurs guides2 pour les PFAS, certaines basées uniquement sur la santé (valeurs guides sanitaires) et d’autres prenant en considération diverses contraintes d’application (valeurs guides de gestion). Des valeurs guides sont déterminées pour certaines PFAS individuelles et d’autres pour des groupes comprenant des nombres variables de PFAS. Une attention accrue a été portée à la présence des PFAS dans l’eau potable récemment, à la lumière de l’abaissement important de valeurs guides proposées par certains organismes sanitaires. En effet, des études portent à croire que la toxicité des PFAS peut se manifester chez l’humain à des doses similaires à celles découlant de certaines expositions environnementales, lesquelles étaient auparavant considérées sans effets notables. Par exemple, des organismes gouvernementaux ont récemment utilisé les données épidémiologiques concernant les effets sur le système immunitaire pour déterminer des valeurs toxicologiques de référence et des valeurs guides sanitaires pour l’eau potable (4,5). Ces valeurs sont en général très faibles et changent l’interprétation du risque concernant l’exposition aux PFAS présentes dans l’eau potable par rapport à ce qui était généralement assumé très récemment. Enfin, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et Santé Canada recommandent de maintenir les concentrations dans l’eau potable « au niveau le plus faible qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre » .

Aussi, le manque de données sur la toxicité de nombreux composés, la présence des mélanges de composition variable ainsi que l’évolution rapide des connaissances scientifiques sur le sujet s’ajoutent à la complexité du contexte décrit ci-dessus. C’est pourquoi les intervenants font face à de nombreux défis dans l’évaluation et la gestion des risques découlant de la présence de PFAS dans l’eau potable. Le logigramme d’aide à la décision présenté ici est un outil conçu pour accompagner la prise en charge initiale d’une telle situation avec l’objectif d’identifier rapidement des situations où il est souhaitable de structurer des actions de santé publique. Il propose des balises à la fois pour des expositions chroniques et sous-chroniques ainsi que pour quelques PFAS individuelles et pour la somme des PFAS.

Dans tous les cas, les décisions concernant la gestion des risques sanitaires liée à la contamination de l’eau potable par les PFAS devraient être examinées avec attention, de concert avec les parties prenantes impliquées et en tenant compte des risques appréhendés et des particularités de chaque problématique identifiée. Les enjeux communicationnels et éthiques entourant les risques devraient également être considérés par les autorités responsables.

Ce document présente d’abord les bases scientifiques sur lesquelles s’appuie le Logigramme PFAS. Il décrit ensuite le logigramme, tant dans sa structure que dans le contexte des documents existants de gestion de risque au Québec dans lesquels il s’inscrit. Enfin, le document présente les forces et les limites du logigramme, avant de conclure succinctement sur sa portée d’application.


1Selon la définition de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (3), la caractéristique commune des PFAS est d’être formée d’une chaîne de carbone contenant au moins un groupement fluoré, soit méthyl ou méthylène, saturé et complètement fluoré. À ce squelette fluorocarboné peuvent s’ajouter différents groupes fonctionnels qui confèrent à ces molécules des propriétés physiques, chimiques et toxicologiques distinctes.
2 Les termes soulignés dans le texte sont définis dans le glossaire au début du présent document (p. IV).

Auteur(-trice)s
Marie-Hélène Bourgault
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Michelle Gagné
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Daria Pereg
Groupe environnement, Unité de recherche en santé publique, Centre Hospitalier Universitaire de Québec
Mathieu Valcke
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-95980-9
Notice Santécom
Date de publication