Planifier le travail

 

Mettre en place une équipe de travail

Pour des risques complexes*, incertains* ou ambigus* ou pour des problématiques qui touchent plusieurs régions, la mise en place d’une équipe de travail est généralement justifiée. Le directeur de santé publique est responsable de mettre en place cette équipe, dont la composition dépendra de la nature du risque, de la situation et du contexte.

Le directeur de santé publique peut ensuite mandater une personne pour le représenter ou l’assister dans la coordination du processus. Plus particulièrement, lors de certaines situations d’urgence en santé publique, le médecin de garde peut se trouver seul pour évaluer et gérer le risque à la santé de la population qu’il dessert, selon l’autorisation fournie par son directeur de santé publique à exercer certains pouvoirs en son nom22. D’autre part, la gestion courante du risque en entreprise relève du médecin responsable en SAT.

Cette équipe inclut des experts scientifiques et professionnels issus des différentes disciplines nécessaires pour évaluer le risque à la santé de la population et pour générer au besoin des options d’intervention. Selon l’ampleur de la situation, l’équipe comprendra également toute autre personne pertinente, par exemple un conseiller en communication et ce, autant que possible dès le début du processus.

L’équipe planifie le travail et s’assure que toutes les expertises et les parties prenantes pertinentes seront représentées lors de l’évaluation et de la gestion du risque compte tenu des objectifs fixés à la section suivante.

Dès le début de la phase de cadrage et de planification, il importe d’identifier clairement la personne responsable du processus qui disposera de la crédibilité pour impliquer les autres acteurs clés. La personne responsable du processus peut varier au cours des quatre phases. De plus, il est important de nommer également une personne responsable d’assurer la traçabilité du processus en vue de documenter le dossier professionnel (par exemple la tenue d’un tableau de bord).

Dans le cas de situations fréquentes ou locales, la mise en place d’une équipe peut ne pas être justifiée ni même possible, notamment pour les régions périphériques ou éloignées compte tenu du personnel disponible.

 

Établir les objectifs de l'intervention de santé publique

En tenant compte du portrait de la situation, de l’énoncé du risque précédemment définis (section Définir le problème à évaluer et à gérer) et du contexte (section Comprendre le contexte), l’équipe convient des objectifs visés par l’intervention de santé publique en termes d’évaluation et de gestion du risque à la santé de la population. Ces objectifs pourront être davantage précisés ou ajustés en fonction de l’évolution de la situation.

Les objectifs d’évaluation du risque et d’analyse du contexte

Les objectifs généraux d’évaluation du risque à la santé consistent à identifier le danger, ses effets sur la santé incluant la relation dose-réponse, à évaluer l’exposition réelle ou appréhendée de la population concernée et à caractériser le risque. Des objectifs plus spécifiques d’évaluation du risque à la santé pourront aussi être précisés.

Les objectifs d’analyse du contexte consistent à identifier les facteurs qui pourraient influencer le risque à la santé et à évaluer au besoin leurs impacts potentiels. Ces objectifs incluent également l’évaluation des perceptions du risque, des préoccupations, des attentes et des intérêts des parties prenantes. Il convient de préciser ici les objectifs pertinents d’analyse du contexte qui seront retenus afin d’éclairer la décision.

Les objectifs de gestion du risque

 

Les autorités de santé publique demeurent responsables de la gestion des risques à la santé de la population. À cette fin, elles émettent les recommandations jugées nécessaires selon la situation.

Les objectifs établis ici devraient répondre aux besoins des décideurs et des différentes parties affectées et intéressées. Cette étape est donc l’occasion d’échanges entre les acteurs clés, notamment entre les experts et les décideurs. Le niveau de participation des parties prenantes devrait être ajusté au risque et au contexte.

Les objectifs de gestion du risque seront spécifiques aux moyens à mettre en œuvre pour réduire les risques en considérant les sources et les causes du risque ainsi que les différents points d’intervention possibles sur la chaîne de risque.

Les autorités de santé publique doseront l’intensité de leurs interventions vis-à-vis des partenaires responsables de la mise en œuvre des mesures concrètes permettant de réduire ou idéalement d’éliminer le risque.

Les autorités de santé publique peuvent à la fois évaluer et gérer les risques, par exemple lors d’éclosions de maladies évitables par la vaccination. Le plus souvent, elles évaluent les risques et sollicitent d’autres acteurs clés pour prendre en charge la mise en place de mesures préventives et de protection de la santé. 

 

Définir une approche adaptée au risque et au contexte

Dès le début, il est recommandé de définir, en concertation avec les acteurs-clés, une approche de gestion adaptée au risque et au contexte, ainsi que de préciser :

  • le plan administratif de la démarche;
  • le plan d’analyse scientifique;
  • le plan de participation des parties prenantes.

 

Ces plans peuvent être réalisés en parallèle ou dans un ordre différent de celui proposé ici. Leur niveau de détail peut être réduit en fonction des besoins. Ils devraient notamment :

  • permettre de répondre aux objectifs fixés tout en étant adaptés aux capacités organisationnelles et aux ressources disponibles;
  • être mis à jour en fonction de l’évolution de l’état des connaissances et de la situation de risque.

Pour la santé publique, il est également important d’établir à cette étape, s’il est pertinent ou non de mettre en place des mécanismes formels pour assurer la traçabilité de la démarche. Il s’agit de pérenniser la chronologie des actions, des documents, des rencontres et des étapes complétées. En effet, il est beaucoup plus facile de prévoir dès le départ un tableau de bord auquel faire référence par la suite pour retrouver facilement de l’information sur le processus, que de le faire à postériori.

L’approche d’évaluation et de gestion devrait être modulée en fonction du risque et du contexte.

Pour des risques complexes, incertains ou ambigus, il convient en général de favoriser (adapté d’IRGC, 2005) :

  • une approche prudente afin d’éviter de causer des dommages;
  • la mise en place de mesures permettant d’augmenter la robustesse des systèmes;
  • niveau de participation plus important des parties prenantes au processus.

Dans l’incertitude, la prudence23 privilégie notamment d’avancer à petit pas. Elle vise ainsi la réversibilité de décisions critiques si de nouvelles connaissances les remettaient en question ou si certains effets négatifs devaient apparaître.

Les systèmes robustes résistent mieux aux impacts imprévus des risques grâce par exemple à l’application de facteurs de sécurité ou en combinant plusieurs solutions différentes.

Une démarche basée sur l’ouverture favorise le dialogue entre les parties prenantes et le développement d’une compréhension mutuelle des différentes perspectives ou valeurs en conflit potentiel.

Notons qu’un risque peut comporter plusieurs de ces caractéristiques (complexe, incertain ou ambigu) et celles-ci peuvent évoluer au cours du processus.

Les situations d’urgences, de crises ou de sinistres requièrent souvent de

  • mettre rapidement en place des mesures de protection;
  • travailler avec des données en temps réel, parfois incomplètes ou contradictoires.

Il convient donc de réduire, au besoin, l’ampleur de la démarche proposée dans ce processus.

Enfin, la gestion du risque par les autorités de santé publique en situation de sinistre peut facilement nécessiter une mobilisation de ressources comme prévu dans la LSP.

Pour des situations que l’on rencontre plus fréquemment, il s’agit généralement de suivre la démarche établie par d’éventuels guides spécifiques à ce risque lorsqu’ils sont disponibles.

Notons que les différentes approches suggérées ci-dessus pour différents risques (complexes, incertains ou ambigus) ou encore pour différentes situations (urgence, etc.) sont non exhaustives. De plus, elles peuvent aussi parfois s’appliquer dans d’autres circonstances.

Plan administratif de la démarche

Ce plan définit notamment (adapté d’INESSS 2013b) :

  • les rôles et les responsabilités des acteurs clés;
  • les ressources disponibles (humaines, techniques et financières);
  • les produits livrables pour atteindre les objectifs fixés ainsi que les limites de la démarche;
  • un échéancier;
  • un budget permettant d’estimer le coût total prévu, en incluant les coûts spécifiques au suivi de la démarche et aux ressources humaines.

Enfin, il convient de vérifier que les acteurs clés ont tous compris et accepté leurs rôles et responsabilités.

Plan d’analyse scientifique

Ce sont les experts qui ont la responsabilité de prévoir les méthodes scientifiques qui permettront d’atteindre les objectifs. Le plan d’analyse précise les orientations générales des méthodes; celles-ci pourront être détaillées plus tard lors de la phase d’évaluation.

Il convient de préciser les méthodes scientifiques appropriées (adapté d’INESSS 2013b) :

  • de recherche et de gestion d’information;
  • d’analyse et de synthèse;
  • de délibération et d’élaboration des options de gestion ou recommandations;
  • de surveillance et de mise à jour des données.

Bien entendu, les méthodes scientifiques ne devront pas nécessairement toujours être précisées pour l’ensemble des domaines proposés ici.

Afin de favoriser la transparence et la rigueur, il est notamment recommandé (adapté d’EPA, 2014) :

  • d’exposer le raisonnement qui a mené à choisir, parmi différents scénarios possibles, des voies d’exposition, des effets sur la santé et des relations dose-réponse spécifiques à étudier;
  • de préciser les incertitudes (données manquantes, les facteurs de confusion (individuels, régionaux, inter-groupes, etc.), les hypothèses et les limites des méthodes;
  • de comparer le niveau de précision attendu des méthodes utilisées à celui qui est nécessaire pour prendre les décisions;
  • de planifier, au besoin et si possible, une révision scientifique par les pairs de la démarche et des livrables. Il convient alors d’établir quels éléments de la démarche seront révisés par qui et à quels moments dans le processus.

Plan de participation des parties prenantes

Planifier la participation des parties prenantes dès le début du processus favorise la collaboration entre ces dernières et leur réelle adhésion au processus (section La participation des parties prenantes).

Pour chacune des parties prenantes significatives, il convient d’établir (adapté d’Agence canadienne d’évaluation environnementale, 2008; INESSS 2013b et 2014) :

  • les perceptions du risque, les préoccupations, les attentes et les intérêts des parties prenantes;
  • les forces en présence et les relations de pouvoir entre les parties prenantes;
  • des objectifs spécifiques à chaque phase du processus et adaptés aux différents groupes en fonction de leurs intérêts et de leur capacité à participer;
  • le niveau de participation retenu (informer, consulter, impliquer, collaborer ou habiliter/déléguer) pour chacune des phases du processus compte tenu du risque et du contexte;
  • le type d’activités de participation en fonction du niveau d’implication souhaité (entrevues individuelles ou de groupe, sondage, comité consultatif, etc.);
  • les procédures administratives (honoraires, engagement à respecter la confidentialité, déclaration d’intérêts, etc.).
  1. Loi sur la santé publique, 2001, RLRQ, c. S-2.2, art.113.
  2. La prudence se traduit par la précaution dans le cas de risques potentiels et par la prévention dans le cas de risques avérés [cadre de 2003 (INSPQ, 2003); Service de recherche du parlement européen (EPRS), 2015].