Consommation de médicaments opioïdes par les UDI à Montréal

Lina Noël vous propose un article sur la consommation de médicaments opioïdes par les UDI à Montréal

The growing popularity of prescription opioid injection in downtown Montreal: new challenges for harm reduction
Popularité croissante de l’injection de médicaments opioïdes au centre-ville de Montréal : nouveaux défis pour la réduction des méfaits [Traduction libre]
Roy, E., Arruda, N. et Bourgois, P. | Subst Use Misuse, 46(9), 1142-50. Paru en 2011

Pour comprendre les transformations actuelles dans les modes de consommation des personnes UDI, Élise Roy et ses collaborateurs nous proposent une étude ethnographique réalisée auprès de consommateurs d’opioïdes du centre-ville de Montréal. L’étude s’est déroulée entre novembre 2007 et décembre 2009 et a permis de rejoindre plus de 60 individus.

Méthodologie

Au plan méthodologique, l’étude est basée sur une approche d’observation participante avec prise de notes et sur des entrevues ethnographiques. Le recrutement des participants s’est fait par la technique boule de neige et de manière opportuniste à travers les réseaux sociaux des personnes recrutées initialement. Les entrevues ont été transcrites et elles ont fait l’objet d’une triangulation des données et des observations de terrain pour ensuite être soumises à l’analyse de contenu.

Portrait des participants

Les participants à l’étude sont majoritairement des hommes d’expression française âgés de 18 à 60 ans, le plus souvent sans domicile fixe et sans revenu d’emploi. La presque totalité d’entre eux sont des consommateurs de cocaïne par injection.

Les principaux médicaments opioïdes consommés au centre-ville de Montréal sont l’hydromorphone hydrochloride en tablette (nom de rue : dilaus) et l’hydromorphone hydrochloride en capsule (nom de rue : hydros). Le médicament en tablette est disponible en 1, 2, 4 ou 8 mg (consommation quotidienne pour un UDI = entre 50 à 60 mg) alors que les capsules le sont en 3, 6, 12, 24 ou 30 mg (consommation quotidienne pour un UDI = entre 60 à 72 mg).

Quelques constats

Les auteurs signalent que les consommateurs de médicaments opioïdes ont développé des techniques pour dissoudre l’hydromorphone hydrochloride en tablette et en capsule, mais que cette forme de consommation comporte des risques pour l’acquisition et la transmission du VIH et du VHC.

Des injections multiples

L’étude souligne par exemple que la taille de la seringue ne permet pas de contenir toute la solution issue de la dissolution d’un comprimé : une séquence d’injection peut donc se décrire par 2 à 3 injections l’une après l’autre pour parvenir à utiliser tout le produit. 

Un environnement plus sécuritaire?

Le marché des médicaments opioïdes n’est pas sous le contrôle des groupes criminalisés et les dealers sont généralement des indépendants. Comme ce n’est pas un produit illégal, les facteurs de stress et la violence qui entourent normalement l’acquisition de produits illicites sont moins présents.

Lorsque qu’il y a partage du produit, l’opération est aussi plus sécuritaire du fait que l’on partage les comprimés avant dissolution plutôt qu’après comme c’est le cas pour des produits comme la cocaïne et l’héroïne qui se vendent en poudre.

Par contre, les effets psychologiques induits par les médicaments opioïdes et la courte période de l’effet du produit imposent eux aussi un nombre élevé d’injections quotidiennes, ce qui augmente les risques liés à l’injection.

La réutilisation des restes

Les auteurs indiquent aussi que, selon leurs analyses, les médicaments opioïdes laissent suffisamment de résidus dans le contenant de dilution et dans les filtres pour rendre la réutilisation des restes intéressante. Par exemple, les filtres peuvent être conservés pour une utilisation dans les situations de manque.

La personne qui dispose de plusieurs filtres procède au trempage de ces derniers pour préparer une nouvelle injection. Cette opération, désignée dans le milieu par le terme  « washes », comporte des risques pour la transmission du VIH et des hépatites B et C, surtout lorsque le produit est partagé avec d’autres personnes.   

Un nouvel attrait qui comporte des risques indéniables

Le faible coût (5 $/unité) du produit, son caractère légal et l’environnement plus sécuritaire qui entoure son acquisition peuvent influencer les préférences des usagers de drogues en faveur de l’injection de médicaments opioïdes.

Toutefois, si l’injection de médicaments opioïdes comporte certains avantages en limitant le partage et en diminuant les facteurs de stress liés à l’acquisition du produit, elle comporte aussi des risques. Les injecteurs de médicaments opioïdes, même s’ils maintiennent une consommation de cocaïne, deviennent de plus en plus dépendants de leur consommation d’opioïdes.

La fréquence élevée d’injections, l’utilisation de matériel inadéquat et la présence de résidus pouvant être réutilisés pour de nouvelles injections sont autant de facteurs de risques dont la santé publique doit se préoccuper.

 

Consultez le résumé de cet article

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Rédigé par
Lina Noël
Date de publication : 11 décembre 2012