Personnes utilisatrices de drogues par injection et VHC : excellente TACTIC à Québec

Depuis 1990, près de 40 000 cas d’hépatite C (VHC) ont été déclarés au Québec, dont 1 166 en 2013. Le taux d’incidence est en régression, mais de nombreuses personnes infectées ignorent leur état. Qui plus est, les personnes utilisatrices de drogues par injection (UDI) sont particulièrement à risque d’infection à cause, bien entendu, du partage de matériel d’injection. Et seulement 10 % de tous les cas de VHC seraient traités. On estime également que 60 à 70 % des nouveaux cas sont liés à la consommation de drogues par injection.

Services à bas seuil d'accès

À Québec, la docteure Lucie Deshaies du CSSS de la Vieille-Capitale s’est attaquée à cet épineux problème du VHC touchant les personnes UDI; une clientèle marginalisée à haut risque de contracter le VHC. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur la politique de son CSSS à l’égard des services à bas seuil d’accès.

« En fait, la littérature scientifique démontre que les taux de fidélité aux traitements et les taux de guérison chez des personnes UDI atteintes par le VHC sont comparables à ceux des personnes non UDI si l’on adapte les services au profil de ces usagers de drogues par injection », explique la Dre Deshaies.

Collaboration CSSS et milieu communautaire

Le modèle de soins développé par l’équipe de la Dre Deshaies, baptisé TACTIC (pour Traitement Accessible de l’hépatite C auprès des Toxicomanes Injecteurs en milieu Communautaire), est mené par une équipe multidisciplinaire composée d’un médecin, de deux infirmières et d’une intervenante psychosociale. Les soins sont prodigués dans le milieu de vie de la clientèle grâce à la collaboration entre le CSSS de la Vieille-Capitale et un organisme communautaire, ceux-ci respectant l’approche à bas seuil d’accès aux soins ainsi que les principes de la réduction des méfaits. En plus de rendre le traitement accessible aux personnes UDI, le modèle de soins TACTIC favorise, par des interventions spécifiques, la fidélité au traitement.

Ce modèle de soins requiert toutefois un solide travail d’équipe, explique Lucie Deshaies. « La prise en charge de la personne UDI, de son traitement et de son accompagnement va bien au-delà du suivi de laboratoire et de la prise du médicament. L’intervenante psychosociale va s’assurer que la personne se présente bien à ses rendez-vous. Au besoin, elle ira frapper à la porte de la personne en traitement, l’accompagnera à son rendez-vous, lui procurera des billets d’autobus. Le fait de s’associer à des organismes communautaires (Point de Repères au départ puis à la Maison de Lauberivière) a certainement favorisé l’accès aux soins, mais il faut également que le patient soit motivé et fasse preuve d’engagement. »

Évaluation du modèle de soins

La DSP de la Capitale-Nationale a évalué le projet et ses conclusions seront connues en septembre 2015. Mais quelques constats peuvent déjà être tirés, estime la Dre Deshaies. « Entre 2009 et 2013, des résultats sur la fidélité au traitement sont disponibles pour 42 patients ayant été traités en bithérapie ou trithérapie à base d’interféron péguylé », dit-elle. Malgré la grande complexité du régime thérapeutique, le taux de fidélité au traitement était d’environ 95 % et la réponse virologique soutenue, tous génotypes confondus, de 75 %.

« De façon générale, les patients se sont dits bien satisfaits des services offerts », indique pour sa part Pierre Racine, agent de planification, de programmation et de recherche et auteur de l’étude à paraître sur le modèle de soins TACTIC.

Dilemmes

L’arrivée de nouveaux médicaments efficaces sans interféron, réduisant la durée du traitement ainsi que les effets secondaires indésirables, pose toutefois des dilemmes. « Quelles seront les modalités d’accès aux traitements? Est-ce que les personnes UDI seront priorisées? Est-ce que les traitements devenus très faciles auront un impact sur les taux de réinfection? Comment allons-nous organiser les interventions post-traitement pour minimiser les risques de réinfection? », s’interroge Dre Deshaies.

Dans tous les cas, avec un taux de fidélité au traitement de plus de 95 % et un taux de guérison de 75 % après six mois, le modèle de soins TACTIC a atteint et même dépassé ses objectifs. « De plus, nous avons rejoint environ 1000 personnes UDI  par des interventions de sensibilisation, d’information, de dépistage et d’évaluation. Bien qu'une faible proportion des UDI infectés par le VHC ait finalement reçu le traitement, la semence fut mise en terre et germera en son temps », conclut la Dre Lucie Deshaies.

Rédigé par
Bernard Duchesne
Date de publication : 11 juin 2015