Cadrer la situation de risque

 

Définir le problème à évaluer et à gérer

Définir le problème consiste à :

  • dresser le portrait de la situation;
  • identifier un risque potentiel ou avéré de santé publique;
  • formuler l’énoncé de la problématique de risque.

Portrait de la situation

Il s’agit ici de résumer l’information disponible relative à la situation de risque (nombre de cas confirmés ou probables, nombre de personnes exposées, la source possible, les effets potentiels, l’incident éventuel, les modes de transmission, les moyens de prévention éventuels, etc.). Il convient aussi de documenter le contexte de la demande d’évaluation.

Les questions suivantes sont utiles pour caractériser la situation :

  • Le risque constitue-t-il une menace21?
  • Est-ce une urgence, un sinistre ou une crise?
  • La situation requiert-elle une intervention immédiate ou celle-ci peut-elle se faire à plus long terme?
  • Des moyens de réduction du risque existent-ils ou sont-ils déjà en place?
  • S’agit-il d’une situation fréquente ou d’un risque pour lequel un guide, un règlement ou un protocole précise l’intervention à mettre en œuvre?
  • Le risque est-il complexe, incertain ou ambigu?

Identification d’un risque potentiel ou avéré de santé publique

 

Les autorités de santé publique sont impliquées dans une démarche d’évaluation et de gestion des risques uniquement si le risque potentiel ou avéré touche la santé d’une population humaine.

Au début, l’incertitude peut être grande. Par ailleurs, si la population perçoit un risque à la santé, les autorités de santé publique devraient répondre à cette préoccupation même si elles estiment qu’il n’y a pas de risque réel. Communiquer adéquatement avec la population et lui fournir toutes les informations disponibles et pertinentes sur le risque perçu est généralement suffisant dans une telle situation.

Formulation de l’énoncé de la problématique de risque

 

Les parties prenantes devraient clarifier les éléments de l’énoncé de risque pour développer une vision commune de la problématique et faciliter les échanges, notamment quant aux éléments suivants :

  • Population : Quelles populations pourraient voir leur santé affectée par ce risque?
  • Milieu/lieu : Quel environnement professionnel, géographique ou naturel est considéré?
  • Temps : Quelle période de temps est examinée?
  • Événement : Quel type particulier d’incident est considéré?
  • Agent : Quel est l’agent dangereux avéré ou potentiel?
  • Source : Quelle est la source avérée ou potentielle de l’agent dangereux?
  • Circonstance d’exposition : Quel est le comportement ou le bris de procédure à l’origine de l’exposition au danger?
  • Conséquences : Quels sont les effets potentiels sur la santé?

L’énoncé de risque peut parfois être révisé au cours du processus, lorsque la compréhension de la problématique du risque s’affine.

 

Exemple

Énoncé du risque associé aux bioaérosols en milieu de soins

Il s’agit du risque pour les travailleurs de la santé (population) de contracter une maladie respiratoire (conséquence) transmissible par inhalation d’un bioaérosol infectieux (agent) lorsqu’ils prodiguent des soins sans appareil de protection respiratoire (circonstance d’exposition) à un patient (source) qui tousse (événement). Ce risque peut éventuellement se traduire chez les travailleurs malades par des congés de maladie sans hospitalisation, des hospitalisations, des séquelles permanentes provoquées par l’agent infectieux ou par le traitement, des décès éventuels (conséquences directes sur la santé). Il peut également provoquer pour le système de santé des coûts financiers associés aux soins et au suivi médical du personnel exposé (conséquences indirectes). Le risque touche l’ensemble des établissements de soins au Québec (milieu) au cours d’une période de temps à déterminer.

Cet énoncé du risque mérite d’être précisé davantage :

  • Population : S’agit-il seulement du personnel soignant ou y inclut-on aussi les travailleurs d’entretien ménager, de la maintenance des équipements, etc.?
  • Milieu : Les soins prodigués sont-ils considérés dans un milieu spécifique de soins comme lors d’une bronchoscopie, lors du tri à l’urgence, dans une chambre de malade ou pour l’ensemble de ces milieux?
  • Agent : Va-t-on considérer tous les bioaérosols infectieux ou seulement ceux reliés à la tuberculose?
  • Conséquences : S’intéresse-t-on aux travailleurs infectés par la tuberculose ou seulement à ceux qui développeront la maladie? Parmi les effets possibles touchant la santé physique des travailleurs, considère-t-on toutes les conséquences directes citées plus haut ou seulement certaines? Veut-on inclure les conséquences indirectes comme le fardeau économique associé à ce risque pour le système de santé?
  • Circonstance d’exposition : Outre le port d’un masque respiratoire, va-t-on considérer les aménagements physiques et organisationnels pouvant limiter l’exposition aux bioaérosols infectieux (ventilation et ergonomie des salles de bronchoscopie, isolement des malades soupçonnés d’infections transmissibles, par exemple).
 

Comprendre le contexte

Pour comprendre le contexte, il convient d’identifier :

  • la gouvernance à mettre en place;
  • les facteurs du contexte qui influencent le risque;
  • les perceptions du risque, les préoccupations, les attentes et les intérêts des parties prenantes.

Gouvernance à mettre en place

En tenant compte du portrait de la situation et de l’énoncé du risque précédemment définis (section Définir le problème à évaluer et à gérer), il importe de clarifier la gouvernance en :

  • identifiant les parties prenantes : les acteurs clés, les parties affectées et celles intéressées;
  • établissant les rôles et les responsabilités des acteurs clés;
  • déterminant les lois, les règlements ou les guides spécifiques qui s’appliquent;
  • distinguant les moyens d’intervention les plus appropriés à utiliser.

Rappelons qu’au sens de la LSP, les définitions d’un risque spécifique à la santé de la population et d’une menace revêtent une importance fondamentale, car elles déterminent les responsabilités et les pouvoirs des autorités (section La gouvernance : des rôles et des responsabilités clairs).

Enfin, les moyens d’intervention possibles peuvent changer en fonction de la dynamique de la situation et de l’affinement de la compréhension du risque avec le temps.

Facteurs du contexte qui pourraient influencer le risque

À partir d’une évaluation sommaire de l’état actuel des connaissances, les facteurs du contexte qui pourraient influencer directement ou indirectement la santé de la population sont identifiés.

À cet effet, la question suivante apparaît utile :

  • Quels sont les facteurs du contexte, par exemple les facteurs épidémiologiques (couverture vaccinale, etc.), démographiques, organisationnels, environnementaux, sociaux ou économiques associés à l’état de santé, qui augmentent ou réduisent la vulnérabilité* ou l’exposition de la population à un agent dangereux?

On distingue notamment les facteurs du contexte suivants (section Gérer le risque en santé publique, une démarche multidimensionnelle) :

  • Facteurs scientifiques : état de santé de la population, disponibilité et efficacité de traitements médicaux ou de moyens techniques de prévention du risque (par exemple la vaccination en MI ou le port d’un appareil de protection respiratoire contre les bioaérosols).
  • Facteurs environnementaux : naturels (eau, air, sol, climat, etc.) ou de l’environnement bâti (air intérieur, etc.).
  • Facteurs sociaux : les pratiques culturelles, les croyances et les perceptions, etc.
  • Facteurs politiques, organisationnels, légaux et réglementaires : les pratiques de prévention et les pratiques cliniques, les programmes de formation concernant les pratiques de prévention des risques, etc.
  • Facteurs économiques : le taux d’emploi, le niveau de revenu, etc.

Perceptions du risque, préoccupations, attentes et intérêts des parties prenantes

Il s’agit ici d’identifier les perceptions, les préoccupations, les attentes et les intérêts des parties prenantes. Il convient de les résumer le plus objectivement possible en mettant à distance ses propres paradigmes. Les points de convergence et de divergence (controverses) entre les parties prenantes ou au sein de celles-ci peuvent ensuite être précisés en ce qui a trait à l’interprétation des données scientifiques et aux valeurs éthiques.

L’un des défis principaux de la gestion des risques à la santé se fonde sur la résolution de l’ambiguïté qui survient lorsqu’il y a une controverse scientifique sur l’interprétation de l’analyse du risque ou encore lorsqu’émergent des conflits de valeurs éthiques. Cette dernière forme d’ambiguïté repose notamment sur des perceptions différentes d’un même risque. Intégrer la perception du risque dans le processus de gestion des risques favorise une meilleure compréhension des différentes perspectives en présence. C’est l’une des conditions identifiées pour faciliter la résolution ou la réduction de l’ambiguïté. 

  1. La menace, définie dans la LSP (Loi sur la santé publique, 2001, RLRQ, c.S 2.2, art. 2) et dans le glossaire, est expliquée à la section Qu'est-ce qu'une menace à la santé de la population?